Comment une expérience traumatisante de l’accouchement peut affecter l’allaitement

Le traumatisme subi par certaines mères au moment de l’accouchement, sur le plan physique comme psychologique, peut avoir une incidence sur l’allaitement. Des soins adaptés et du soutien peuvent aider.

Mar 11, 2025 - 14:36
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Comment une expérience traumatisante de l’accouchement peut affecter l’allaitement
Des expériences traumatisantes autour de l’accouchement peuvent avoir une incidence sur l’allaitement. Mais des stratégies existent pour accompagner les mères. BaLLLunLa/Shutterstock

Le traumatisme que subissent certaines mères au moment de l’accouchement sur le plan physique comme psychologique peut avoir une incidence sur l’allaitement. Mais des soins adaptés, prodigués par des professionnels de santé qui prennent en compte l’expérience qu’elles ont vécue, peuvent améliorer la situation.


Donner naissance peut être un moment de joie intense. Mais pour certaines mères, l’expérience de l’accouchement peut être pénible et entraîner un traumatisme durable.

Les traumatismes liés à l’accouchement peuvent résulter à la fois de complications physiques et d’une détresse psychologique. Ils surviennent souvent lorsque les mères ne se sentent pas soutenues, entendues, ou si elles n’ont pas suffisamment le contrôle sur leur accouchement.

Un accouchement traumatisant pour une mère sur trois

La recherche suggère qu’une mère sur trois trouve traumatisante son expérience de l’accouchement, et qu’environ 4 % d’entre elles développent un syndrome de stress post-traumatique. Ce traumatisme peut conduire à de l’épuisement, à une tension émotionnelle et à une récupération physique qui prend du temps.


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Ces expériences autour de la naissance peuvent également avoir une incidence sur l’allaitement. Mes recherches ont montré que les mères qui se sentaient satisfaites des soins cliniques qui leur étaient prodigués et qui percevaient positivement leur expérience de l’accouchement étaient plus susceptibles d’allaiter leurs enfants. Ces mères étaient également plus susceptibles de poursuivre l’allaitement au-delà du premier anniversaire de leur enfant.

(À noter qu’en France, selon des données recueillies par Santé publique France, la durée de l’allaitement augmente. À six mois, plus d’un tiers des enfants sont encore allaités, ndlr).

Des soins positifs, caractérisés par le sentiment d’être respectée, soutenue et informée, contribuent à renforcer la confiance de la mère, un facteur clé de la réussite de l’allaitement.

En revanche, les mères qui ont éprouvé de la détresse ou de l’insatisfaction pendant l’accouchement sont moins susceptibles d’allaiter ou de poursuivre l’allaitement pendant de longues périodes.


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Impacts physiques et émotionnels

Une naissance vécue comme traumatisante par la maman peut nuire à l’établissement de liens affectifs précoces avec l’enfant, les mères se sentant alors émotionnellement détachées ou comme paralysées. Ce détachement émotionnel, associé à la pression sociale en faveur de l’allaitement, peut accroître le sentiment d’incompétence ou de culpabilité des mères.

Certaines mères décrivent avoir l’impression d’être en pilotage automatique, de s’occuper de leur bébé sans lien émotionnel. D’autres décrivent une pression intense pour continuer à allaiter malgré la détresse psychologique qu’elles ressentent.

Pour d’autres, l’allaitement peut devenir un rappel douloureux du traumatisme qu’elles ont ressenti, ce qui aggrave les sentiments d’incompétence ou de culpabilité. Ces luttes psychologiques peuvent conduire les mères à éviter complètement l’allaitement pour se protéger de la reviviscence du traumatisme.

Les épreuves physiques liées à l’accouchement peuvent également avoir un impact. Se remettre d’un accouchement traumatique, en particulier après des interventions d’urgence telles qu’une césarienne ou un accouchement à l’aide d’une intervention instrumentale (en ayant recours à des forceps, des spatules ou une ventouse, ndlr), peut rendre l’allaitement physiquement exigeant. La douleur, la fatigue et une mobilité réduite peuvent rendre difficile le positionnement du bébé ou la mise au sein. Associés à une détresse émotionnelle, ces obstacles physiques peuvent conduire à de la frustration et à l’arrêt de l’allaitement.

