C’est dans l’air et c’est pollué
Bécassine regarde France 5... L’article C’est dans l’air et c’est pollué est apparu en premier sur Causeur.

Anne-Elisabeth Lemoine recevait récemment la grande actrice Julie Gayet dans son talk-show. Une belle occasion de s’indigner avec élégance: pourquoi diable le cinéma français a-t-il si peu mis en lumière Olympe de Gouges? Franchement, il y avait pourtant là un rôle en or! Quel scandale, ma bonne dame, on en ferait presque une pétition sur change.org… Et bien sûr, impossible de ne pas remettre les choses en perspective: la cause féminine en Occident? Pas de quoi fanfaronner, hein. Avant de vouloir donner des leçons au monde arabe, on ferait peut-être mieux de vérifier si on a enfin payé l’écart de salaire entre Ken et Barbie…
Ce n’est certes pas la première fois que Bécassine entend le propos, mais comme certains comportements ou phrases qu’on enregistre et dont le sens n’advient que plus tard, à la faveur d’une cristallisation, cette fois-ci, elle a vraiment entendu ce qui se disait. La répétition, ça instruit. Ça abrutit aussi, mais si l’on veut bien décortiquer, ça instruit.
Donc, C dans l’air recevait Julie Gayet pour sa prestation dans « Olympe de Gouges » qui passait le soir à la télévision. Il fut donc question du combat des femmes, de la Révolution qui trouvait que ce n’était pas le moment, qu’on verrait après, etc. La présentatrice parla alors de ce combat toujours hélas d’actualité ; il n’y avait qu’à voir le sort des femmes en Afghanistan, en Iran, mais aussi aux États-Unis où le droit à l’avortement était menacé et en France, n’est-ce pas, où l’égalité salariale n’était toujours pas au rendez-vous !
A lire aussi: Merwane Benlazar: l’habit fait Anne-Élisabeth Lemoine
Pris un à un, ces éléments sont tous vrais, sauf qu’on aura remarqué qu’il n’est pas dit grand-chose des femmes en Afghanistan et en Iran ; on est déjà plus prolixe dès qu’il s’agit de l’Occident. On précise. Parce que s’il fallait préciser les choses pour Bagdad et Téhéran, ça ferait une liste longue comme le bras : vente de petites filles, lapidation, interdiction de quasiment tout, enfermement, bref, mise au tombeau de leur vivant. Côté perse, on a mort pour une mèche de cheveux qui dépasse, ou pour avoir manifesté, pendaisons à gogo, hommes compris. Mais dire tout ça pourrait couper l’appétit et pourrait porter préjudice à certaines cultures, voire certaine religion.
C’est pourquoi on va appliquer la théorie de la relativité à tous les tourments que les femmes endurent « partout » depuis des lustres. On va mettre sur le même plan le sort des femmes en Afghanistan et le droit à l’avortement menacé dans certains États de l’Amérique ; on va mettre dans le même panier le fait d’être tuée et celui de n’avoir pas le même salaire que ces messieurs. On va clamer que nous aussi, ou non plus, hein, on ne fait pas les fières, qu’on n’a pas tout réglé, loin s’en faut. Ainsi, on aura fait preuve d’équité, on aura bien équilibré les dommages, pour qu’on ne croie surtout pas que dans certaines cultures où sévit certaine religion, cela soit forcément pire qu’ailleurs.
Alors, après avoir noyé le poisson, il sera temps de le manger, en toute impartialité.
L’article C’est dans l’air et c’est pollué est apparu en premier sur Causeur.