ACCRO : l’art de transformer une interdiction en opportunité marketing
Parfois, la meilleure manière de faire face à une difficulté, c’est de la tourner à son avantage. C’est exactement ce qu’a fait ACCRO, marque française d’alternatives végétales, avec son agence Fantastic. En 2024, alors que le gouvernement interdisait l’usage de termes comme « steak » ou « saucisse » pour désigner des produits végétaux, ils […] L’article ACCRO : l’art de transformer une interdiction en opportunité marketing est apparu en premier sur JUPDLC.

Parfois, la meilleure manière de faire face à une difficulté, c’est de la tourner à son avantage. C’est exactement ce qu’a fait ACCRO, marque française d’alternatives végétales, avec son agence Fantastic. En 2024, alors que le gouvernement interdisait l’usage de termes comme « steak » ou « saucisse » pour désigner des produits végétaux, ils ont décidé de prendre la règle… au mot. Littéralement. Avec la campagne « Nouvelle orthographe », la marque répond à l’absurdité par l’absurdité et fait de la contrainte linguistique le cœur même de sa communication.
Alors quelles ont été les sources d’inspiration ? Pour quelles retombées ? Quelles leçons en tirer ? Cap sur les coulisses de la campagne, avec les éclairages de Louise Ribereau-Gayon, directrice marketing et stratégie chez ACCRO, et Bruce Vinci, directeur général de Fantastic.
Nouvelle orthographe, même plaisir
Oh, la boulaite !
Pour comprendre le contexte de cette campagne, faisons un bref retour en arrière. En 2020, le marché des alternatives végétales connaît une croissance fulgurante, avec une valeur mondiale estimée à 5,8 milliards d’euros, soit plus du double qu’en 2015. Cette ascension n’a pas ralenti : aujourd’hui, ce marché est évalué à 21,8 milliards d’euros.
Face à cette montée en puissance, dont ACCRO fait partie, le Parlement français a décidé d’interdire l’utilisation de termes associés aux produits d’origine animale pour désigner les produits végétaux. L’objectif affiché ? Éviter toute confusion chez les consommateurs. Ainsi, les termes « steaks de soja » ou « saucisses végétales » ont été bannis. Plus tard, le gouvernement a précisé cette interdiction via deux décrets, en juin 2022 et février 2024.
Pour ACCRO et tout le secteur, cette mesure est incompréhensible. Non seulement elle ne concerne que les produits fabriqués en France (et non les importés), mais elle sous-entend que les consommateurs seraient incapables de comprendre un packaging où la mention « 100 % végétal » est pourtant bien visible.
Alors, la marque et son agence choisissent de réagir. Se plier à la règle ? Très bien. Mais ACCRO décide de jouer le jeu à sa façon. La marque prend ainsi le décret aux mots, à l’exception d’un détail : l’orthographe. Exit les steaks, bonjour les « stêques ». Les boulettes deviennent des « boulaites », et les nuggets des « neugâtes ». L’idée, derrière cette pirouette linguistique, est de souligner l’absurdité de la situation. Après tout, modifier une lettre ne change rien pour le consommateur.
Un buzz immédiat
ACCRO joue la carte du newsjacking en diffusant ses nouveaux noms de produits sur Instagram et Facebook le soir même de la publication du décret. Et la campagne fait mouche. Résultat : des milliers de réactions, des discussions animées sur les réseaux, et un passage remarqué dans l’émission C à vous. La campagne a également fait parler d’elle au Salon de l’Agriculture, se retrouvant face aux visiteurs du pavillon viande.
Sur les réseaux, les retombées sont nombreuses, et la campagne est bien accueillie. Elle cumule alors :
- 1,4 million de vues sur X (ex-Twitter)
- 1 700 republications
- 1,2 million de personnes touchées sur Instagram, Facebook et LinkedIn
- 20 000 likes sur Instagram
- 3 500 commentaires (dont 99 % positifs)
- Et 1500 partages en posts et stories.
Quand l’union fait la farce
Quelques semaines plus tard, le Conseil d’État suspend le décret. Pour marquer le coup, ACCRO, Happyvore, Heura et La Vie (également spécialisées dans les alternatives végétales) s’unissent et affichent leur victoire dans les couloirs du métro parisien.
L’image est forte : ces marques concurrentes, qui habituellement se disputent le marché, montrent qu’elles peuvent aussi faire front commun pour défendre leur cause.
