Islamistes honoris causa

Le 1er avril, des militants masqués interrompent brutalement le cours du professeur Balanche, géographe mondialement reconnu à Lyon-II. La présidente de l’université le soutient très mollement pour l’accuser ensuite de propos complotistes, illustrant la soumission aux islamistes d’une partie du monde académique. La capitale des Gaules serait-elle devenue la Mecque de la lâcheté universitaire ? L’article Islamistes honoris causa est apparu en premier sur Causeur.

Mai 10, 2025 - 11:06
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Islamistes honoris causa

Le 1er avril, des militants masqués interrompent brutalement le cours du professeur Balanche, géographe mondialement reconnu à Lyon-II. La présidente de l’université le soutient très mollement pour l’accuser ensuite de propos complotistes, illustrant la soumission aux islamistes d’une partie du monde académique. La capitale des Gaules serait-elle devenue la Mecque de la lâcheté universitaire ?


L’affaire Balanche, à Lyon-II, a ouvert la boîte de Pandore de cet islamisme universitaire que l’on veut ne pas voir. La notion d’islamo-gauchisme est-elle même pertinente quand l’islam politique impose sa ligne ? Chaque pôle universitaire possède aujourd’hui ses islamistes, couvés par les organisations locales de Frères musulmans, financés par les fonds européens et par les opaques mécanismes de distribution de la Contribution de vie étudiante et de campus (CVEC), et protégés par une noria d’individus et de groupes politiques, syndicaux ou scientifiques, pour cause de convictions religieuses, par stratégie politique révolutionnaire ou par bêtise (qui n’est jamais à sous-estimer).

Un excellent connaisseur de la Syrie

Ladite affaire concerne l’universitaire Fabrice Balanche, 55 ans, maître de conférences en géographie de l’université Lyon-II, spécialiste du Moyen-Orient. Le 1er avril 2025, il donne un cours de licence sur le voisinage de l’Union européenne – sans rapport avec l’islam ni avec le conflit israélo-palestinien. Soudain, une vingtaine d’individus masqués et cagoulés, dont le leader est très baraqué, font irruption dans l’amphithéâtre, munis d’une banderole « Libérez la Palestine » et « Stop au nettoyage ethnique », accusant le géographe d’être « islamophobe », « sioniste », « pro-israélien », « génocidaire » et « pro-Assad ». Quatre étudiants courageux s’interposent, permettant à l’enseignant de quitter son amphithéâtre. Pour les personnes non familières de l’université, une telle manifestation est exceptionnelle : les étudiants sont presque toujours respectueux et silencieux, et quand une délégation syndicale étudiante veut faire une annonce, elle demande l’autorisation avec politesse.

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Le maître de conférences Fabrice Balanche est l’un des meilleurs connaisseurs de la mosaïque communautaire du Moyen-Orient, et de la Syrie en particulier. Auteur en 2000 d’une thèse sur les alaouites – le groupe que l’armée coloniale française a érigé en vivier de l’armée syrienne du xxe siècle –, cet arabophone a passé dix ans au Moyen-Orient, jusqu’à son arrivée à Lyon en 2007. Dès les débuts de la révolution syrienne, qui se mue en un cruel djihad, Balanche s’élève contre la doxa française et occidentale, qui promet la chute imminente à un Bachar El Assad honni. Dès 2015, les Américains, avertis de la pertinence de ses analyses, l’invitent pour plusieurs années à Washington et à Stanford. Cette clairvoyance ne lui sera pas pardonnée en France : malgré son habilitation à diriger les recherches (HDR) obtenue en 2013, Balanche est condamné à stagner au moins douze ans dans son poste de maître de conférences… En 2024, il est lauréat du Prix du livre de géopolitique pour Les Leçons de la crise syrienne (Odile Jacob), publié à la veille de la chute d’Assad, provoquée par la volonté israélienne de casser l’axe iranien et la stratégie néo-ottomane turque qui n’hésite pas à s’appuyer sur la nébuleuse djihadiste proche d’Al-Qaïda.

