Un incident hospitalier sur dix serait dû à un problème de communication, selon une nouvelle étude

Selon une nouvelle étude analysant des résultats provenant d’hôpitaux du monde entier, les problèmes de communication entre soignants mettraient chaque année en danger la vie d’un grand nombre de patients.

Avr 28, 2025 - 18:32
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Un incident hospitalier sur dix serait dû à un problème de communication, selon une nouvelle étude

Selon une nouvelle étude analysant des résultats provenant d’hôpitaux du monde entier, les problèmes de communication entre professionnels de santé mettraient chaque année en danger la vie d’un grand nombre de patients.


Afin de déterminer les causes de survenue d’incidents qui mettent en jeu la sécurité des patients, mes collègues et moi-même avons analysé 46 études publiées entre 2013 et 2024 et portant sur plus de 67 000 patients non seulement en Europe, mais aussi en Amérique du Nord et du Sud, en Asie et en Australie. Nos résultats, alarmants, indiquent que dans 1 cas sur 10, l’incident est uniquement survenu en raison d’un problème de communication entre soignants. Par ailleurs, ce type de problème contribue – à côté d’autres facteurs – à la survenue d’un incident de sécurité sur quatre.

Il ne faut pas oublier que derrière ces statistiques désincarnées se trouvent des personnes réelles, qui ont été meurtries en raison d’erreurs qui auraient pu être évitées. Ainsi, dans l’un des cas documentés, un médecin qui tentait de réduire au silence une pompe qui bipait a accidentellement arrêté la perfusion d’Amiodarone – un médicament utilisé en cas d’arythmie cardiaque – d’un patient. Il a omis d’informer l’infirmière de sa manipulation. Résultat : le rythme cardiaque du patient a dangereusement augmenté.

Dans un autre cas, un patient est mort car une infirmière n’a pas informé le chirurgien que son patient souffrait de douleurs abdominales postopératoires et avait un taux de globules rouges faible – autant de signes d’une possible hémorragie interne. Une meilleure communication aurait permis d’éviter ce décès.

Ces résultats confirment ce que de nombreux professionnels de santé soupçonnaient depuis longtemps : les défaillances de communication constituent une menace directe pour la sécurité des patients. Il est particulièrement inquiétant de constater que ces incidents se produisent dans de nombreux systèmes de santé à travers le monde.

Un problème d’ampleur

Rien qu’au Royaume-Uni, plus de 1 700 vies sont perdues chaque année en raison d’erreurs médicamenteuses. Dans le monde, 3 millions de décès surviennent annuellement pour la même raison. Au moins la moitié de ces cas, qui sont souvent dus à une mauvaise communication, pourraient être évités.

Aux États-Unis, les défaillances de communication contribuent à plus de 60 % de tous les événements indésirables graves associés aux soins hospitaliers. Selon les experts, ces chiffres sont probablement sous-évalués, car les incidents impliquant la sécurité des patients sont souvent sous-déclarés.

Notre recherche comble une lacune importante dans la compréhension du phénomène. Si des études antérieures avaient déjà établi que la communication pouvait s’avérer problématique dans les environnements de soins, notre analyse est la première à quantifier précisément l’impact de ce type de lacunes sur la sécurité des patients.

Une analyse statistique distincte, portant uniquement sur une sélection d’études considérées comme « de haute qualité » a donné des résultats similaires, ce qui renforce la validité de nos conclusions.

L’importance cruciale que revêt la mise en place d’une communication efficace entre soignants a notamment été soulignée dans plusieurs grandes enquêtes visant à évaluer l’origine des défaillances des systèmes de santé. Au Royaume-Uni, les rapports Francis et Ockenden ont tous deux déterminé que l’inefficacité de la communication entre soignants était à l’origine de la survenue de décès évitables au sein des établissements Mid-Staffordshire NHS Foundation Trust et du Shrewsbury and Telford Hospital NHS Trust, respectivement. Selon le médiateur britannique de la santé, la mauvaise communication contribuerait à environ 48 000 décès dus à la septicémie chaque année.

Les insuffisances de communication causent donc un véritable préjudice. Les malentendus qui en résultent sont à l’origine de graves erreurs médicales, avec pour conséquence la formulation de diagnostics erronés, la mise en place de traitements sous-optimaux, ou la sous-estimation de complications potentiellement mortelles.

L’espoir d’une amélioration

Malgré cet alarmant constat, il faut souligner que des interventions ciblées peuvent améliorer la communication. Certains de nos travaux ont ainsi montré que des praticiens sensibilisés et formés pour adopter une communication plus empathique envers les patients changent leurs comportements, ce qui se traduit par une prise en charge aboutissant à de meilleurs résultats.

De même, lorsque les professionnels de santé apprennent à mieux communiquer entre collègues, des améliorations mesurables s’ensuivent. Une étude publiée dans le prestigieux New England Journal of Medicine a révélé que la mise en place d’un protocole de communication structuré au sein d’équipes de chirurgie pouvait réduire la survenue d’événements indésirables de 23 % en un an. D’autres travaux ont révélé que l’utilisation de procédures normalisées de transmission entre les équipes réduisait les erreurs médicales de près de 30 %.

Ces interventions ne requièrent qu’un investissement limité en regard des gains apportés : une demi-journée de mise en œuvre peut suffire. Les systèmes de santé ont donc à leur disposition un levier particulièrement intéressant pour diminuer significativement la survenue d’événements préjudiciables.

Les preuves sont là. Reste maintenant aux dirigeants d’établissement, aux enseignants et aux décideurs à agir. Pour mieux protéger la vie des patients, la formation des soignants à la communication doit devenir une norme universelle – et non demeurer un supplément optionnel.The Conversation

Jeremy Howick est financé par le Stoneygate Trust et reçoit occasionnellement des honoraires pour ses conférences.