Les mères qui ont subi un traumatisme à la naissance de leur bébé peuvent être confrontées à des difficultés considérables en matière d’allaitement. Mais plusieurs stratégies peuvent les aider.

Des praticiens compatissants, des mères soutenues et comprises

L’une d’entre elles est appelée en anglais trauma-informed care (que l’on pourrait traduire en français par « soins qui prennent en compte les traumatismes », ndlr). Dans cette approche, les professionnels de santé comprennent et reconnaissent l’impact du traumatisme sur le bien-être d’une personne.

Au lieu de se concentrer uniquement sur les aspects physiques des soins postpartum, ces professionnels prennent également en compte les défis émotionnels et psychologiques auxquels leurs patientes peuvent être confrontées. Des professionnels de santé compatissants peuvent s’assurer que les mères se sentent soutenues et comprises.

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L’approche (en anglais trauma-informed care) qui consiste, dans les soins prodigués aux mères, à prendre en compte, le cas échéant, le traumatisme de l’accouchement peut les aider à se sentir plus écoutées et comprises. fizkes/Shutterstock

Pour les nouvelles mères qui ont vécu un accouchement traumatisant, cela signifie qu’elles doivent recevoir des soins adaptés aux cicatrices émotionnelles liées à cette expérience traumatisante, afin qu’elles se sentent véritablement soutenues et comprises.

Le soutien émotionnel, par le biais de conseils, ou au sein de groupes de pairs, peut aider les mères à surmonter les expériences traumatisantes et à réduire leur isolement.

L’aide pratique apportée par des conseillères en lactation peut également résoudre certaines difficultés liées par exemple à la mise au sein du bébé et à la production du lait, ce qui rend l’allaitement moins stressant. Enfin, un réseau solide de partenaires, membres de la famille et amis, peut apporter un réconfort et une aide pratique, créant ainsi un environnement dans lequel les mères se sentent capables de gérer l’allaitement et se rétablir.

(Santé publique France a rédigé un guide sur la pratique et l’accompagnement à l’allaitement maternel, ndlr)

La maternité après un traumatisme

Un départ traumatisant ne doit pas nécessairement définir le parcours de maternité. Pour certaines mères, l’allaitement devient un moyen de reprendre le contrôle et de guérir. Il peut transformer leur traumatisme en une source de force. Dans ces cas, l’allaitement représente un triomphe personnel, une façon d’affirmer leur rôle de mère. Cependant, il est essentiel de trouver un équilibre entre la détermination et la prise en charge de soi. Chercher du soutien n’est pas un signe d’échec, mais une étape nécessaire vers la guérison.

Si l’allaitement maternel présente de nombreux avantages pour la santé, il n’est peut-être pas essentiel à l’établissement de liens entre la mère et l’enfant à long terme. Des résultats récents suggèrent que la qualité du lien ne diffère pas de manière significative entre les mères qui allaitent et celles qui utilisent des préparations lactées pour nourrissons.

En outre, la durée de l’allaitement n’a pas nécessairement d’incidence sur la force du lien maternel. Ce qui compte vraiment, c’est de favoriser une relation d’amour et de soutien, que ce soit par l’allaitement ou par d’autres interactions nourricières.

Les traumatismes liés à la naissance du bébé constituent sans aucun doute un début difficile. Cependant, avec un soutien adéquat, les mères peuvent guérir, reprendre confiance et créer des liens solides avec leur bébé, que ce soit par l’allaitement ou par d’autres moyens. Une prise en charge clinique positive et la compréhension des traumatismes liés à la naissance sont essentiels pour soutenir les mères. Cela peut les aider à passer d’un début difficile à une expérience épanouissante de la maternité.The Conversation

Valentina Sclafani a reçu des financements de Royal Society - Newton International Fellowship.