Et maintenant, direction le dictionnaire !
L’histoire ne s’arrête pas là. En janvier 2025, le Conseil d’État annule définitivement l’interdiction. Pour célébrer cette victoire, les marques d’alternatives végétales lancent une nouvelle offensive : elles sollicitent les contributeurs de Wikipédia pour mettre à jour les pages « jambon », « steak » ou « saucisse » et y intégrer la dimension végétale.
Pour aller plus loin, elles interpellent directement l’Académie Française, demandant à ce que ces nouvelles appellations trouvent leur place dans le dictionnaire officiel. Après tout, si la langue évolue, pourquoi ne pas l’officialiser ?
Quand l’humour fait avancer les choses
Ce cas démontre qu’une réponse créative peut être parfois bien plus efficace qu’un bras de fer. ACCRO et son agence ont ainsi réussi à transformer une réglementation contraignante en une prise de parole forte, qui a mobilisé les consommateurs, généré du débat et même influencé les décisions politiques.
Entrevue avec Bruce Vinci (Fantastic) et Louise Ribereau-Gayon (ACCRO)
Entretien avec Bruce Vinci, directeur général de Fantastic

JUPDLC : L’idée de détourner le décret en jouant sur l’orthographe est originale. À quel moment cette approche s’est-elle imposée comme la meilleure solution ? Quels échanges ou réflexions ont conduit à ce choix ?
Bruce Vinci : Nous savions que le sujet allait être d’actualité, les équipes ACCRO nous avaient partagé le calendrier (de la procédure jusqu’à la publication du décret). Aussi, nous l’avons anticipé lors d’une session de brainstorming dédiée au newsjacking. L’idée a été lancée en première intention comme on lance une blague. Il nous a semblé évident qu’il ne fallait pas mettre trop d’émotion ni d’humeur dans la réponse si on voulait embarquer tous les publics avec nous. Le registre de l’absurde s’est imposé par lui-même, parce qu’il nous permettait d’installer une forme d’évidence dans notre retour (comme une réplique du tac au tac). La blague a été adoptée.
JUPDLC : Quels ont été les plus grands défis dans la mise en place de cette campagne ? Y a-t-il eu des hésitations de la part d’ACCRO ? Quelle était votre stratégie de gestion des risques en cas de backlash potentiel ?
Bruce Vinci : Nous travaillons quotidiennement et en étroite collaboration avec les équipes ACCRO. Nous avons mis en place un cadre de collaboration qui met en relation directe ceux qui conçoivent les idées (DC, CR, DA) avec ceux qui les valident. C’est sûrement un des facteurs clés du succès de la campagne. Il y a entre ACCRO et Fantastic une confiance mutuelle qui crée des espaces et de la liberté à la création… Ça ne veut pas dire que toutes nos idées sont retenues {ça serait trop beau (rires)}, mais celle-ci a été validée dans la minute où elle a été présentée. Tu minimises le risque de « backlash » quand tu fais une blague, c’est un des avantages de l’humour, notre seul risque aurait été de faire un four… Heureusement, le public était au rendez-vous.
JUPDLC : Après la suspension, puis la suppression du décret, ACCRO s’est associée à d’autres marques pour fêter la victoire. Comment avez-vous collaboré avec l’ensemble de ces acteurs (marques et agences) ? Quels ont été les bénéfices de cette alliance ?
Bruce Vinci : Quand tu travailles en direct avec les acteurs du marché des alternatives végétales, tu comprends tout de suite que l’agilité et la rapidité de prise de décision font partie de leur modèle. Les décisions sont horizontales, tu as très vite accès aux décisionnaires. La répartition des touch-points a été faite entre les marques, en amont du brief, pour Fantastic : la campagne d’affichage. Nous l’avons travaillé en 48h et il a fallu quelques heures pour qu’elle soit validée par l’ensemble des parties prenantes. Humanfish (agence de la marque Happyvore) a travaillé en parallèle la dernière de couverture de Libération, nous nous sommes rencontrés quelques jours après la campagne pour nous féliciter de cette « natation synchronisée ».
JUPDLC : L’humour et la dérision sont au cœur de cette campagne. Quels sont, selon vous, les avantages et les limites d’une telle approche ?
