Fragments, nous entraine dans l’univers de RoboCop avec Delta City
Formé en 2012, Fragments s’est rapidement fait remarquer pour sa maîtrise exceptionnelle à mêler post-rock, électroniques et ambiances subtiles, créant ainsi des œuvres sonores à la fois captivantes et immersives. Le trio, composé de musiciens aux influences éclectique, parvient à […]
Formé en 2012, Fragments s’est rapidement fait remarquer pour sa maîtrise exceptionnelle à mêler post-rock, électroniques et ambiances subtiles, créant ainsi des œuvres sonores à la fois captivantes et immersives. Le trio, composé de musiciens aux influences éclectique, parvient à tisser des atmosphères sonores qui plongent l’auditeur dans une réalité parallèle, offrant une échappée vers un monde intime et métaphysique.
Après deux ans d’absence, le trio instrumental nantais revient sur scène avec un ciné-concert saisissant, revisitant l’emblématique RoboCop de Paul Verhoeven, chef-d’œuvre de 1987. Leur nouvel album, Delta city parut le 14 mars dernier, en porte d’ailleurs les inspirations. Au travers de cet opus,Fragments s’aventure dans les zones floues entre mémoire et anticipation, entre obscurité et éclat, réinventant avec audace et profondeur les codes du mythe cyberpunk.
Enregistré au cœur du studio Radio Ravioli Records et méticuleusement mixé par Joris Saïdani,Delta City dévoile une ré interprétation en studio des motifs qui animaient les performances scéniques du groupe. Portés par Benjamin Le Baron aux claviers et aux machines, Tom Beaudouin à la guitare et aux synthétiseurs, et Antoine Gandon à la batterie et aux machines, les trois musiciens façonnent une œuvre sonore singulière, où les rythmes froids et robotiques se mêlent à des textures modulaires et des orchestrations électroniques. À la croisée de l’innovation et de l’introspection, ils redéfinissent la bande-son, créant un univers où chaque note semble une exploration sans fin du possible.

Nous nous sommes entretenus avec Benjamin et Tom, afin d’en apprendre un peu plus à propos de la création de Delta City, et bien plus encore …
Vos compositions semblent ciselées avec une grande précision, presque millimétrées. On ressent une recherche esthétique poussée, notamment dans le travail du son. Passez-vous beaucoup de temps en studio ? Entrez-vous avec une idée claire ou laissez-vous place à l’exploration ?
C’est un peu des deux. Pour Delta City, les morceaux étaient déjà en partie composés, et on avait commencé à tourner le ciné-concert. Mais l’enjeu était d’aller au-delà du dispositif scénique : créer une version plus autonome, plus « disque », qui puisse vivre sans l’image. On a voulu explorer d’autres formats, ouvrir les structures, chercher quelque chose de plus musicalement narratif.
Cela fait quelques années que l’on travaille autour du synthétiseur modulaire. C’est un outil qui permet de renouveler sans cesse les textures, de sortir du prévisible. On savait à peu près où on voulait aller, mais on s’est donné la liberté d’expérimenter. De laisser venir des sons nouveaux, d’accueillir les digressions, de s’autoriser à creuser dans des zones plus floues, plus instables. Le studio, pour nous, c’est un terrain mouvant, un espace d’écoute et de transformation.
Tom, tu évoquais un travail de structure que vous n’aviez pas forcément exploré auparavant.
Oui, totalement. Sur cet album, il y a eu une vraie volonté de structure. Ce n’est pas forcément naturel pour nous, car on vient d’un univers où la matière sonore se développe souvent librement, sans format imposé. Là, on a vraiment cherché à condenser, à resserrer, à faire en sorte que chaque morceau tienne debout par lui-même. On écoute pas mal de musique instrumentale dans le cadre de notre travail, mais pas toujours en dehors — donc il fallait trouver un équilibre, une sorte de clé qui permette au tout de rester lisible sans trahir la richesse du son.
Qui vous a entouré pour réaliser Delta City ?
On a monté notre propre structure, Pyramide Records, pour garder une forme d’indépendance et de liberté totale. L’album a été enregistré dans un studio à Rosé, tenu par Joris, qui est l’ancien batteur du groupe. Il fait partie de l’aventure depuis longtemps. Ce lieu, on l’a un peu façonné à notre image : pas un grand studio impersonnel, mais un espace vivant, où chaque détail compte, où l’on peut prendre le temps.
Le titre de l’album, Delta City, fait référence au film Robocop de Paul Verhoeven. Pourquoi ce choix ?
On avait plusieurs films en tête, mais Robocop nous a paru terriblement actuel. Ce qui relevait de la science-fiction dans les années 80 est, aujourd’hui, en train de devenir réalité. Une ville ultratechnologique, sans criminalité, gouvernée par des machines… Ça pourrait sembler grotesque, et pourtant. On voit apparaître des robots policiers, une automatisation généralisée, une obsession sécuritaire toujours plus forte. Ce qui était autrefois dystopique semble désormais presque banal.
Tom, tu disais que ce film avait aussi influencé des dirigeants actuels.
Oui, c’est ce qui nous frappe. Beaucoup de décideurs, de chefs d’entreprise, citent ce film comme une inspiration. Ce que nous percevons comme une mise en garde, eux le lisent parfois comme un modèle. Cet imaginaire technologique des années 80, froid, hyper-efficace, déshumanisé, continue d’alimenter des visions politiques. Et c’est à la fois fascinant… et inquiétant.
Votre single Old Mill, sorti récemment, s’inscrit lui aussi dans cette logique de référence directe au film. Peux-tu nous en parler ?
Old Mill, c’est le nom d’une vieille usine désaffectée dans le film, un lieu central. C’est là que le héros est abattu, et c’est aussi là que se déroule la scène finale. C’est un lieu de tension, de bascule. Quand on a travaillé la bande-son du ciné-concert, cette séquence nous a débloqués. Il y avait une intensité telle qu’on a plongé dans les sons les plus froids, les plus granuleux, avec nos modulaires à fond. De là sont nés des thèmes, des leitmotivs qu’on a ensuite tissés dans tout l’album.
Vous êtes actuellement en tournée avec ce ciné-concert. Comment avez-vous abordé ce format ?
C’est la deuxième fois qu’on expérimente ce type de projet. On l’avait déjà fait avec Fargo, et on avait beaucoup aimé ce que cela permet : mêler image et son, réinterpréter un film en direct, créer une atmosphère commune avec le public. Le ciné-concert autour de Robocop tourne depuis deux ans maintenant. Mais on ressent aussi l’envie de revenir à des formats plus classiques, des concerts où la musique peut exister seule, sans dépendre du visuel. On veut retrouver cette frontalité du live.
La release party de l’album est prévue pour bientôt ?
Oui, le 17 juin au Point Éphémère à Paris. Ce seront des concerts très travaillés, pensés comme des prolongements scéniques de l’album. On y retrouvera nos textures, nos recherches sonores, mais aussi une énergie plus brute, plus directe. Ce sera l’occasion de faire vivre Delta City autrement, hors du cadre du film, mais toujours dans cet esprit d’exploration et de transformation.