Curieux poisson d’avril

Le groupe masqué qui a fait irruption dans son cours le 1er avril ne visait pas un poisson d’avril ! Le même groupe avait procédé à un blocage du campus de la porte des Alpes, appartenant également à Lyon-II, le vendredi 28 mars, au lendemain de l’interdiction par l’université d’un iftar (repas de rupture de jeûne). Ayant eu vent que cet iftar – probablement orchestré par un groupe proche des Frères musulmans –, l’administration de Lyon-II leur avait d’abord demandé de le renommer « repas partagé ». Devant leur refus, elle avait fini, en désespoir de cause, par l’interdire. D’où le blocage, qui a suscité la protestation de l’infidèle professeur.

La nécessité de punir le récalcitrant géographe, peu prisé par la mouvance frériste pour la clarté de ses analyses sur le conflit syrien et sur l’islam politique à l’offensive, a conduit à la scène d’intimidation évoquée.

En dépit de son caractère inédit et inouï, le scandale, dévoilé grâce aux réseaux sociaux, n’a été relayé que dans quelques médias. Certes, Balanche a bénéficié de la protection fonctionnelle de l’université, et il a été accompagné après la médiatisation pour porter plainte au commissariat. Mais personne ne comptait manifestement aller plus loin. Un mois plus tard, l’enquête est en cours, et ce groupe n’a subi aucune exclusion, quoique Fabrice Balanche et la présidente de l’université aient reçu des menaces de mort – nul responsable n’en ignore les dangers depuis l’assassinat de Paty et Bernard. Trois semaines après l’envahissement, le secrétaire d’État à l’Enseignement supérieur a dit son soutien à l’enseignant et à la présidente de l’université ; il a condamné les entraves et menaces planant sur des fonctionnaires, et a réclamé une « protection sans ambiguïtés des enseignants » de la part des présidents d’universités.

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S’il s’est exprimé ainsi, c’est que la présidente de Lyon-II, Isabelle von Bueltzingsloewen, historienne spécialiste de la santé publique, a dénoncé les propos de son professeur menacé, en retournant contre lui la présomption de culpabilité : il aurait eu le tort de parler d’un « premier blocage islamiste » (eût-elle préféré le terme d’entrave ?), de dénoncer les « recrutements politiques à l’Université » (dont Balanche a pourtant eu tout le loisir depuis son arrivée à Lyon-II, en 2007, d’examiner les méfaits). Elle lui reproche aussi ses propos (indéterminés) sur Gaza (« je n’ai pas été étonnée que ça tombe sur ce collègue »). Le recadrage du secrétaire d’État n’est donc pas fortuit, d’autant qu’en termes à peine voilés, la présidente a annoncé que « l’affaire n’était pas terminée », promettant d’en « discuter en conseil d’administration » (ce qui, en langage universitaire, annonce une sanction).

Une révélation du média Atlantico du 26 avril 2025 éclaire d’un jour cru ces menaces voilées : le vice-président de Lyon-II, le politologue Willy Beauvallet-Haddad, a rendu en septembre dernier un vibrant hommage à Hassan Nasrallah – cofondateur du Hezbollah en 1982, et secrétaire général de 1992 à 2024 : « Il a rejoint le Panthéon de nos cœurs. » Or Nasrallah, principal soutien de Bachar El Assad durant la guerre de Syrie, était le chef du Hezbollah, « organisation terroriste » aux ordres de l’Iran, selon les États-Unis et le Royaume-Uni, tandis que l’Union européenne réserve cette qualification à sa seule branche armée. « Docteur honoris causa » de l’université Lyon-II, Nasrallah a cocréé une organisation qui a tué 241 GI et 58 parachutistes français à Beyrouth en 1983, un événement qui a inauguré quatre décennies de guerres conduites par ce parti.

Dans un tel contexte, nul doute que M. Balanche est un empêcheur de tourner en rond.

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