Investir dans des bureaux à la Défense rapporte-t-il encore ?
Même si le marché des bureaux traverse une crise profonde – 5 millions de mètres carrés inoccupés en 2024 –, il reste toujours attractif. La raison ? Sa valeur immatériel.


Même si le marché des bureaux traverse une crise profonde – 5 millions de mètres carrés inoccupés en 2024 –, il reste toujours attractif. La principale raison ? Sa valeur reste immatérielle… et non purement financière. Focus sur le quartier de la Défense à Paris qui connaît un taux de vacances de 15 %, mais qui reste un symbole de la puissance économique de la France.
Le quartier de la Défense, l’un des quartiers d’affaires les plus importants au monde, second en Europe en volume d’activités financières après la City de Londres, n’échappe pas à la crise d’ampleur constatée sur l’investissement dans la classe d’actifs « bureaux ».
Ce marché, après avoir doublé en moins de dix ans, et fait de la France l’un des premiers marchés européens, présente plus de 5 millions de mètres carrés inoccupés en Île-de-France. Le taux de vacance est désormais positionné à 3,6 % dans le quartier central des affaires de Paris (le VIIIe et une partie des Ier, IIe, IXe, XVIe et XVIIe), à 13,7 % dans les XVIIIe, XIXe et XXe arrondissements. En petite couronne, le taux de vacance monte à 23,5 % et 15 % à la Défense.
En 2024, le marché des bureaux en Île-de-France traverse une phase de mutation profonde. Les zones périphériques de Paris doivent se réinventer face aux défis d’une suroffre et d’une transformation accélérée des usages. Certains plaident même pour une transformation massive des immeubles de bureaux en logements. Une telle initiative est-elle pour autant adaptée et souhaitable pour la Défense, et in fine généralisable ? Alors que l’investisseur comme l’occupant ou encore le financeur sont tous de plus en plus à la recherche de performance durable, investir dans l’immobilier de bureaux à La Défense peut-il être un acte de finance durable ?
Puissance économique de la France
La valeur de l’immobilier de bureaux ne se résume pas à la valeur économique directe issue des loyers. Sa valeur d’utilité obtenue par la somme des cash flows (ou flux de trésorerie) actualisés est assise sur une valeur immatérielle qui le transcende. Autrement dit, l’argent ne prend de la valeur au fil du temps grâce aux intérêts, mais aussi pour d’autres raisons plus impalpables.
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Comme la valeur de la tour Eiffel ne saurait être estimée qu’à l’aune d’un flux de trésorerie futur sur les tickets vendus, le quartier de la Défense n’est pas qu’un quartier d’affaires. Il est le symbole du pouvoir de la France dans le monde et de sa capacité à l’influencer. Réduire l’emprise spatiale de ce quartier, envisagez d’en modifier son identité, entrainerait irrémédiablement une évolution substantielle de l’image de la France en matière de centre de décision et de recherche, donc de terre innovante.
Dans ses bureaux se déroulent des activités tertiaires : principalement y sont abrités les sièges sociaux d’entreprises, le développement de la recherche ou encore de l’éducation. Lorsqu’il est évoqué la possibilité de reconfigurer ce quartier pour le revaloriser, il est nécessaire de prendre en compte l’impact sur la valeur territoriale d’un tel projet. L’objectif : intégrer une valeur symbolique générative d’émotions au calcul de la performance ESG.
Valeur verte et décote brune
Investir à La Défense en veillant à améliorer la durabilité des actifs permet aux parties prenantes engagées, acteurs des secteurs financiers et/ou immobilier, d’accroître leur performance environnementale, sociale et de gouvernance (ESG). De facto améliorer leur performance financière, du fait de l’émergence d’une valeur « verte » additionnelle ou rectificative de la « décote brune ». L’actif immobilier prend de la valeur s’il respecte les exigences environnementales. A contrario, il perd de la valeur si d’importants travaux de mise en conformité sont à réaliser.
La réhabilitation d’un immeuble vide contribue de manière plurielle à son environnement : création d’emplois directs ou indirects, suppression de la pollution visuelle d’un immeuble délabré et insalubre, etc. Par ricochet, la valeur financière de l’actif, une fois l’opération menée, s’en trouvera renforcée par une contribution à l’attractivité retrouvée du quartier. Mais le périmètre de la création de valeur et l’impact d’un tel investissement ne s’arrêtent pas là.
Emploi de bureaux et surface de bureaux
Davantage que le seul développement du télétravail imputé à la pandémie de Covid-19, l’immobilier de bureaux connaissait déjà une situation de suroffre. Sur la période 2008-2018, on observe en Île-de-France une décorrélation des courbes de croissance d’emplois de bureaux et de création de surfaces de bureaux. Pour chaque emploi de bureau, 49 m2 sont créés en moyenne, contre 28 m2 sur la période 1999 à 2007.
Ce phénomène est-il finalement la démonstration sous nos yeux de la conséquence du déracinement des entreprises, relevée dans l’étude « Vers un grand déracinement des entreprises françaises cotées ? » Ou simplement l’illustration d’une gouvernance dysfonctionnelle de la part des investisseurs empreinte de biais cognitifs et émotionnels, laissant se déployer une suroffre ?
Valeur émotionnelle
Un investisseur n’est pas uniquement considéré comme un être raisonnable, mais un être d’émotions. Il bénéficie d’une valeur émotionnelle issue du symbole que représente un actif comme un bureau à la Défense. Monétisable du fait d’une désirabilité de l’actif recouvrée, la valeur émotionnelle viendra augmenter la valeur financière.
La finance deviendrait réellement durable, en permettant, par son engagement patriotique, la transmission du patrimoine français matériel et immatériel aux générations futures ? Sous réserver qu’elle inclut également dans ses pratiques une gouvernance globale ?
Alors que les conventions fiscales peuvent favoriser l’investissement en immobilier hors de France, alors que d’aucuns envisagent d’accroître sa taxation en France, et dans un contexte de refonte de l’IFI, qui osera alors encore se risquer à qualifier l’investissement immobilier en France « d’improductif » ?
Gérard Hirigoyen ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.