Contre MeToo, tout contre

Dans un essai intelligeant et tonique, Philippe Bilger dénonce les dérives de MeToo : ses excès et l’instrumentalisation de la justice. Mais il prête à ce mouvement une pureté originelle... L’article Contre MeToo, tout contre est apparu en premier sur Causeur.

Avr 26, 2025 - 07:30
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Contre MeToo, tout contre

Dans un essai intelligent et tonique, Philippe Bilger dénonce les dérives de MeToo : ses excès et l’instrumentalisation de la justice. Mais il prête à ce mouvement une pureté originelle


Le vent tourne. Il y a deux ou trois ans, seules quelques femmes refusaient de communier dans l’adoration de la glorieuse révolution MeToo. Les femmes allaient enfin passer de l’ombre à la lumière. Toute divergence avec ce récit mensonger postulant que les femmes étaient des victimes structurelles, et les hommes des coupables systémiques, revenait à prendre le parti des violeurs et agresseurs. Ce qui valait aux impudentes traîtresses à la sororité les noms d’oiseaux usuels, de « réac » à « extrême droite » en passant par « masculiniste » – j’ai pour ma part eu droit à ce qualificatif, et après tout si le féminisme est désormais ce conglomérat de pleurnicheuses vindicatives et hémiplégiques (comme le montre le traitement réservé aux victimes du 7-Octobre), va pour masculiniste.

Une lassitude face à la justice expéditive

Alors que le tribunal révolutionnaire bannit à tour de bras, de Julien Bayou à Nicolas Bedos, beaucoup de gens se lassent du spectacle répétitif de cette justice expéditive. Il faut cependant saluer le courage de Philippe Bilger qui a été l’un des premiers hommes à dénoncer ce qu’il appelle les dérives de MeToo. Il rassemble aujourd’hui ses critiques dans un essai intelligent et tonique, subtilement intitulé MeTooMuch ?, où il met en scène un avocat qui, au fil des affaires et des bannissements est assailli par le doute autant que par la culpabilité – et si ses propres élans venaient à être criminalisés ?

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Bilger pense et écrit non seulement en homme de droit et de raison, mais aussi en homme qui aime les femmes et qui sait que les jeux du désir et de la séduction entre adultes ne peuvent être soumis à une quelconque prétention normative – à l’exception évidemment du consentement. Encore faut-il que celui-ci ne puisse être retiré rétroactivement parce que la femme a été déçue ou a simplement changé d’avis.

Défendre le droit, sans renier le désir

L’ancien avocat général décortique avec précision le dévoiement de la justice quand par exemple, elle ordonne « une enquête qui ne servira à rien puisque la prescription est acquise. […] Tout cela pour satisfaire l’opinion, pour lui donner un os à ronger, pour montrer comme on ne badine pas avec le sexe. » Il déconstruit avec la même rigueur la dangereuse notion d’emprise, fustige les militantes qui refusent à l’homme accusé le droit de se défendre, déplore que l’on prétende désormais « répondre à l’humiliation et à la contrainte par la répudiation de toute preuve et le mépris de toute argumentation ». Autant dire qu’il déconstruit l’édifice pierre par pierre.

Et pourtant, il n’en démord pas. Contre toute évidence, il prête à ce mouvement une pureté originelle qu’il s’agirait de retrouver. Refusant de voir que, derrière la demande de justice, il y a généralement une volonté de vengeance et accessoirement, l’espoir de récupérer les places libérées, il veut croire que MeToo va s’assagir et renoncer aux débordements de sa naissance révolutionnaire. « Il n’est personne de bonne foi, pourvu d’un minimum de qualité humaine, qui ait pu dénier, dans ses prémices, la nature progressiste de cette révolte », écrit-il. Eh bien si, cher Philippe, il y a au moins ma pomme. La bonne nouvelle, c’est que notre amicale dispute n’est pas près de s’arrêter.

Philippe Bilger, MeTooMuch ?, Héliopoles, 2025, 84 pages

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