Interview : Faut-il encore séparer les différentes formes de création ? Avec Gilles Poplin, Directeur de Penninghen

Communication, art, technologie, design… Les frontières entre les disciplines créatives sont toujours plus ténues. Aujourd’hui, ces différentes formes de création s’entremêlent, se répondent, s’enrichissent, se rencontrent, finalement, dans une logique de complémentarité. On voit ainsi des écoles, autrefois attachées à des spécialités distinctes, revoir leur modèle. C’est le cas de Penninghen, établissement de référence en […] L’article Interview : Faut-il encore séparer les différentes formes de création ? Avec Gilles Poplin, Directeur de Penninghen est apparu en premier sur JUPDLC.

Avr 30, 2025 - 10:53
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Interview : Faut-il encore séparer les différentes formes de création ? Avec Gilles Poplin, Directeur de Penninghen

Communication, art, technologie, design… Les frontières entre les disciplines créatives sont toujours plus ténues. Aujourd’hui, ces différentes formes de création s’entremêlent, se répondent, s’enrichissent, se rencontrent, finalement, dans une logique de complémentarité. On voit ainsi des écoles, autrefois attachées à des spécialités distinctes, revoir leur modèle. C’est le cas de Penninghen, établissement de référence en direction artistique et architecture intérieure, qui a choisi d’ouvrir une filière communication. Un choix qui dit beaucoup de l’évolution des métiers créatifs.

Pour en parler, nous avons rencontré Gilles Poplin, directeur de l’école. Pourquoi avoir intégré cette discipline ? En quoi nécessite-t-elle autant de créativité que la direction artistique ou l’architecture d’intérieur, même si elle peut parfois être prise de haut par le milieu créatif (pour son côté mercantile notamment) ? Que penser de la création face à l’essor des outils digitaux et de l’IA ? Et au fond, peut-on encore séparer les façons de créer ? Il nous répond !

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Gilles Poplin, designer et directeur de Penninghen. Crédit photo : Penninghen

JUPDLC : Pourquoi avoir intégré une filière communication chez Penninghen, une école historiquement dédiée à la direction artistique et à l’architecture intérieure ?

Gilles Poplin : La communication gouverne les industries créatives. Il n’y a pas de création sans mise en production. Avec l’avènement des réseaux sociaux et plus largement des canaux de diffusion, la création est nécessairement associée à la communication. Entre la communication visuelle qu’apporte la Direction Artistique et l’Architecture Intérieure qui offre les expériences d’usage, la communication à Penninghen apporte une dimension éditoriale et stratégique indispensable aujourd’hui à tout projet créatif.

JUPDLC : L’hybridation entre communication, design et direction artistique semble de plus en plus présente. Forme-t-elle des créatifs plus polyvalents ou risque-t-elle d’affaiblir l’expertise métier ?

Gilles Poplin : L’affaiblissement réside avant tout dans l’uniformisation et la normalisation qu’imposent les algorithmes et avec eux les standards de communication. La singularité du propos d’une marque ou le parti pris d’une direction artistique ne suffisent plus pour se démarquer ou simplement exister. Il faut savoir proposer les moyens créatifs de les contourner ou de s’en emparer en influant dessus. L’expertise créative se déporte alors sur la communication en tant qu’esthétique relationnelle. C’est ce que nous enseignons.

Carrousel d’Hermes, partenariat, brand content. 5e année. Crédit photo : Penninghen


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JUPDLC : Peut-on considérer la communication comme une forme de création à part entière, au même titre que le design ou l’architecture intérieure ? En quoi son processus créatif est-il similaire ou différent ?

Gilles Poplin : La communication procède de la création. Notre enseignement de la discipline est similaire à ceux des cursus d’Architecture Intérieure et de Direction Artistique dans la manière d’appréhender le réel et d’interpréter le contexte, c’est-à-dire concrètement par la pratique régulière du dessin et l’observation. Nos enseignements liés aux champs de la communication reposent sur l’apport indispensable que représentent les arts et la création pour développer l’empathie, susciter l’émotion, être dans l’instant, procéder de l’énergie du présent et de la relation entre les êtres. Dans le cadre des marques et des institutions qui sont en recherche de différenciation, l’apport de la dimension créative doublée d’un objectif de rentabilité incite les commanditaires à rechercher des concepteurs éclairés, innovants et artistiquement sensibles tout en ayant en tête l’objectif et les enjeux de croissance.