Bruce Vinci : Chez Fantastic nous croyons en la force de l’humour. D’abord, parce que l’humour désamorce la relation avec les publics, mais aussi parce que l’humour fédère et c’est primordial quand on souhaite, comme ici, sensibiliser l’opinion publique. Nous ne voulions pas seulement embarquer le socle de fidèles ou d’avertis, mais tout le monde, consommateurs d’alternatives végétales ou non. Quand on a lu les commentaires sous la campagne « Je ne suis pas encore passé sur les produits vegan, mais le/la responsable com donne presque envie de s’y essayer… », on s’est dit qu’on avait fait quelque chose de pas mal. Les sept prix que la campagne a remportés par la suite, décernés par des annonceurs d’horizons très différents, n’ont fait que confirmer ce sentiment.
À découvrir sur JUPDLC
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Entretien avec Louise Ribereau-Gayon, directrice marketing et stratégie chez ACCRO
JUPDLC : Comment s’est déroulée votre collaboration avec Fantastic, notamment dans la prise de décisions créatives ? En quoi cette campagne s’aligne-t-elle sur les valeurs et la vision à long terme d’ACCRO ?
Louise Ribereau-Gayon : Tout a été très vite, on n’a pas eu beaucoup le temps de réfléchir ! Quand Fantastic nous a proposé cette idée, on a trouvé ça simple, drôle et percutant. Une réponse absurde à un décret qu’on jugeait absurde. On savait que ça pouvait prendre, mais on a été surpris par l’étendue de son succès, complètement organique.
Cette campagne rentre entièrement dans les valeurs d’ACCRO : un message simple et drôle qui décrit un végétal pas moralisateur ou militant, et qui met en avant le produit et le goût avant tout. Chez ACCRO, on cherche « le végétal qui envoie du goût », du plaisir sans prise de tête.
JUPDLC : Cette campagne a généré un fort buzz médiatique. Avez-vous constaté un impact concret sur les ventes ou sur la fidélité de vos clients ? Quels retours avez-vous eus de la part de vos consommateurs ?
Louise Ribereau-Gayon : Cette campagne a généré beaucoup d’amour (et de rires) chez nos consommateurs, mais aussi chez des non-consommateurs, avec 1,2M de personnes touchées sur nos réseaux sociaux, plus de 20 000 likes sur Instagram et plus de 3 500 commentaires. 99% étaient positifs et pleins d’encouragements. C’était clairement la meilleure période pour nos CM !
Cela a eu un impact indéniable sur la notoriété d’ACCRO, encore naissante, avec moins de 3 ans de présence en magasin (x2 sur 2024). L’impact sur les ventes est également non négligeable, mais complexe à décorréler d’autres indicateurs comme le référencement croissant de nos produits.
JUPDLC : La campagne collective a renforcé l’image de solidarité. Comment prévoyez-vous de repositionner ACCRO pour marquer à nouveau sa différence sur le marché des alternatives végétales ?
Louise Ribereau-Gayon : La campagne avait vocation à porter un message collectif autour du végétal, le message transcendait ici les marques. Aucun d’entre nous n’y a perdu son identité, on s’est un peu tous éloignés de nos codes traditionnels de marque pour ça. Ce n’est d’ailleurs jamais facile à faire, car on a des visions et des façons différentes de s’exprimer.
C’est donc simplement qu’on retrouve nos différences, en adoptant nos codes habituels de marque et en retrouvant notre ton. Chez ACCRO, on a des points de différenciation marqués avec un focus fort sur nos produits (nous avons une gamme de 19 produits fabriqués en France) qui rassemblent nos consommateurs autour d’un végétal choisi, décomplexé et passionné.
JUPDLC : Quels enseignements tirez-vous de cette campagne sur la capacité d’une marque à influencer le débat public ? Avez-vous remarqué un changement dans la perception des alternatives végétales suite à cette prise de parole ?
Louise Ribereau-Gayon : On a compris qu’on avait voix au chapitre, qu’on pouvait prendre notre destin en main et se battre, malgré notre taille. On était un peu David contre Goliath dans ce débat et on a gagné. Les consommateurs n’étaient pas dupes, on n’a jamais cherché à les tromper !
Suite à cette prise de parole, on voit que les alternatives végétales sont plus connues du grand public et que la perception est plus positive chez les consommateurs qui prennent conscience de plus en plus des enjeux derrière : environnement, bien-être animal et santé.
Pour en savoir plus sur Fantastic et découvrir ses autres campagnes, rendez-vous sur sa page dédiée !
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