Vietnam, le tigre de demain

Notre chroniqueur, après s’être enthousiasmé pour le Japon, réitère — par personne interposée — avec le Vietnam : ça nous change de Raphaël Glucksmann qui n’est chez lui qu’à New-York. Les tigres du sud-est asiatique, à l’entendre, loin d’être des pays émergents, sont tout prêts à dévorer l’Occident… L’article Vietnam, le tigre de demain est apparu en premier sur Causeur.

Fév 10, 2025 - 16:53
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Vietnam, le tigre de demain

Notre chroniqueur, après s’être enthousiasmé pour le Japon, réitère — par personne interposée — avec le Vietnam : ça nous change de Raphaël Glucksmann qui n’est chez lui qu’à New-York. Les tigres du sud-est asiatique, à l’entendre, loin d’être des pays émergents, sont tout prêts à dévorer l’Occident…


Contrairement à… d’autres pays jadis colonisés, difficiles vainqueurs d’une guerre sans cesse remise sur le tapis de prière, le Vietnam ne cherche pas à développer chez les touristes qui viennent le visiter la moindre culpabilité, et ne manifeste pas la moindre agressivité.  Ces gens qui sont restés en guerre du début des années 1950 au milieu des années 1970 — deux générations formées dans le bruit des combats, les marches dans la jungle —, qui ont survécu aux bombes et à l’agent orange, ne passent pas leur temps à larmoyer sur leur tragique destin en salopant de leur mieux les bâtiments coloniaux laissés par leurs envahisseurs successifs.

L’hospitalité vietnamienne n’étant plus à vanter, nombre de touristes européens (malgré Dien-bien-Phu, 7 mai 1954) et américains (malgré Saïgon, 30 avril 1975) courent visiter le « pays du dragon ».

J’ai interviewé l’un d’entre eux, Thierry Kakouridis (il a posté sur Facebook les photos superbes de son périple), tout frais rentré de cet extrême-Orient fabuleux — et qui apparemment n’en est pas revenu.


Jean-Paul Brighelli. Thierry, quelle idée de s’imposer 11 heures de vol avec Vietnam Airlines — et autant au retour — pour jouer à Marguerite Duras dans L’Amant…

Thierry Kakouridis. Je rêvais d’Asie depuis de nombreuses années, mais pas de n’importe quelle Asie ; je ne rêvais pas de Chine, de Malaisie ou de Thaïlande. Non, mon imaginaire, nourri par mes lectures et des images, me dictait un rêve de Vietnam et de Cambodge. Certainement pas Duras — peut-être Malraux, qui en 1923 est parti dans ces contrées lointaines avec sa petite scie égoïne pour découper les bouddhas qu’il comptait revendre ici. On sait comment ça a fini…

La veille, Paris-Roissy sous la pluie. Au matin, Hanoï au soleil, moins une ville qu’une ruche où se bousculent piétons, marchands aux paniers en équilibre sur une branche de bambou, et des milliers, des dizaines de milliers de scooters, gaz d’échappement compris. On en compte 78 millions pour une population de quelque 100 millions. Traverser une rue, même sur un passage piétons est une aventure périlleuse jusqu’à ce vous compreniez qu’il faut lever haut la main pour vous signaler. Alors les scooters passent derrière vous sans la moindre considération pour le pauvre bipède désorienté que vous êtes.

Les scooters sont à eux seuls une découverte. Mais attention, ce ne sont pas des machines à frimer, comme ici. Ils disparaissent sous des charges improbables, réfrigérateurs, poteries, fleurs, fruits et légumes, viandes et poissons provisoirement surgelés (la chaîne du froid n’est pas de rigueur), sans parler de grappes de femmes, hommes et enfants accrochés les uns aux autres dans un équilibre improbable. Hanoï conjugue modernité — gratte-ciels et magasins occidentaux, Chanel, Vuitton, Prada, automobiles japonaises ou vietnamiennes dernier cri, et tradition —temples et pagodes, et ce train qui circule au beau milieu de la ville à quelques centimètres des gens attablés aux cafés, ses estaminets de rue où les étals offrent au regard huîtres, palourdes entrouvertes et calmars, tous d’une fraîcheur relative : le Vietnamien s’est bâti un système digestif qui tolère à peu près tout. Les guides tentent de vous dissuader de consommer ce qui se vend dans ces échoppes — mais qui ne ressentirait pas l’envie de s’attabler là, sur une chaise en plastique, avec cette population locale qui dévore ses pâtes au bouillon en parlant haut et fort ?