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Woufood, identité de marque. Etienne Dujardin. Crédit photo : Penninghen

JUPDLC : La communication est souvent perçue comme plus « mercantile » que d’autres disciplines créatives. Comment les créatifs peuvent-ils naviguer entre expression artistique et contraintes marketing sans perdre leur singularité ?

Gilles Poplin : La mesure, l’analyse, les indicateurs gouvernent les champs d’action pour les marques qui souhaitent améliorer ou renforcer leur image. Fondamentalement, la communication irradie les échanges entre les individus et procure des émotions : savoir les convoquer est une intelligence que nous nourrissons dans nos multiples enseignements à Penninghen. Et ce, par l’acquisition de connaissances artistiques, théoriques, analytiques au cours de cinq années d’études dont la première année pose les fondamentaux permettant l’articulation entre l’imagination et la raison.

JUPDLC : Avec l’essor de l’IA et des outils digitaux, comment préserver la singularité artistique des étudiants et éviter une standardisation de la création ?

Gilles Poplin : La qualité artistique d’une création réside avant tout dans sa pertinence sensible. L’IA va, à mon sens, être clivante et ériger la création au rang d’expertise. Les vrais auteurs le resteront et le développement de leur art et de leur style par la puissance de l’outil en bénéficiera. En attendant, il ne faut pas sombrer dans la paresse intellectuelle. Il faut redoubler d’efforts pour nourrir notre imaginaire qui passe souvent par l’intelligence de la main. Ce choix de savoir observer le réel par le dessin ou encore le modèle vivant demeure pour nous, à Penninghen, la clé de voûte d’un enseignement créatif.

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Brief créatif généré en IA. Anna Tyrmi, Lorraine Le Meur, Arthur Martz. Crédit photo : Penninghen

 

JUPDLC : Les marques sont adeptes de démarches artistiques dans leur communication. Cela redéfinit-il la place des créatifs en entreprise ou risque-t-on une instrumentalisation purement commerciale ?

Gilles Poplin : L’objectif de Penninghen est de valoriser la création et ceux qui la portent. S’il y a toujours eu des collaborations ou de l’achat d’art, aujourd’hui, les créateurs et les auteurs ont une réelle influence et leur production compte. Elle est observée, fait l’objet d’un marché actif et les acteurs portent l’inspiration indispensable pour tenir un rythme effréné des collections et de temps forts commerciaux. Préparer des communicants en charge de l’image de marque à interagir intelligemment et de manière responsable est un réel enjeu et une mission. Il est indispensable d’engager une concordance des temporalités entre la création et rentabilité en confiance.

JUPDLC : Quels nouveaux profils et compétences attendez-vous aujourd’hui des étudiants en communication par rapport à il y a 10 ans ?

Gilles Poplin : J’attends que les diplômés soient en phase avec leur époque, qu’ils influent sur le champ de la communication de manière responsable, réaliste et universaliste dans le respect des créateurs, des auteurs. Cela implique d’être très ouvert, éveillé, se cultiver et se surprendre pour interagir avec l’ensemble des interlocuteurs. Nous les guidons à être conscients des enjeux, les assumer sans jamais céder au quantitatif et toujours conserver et se battre pour le qualitatif, qu’ils soient en capacité de comprendre les attentes, synthétiser les demandes pour apporter des réponses créatives cohérentes les plus pertinentes.

 

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Blob, Réinventer l’écologie à chaque conversation, Application Chatbot Spécialisée, Projet de diplôme Lorraine Le Meur. Crédit : Penninghen

JUPDLC : À quoi ressemblera, selon vous, la communication visuelle et publicitaire dans la prochaine décennie ?

Gilles Poplin : Je reprends les mots de Jacques Nathan Garamond, fondateur de l’AGI (Alliance graphique internationale) et enseignant à Penninghen, « la création, c’est l’imprévisible devenu nécessité. »

 

Pour en savoir plus sur Penninghen, rendez-vous sur sa page dédiée !

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