Tu me fais le guide du routard, là !

Non. C’est pour dire que ce qui domine, au Vietnam, c’est le travail, à n’importe quelle heure, l’affairement constant, la course à la survie d’abord, à la conquête ensuite. Ils travaillent, et ils travaillent bien. Pour eux, pour leur pays, pour le futur de leurs enfants.

Ça me rappelle… Dans les années 1970, j’ai eu en cours un certain nombre d’enfants de boat people, réfugiés du sud-est asiatique, qui avaient survécu aux bonnes intentions des Américains et du Viêt-Cong. Ils arrivaient avec quatre mots de français en poche — et huit mois plus tard, ils caracolaient en tête des classements. De surcroît, les parents avaient eu l’intelligence de donner à leur progéniture des prénoms occidentaux, qui facilitaient grandement leur assimilation.

Ce qui ne gâtait pas leur appartenance à une culture vietnamienne ! Parce que c’est un vrai pays, avec une histoire plurimillénaire. Et si l’ethnie viet est largement majoritaire, avec 86%, le pays fédère 54 groupes ethniques, des Hmongs noirs, rouges ou fleuris reconnaissables à leurs tenues traditionnelles, aux Thays et autres minorités. Et tous se sont battus pour leur pays.

Mais enfin ! Qu’est-ce qui a pris à un homme de droite comme toi de partir plusieurs semaines dans un pays communiste ?

Le Vietnam n’a de communiste que le nom — abstraction faite du parti unique, de l’interdiction des manifs et du culte d’Hô Chi Minh. Le père de l’indépendance avait demandé que ses cendres soient dispersées dans le nord, le centre et le sud du pays — pour qu’une fois disparu, il soit partout. Le Parti en a décidé autrement : le héros national est non seulement affiché partout, et sur tous les billets de banque, mais il a été momifié façon Lénine.

La France est à bien des égards plus communiste que le pays du dragon — qui n’a pas de Sécurité sociale sauf pour les personnes âgées de plus de 80 ans, les enfants de moins de six ans et les gens très pauvres, pas de gratuité de l’école à partir de six ans, presque pas d’assurance chômage, 12 jours de congés payés à peine… Les syndicats qui pleurent pour la retraite à 62 ans pourraient en prendre de la graine… La France a remplacé le parti unique par la pensée unique, et la presse d’Etat par Radio France, France Télévisions, Arte et Le Monde.

Le Vietnamien travaille toujours et encore pour s’assurer une vie décente. Le Vietnamien paresseux (et souvent alcoolique) n’a quant à lui droit à rien. Ne pas croire pour autant que des racailles rançonnent le touriste, comme à Marseille : il n’y a pas de délinquance, dans un pays où les voleurs disparaissent purement et simplement de la circulation, et finissent par enrichir l’humus des rizières.

Je ne vais pas te faire l’article sur le ravissement des villages de montagne, les mains bleues des femmes qui teignent leurs tissus à l’indigo, les rizières en terrasses à perte de vue (le Vietnam est le premier exportateur de riz avec la Thaïlande et le second producteur de café après le Brésil), les repas aux saveurs uniques, les gosses qui jouent à la toupie au lieu de fixer leur portable d’un regard torve — et les sourires, partout, toujours. Ça nous change de regards haineux des immigrés qui ici nous reprochent de trop bien les accueillir.

Il y a les étapes obligées du tourisme, la baie d’Ha Lan en jonque, Huê et sa ville impériale, Hoi An, la ville des lanternes, le delta du Mékong en sampan — sur un fleuve jonché de détritus, la conscience écologique ne perturbe guère le Vietnamien moyen. Et partout, toujours, un peuple de fourmis travaille à un futur meilleur que le présent et digne du passé — parce qu’ils ne risquent pas, vu les programmes scolaires, d’oublier leur histoire et leurs héros.

Ça fait envie ! Quand y repars-tu ?

Ne ris pas : je songe à m’y installer. Un repas de fête, c’est huit euros par personne. Avec ma retraite, je serai là-bas le roi du pétrole !

Et je conclurai en laissant la parole à notre guide au Vietnam, Hieu Hanu (Petit matin printanier) : « Cám ơn  bạn vì đã đến Việt Nam với một tình yêu đặc biệt dành cho đất nước và con người chúng tôi. »

Merci d’être venu au Vietnam avec un amour spécial pour notre pays et notre peuple.

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