Travail hybride : opportunité ou risque pour fidéliser les collaborateurs clés ?
Certains collaborateurs sont incontournables pour l’entreprise. L’hybridation entre présentiel et distanciel permet-elle de les fidéliser ? Ou, au contraire, ouvre-t-elle la boîte de Pandore ?


Certains collaborateurs sont déterminants pour l’entreprise. Comment les bichonner à l’ère du télétravail ? L’hybridation des modes présentiel et distanciel permet-elle de les fidéliser ? Ou, au contraire, ouvre-t-elle la boîte de Pandore ?
Dans leur essai Le Risque collaborateur clé. Réduire les impacts liés à l’absence d’un ou de plusieurs collaborateurs clés, à paraître aux éditions Gereso en avril, Caroline Diard, professeure associée au département droit des affaires et RH de TBS Education, et Nicolas Dufour, professeur affilié au CNAM, aident les entreprises à s’armer pour faire face à cette situation.
Les derniers chiffres de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) confirment un ancrage du télétravail dans les pratiques organisationnelles : 22 % des salariés du privé télétravaillent au moins une fois par mois.
Il n’est plus question du télétravail que nous avons connu avant le confinement de mars 2020. Les accords d’entreprise se sont multipliés. Ils sont désormais fréquemment formalisés et objet de dialogue social. On assiste également à une forme d’acculturation au télétravail qui a permis de repenser l’expérience collaborateur.
On parle désormais de travail hybride. L’hybridation produit une imbrication des temps et des espaces. Il est désormais entendu que l’exercice d’une activité peut être effectué pour partie en présentiel et pour partie à distance. Le lieu d’exercice peut être varié : le domicile, un train, un avion, un espace de coworking, une salle d'attente. Au-delà de cette déspatialisation, les temps sont également multiformes et imbriqués – temps de travail, temps social, temps domestique, temps familial, temps de loisir.
Risque collaborateur clé
Le risque collaborateur clé est l’un des principaux risques en ressources humaines (RH). Si l’adage « les cimetières sont remplis de gens irremplaçables » est souvent mis en avant, la gestion de ce risque recoupe des réalités bien diverses. Le collaborateur clé peut être défini comme « celle ou celui qui possède un savoir-faire, une technique, une expertise et/ou des responsabilités uniques qui en font un élément indispensable ». Deux notions au moins sont donc au cœur de ce concept : la rareté – voire le caractère unique du personnage en question – et l’apport en termes de ressources pour l’entreprise – financières ou d’expertise.
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Le risque « collaborateur clé » peut se manifester de plusieurs manières : absence, décès, départ à la retraite, démission, révocation, conflit avec l’employeur, etc. Ce sujet, loin d’être nouveau, a été abordé dans différents champs que sont les sciences de gestion, le management des ressources humaines, l’assurance, le contrôle interne, le service juridique. Nous proposons aujourd’hui de dédier un livre à cette thématique : Le risque collaborateur clé : réduire les impacts liés à l’absence d’un ou de plusieurs collaborateurs clés.
Si toutes les organisations peuvent être confrontées au risque collaborateur clé, toutes ne sont pas nécessairement armées face à ces situations. L’enjeu de notre ouvrage est double : la prise de conscience d’un risque devenu incontournable et les moyens pour tenter de réduire les impacts liés à l’absence non planifiée d’un ou de plusieurs collaborateurs clés.
Attractivité et fidélisation
L’hybridation est devenue un élément de la marque employeur. Outil d’attractivité et de fidélisation, il est un fort levier de rétention.
Les collaborateurs clés disposent de compétences et d’expertises qui sont considérées comme rares, voire uniques, par leur entreprise. Ils sont fréquemment abordés par des cabinets de recrutement et peuvent saisir de nombreuses opportunités. Une démission de collaborateur clé pourrait mettre en danger la poursuite de certaines missions.
Certains de ces collaborateurs pourraient être tentés d’aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs dans un contexte relativement favorable pour l’emploi. Au quatrième trimestre 2024, le taux de chômage est quasi stable à 7,3 %. Alors que les entreprises sont confrontées à de nombreuses démissions et ruptures conventionnelles, elles ont tout intérêt à communiquer sur les possibilités en matière de lieu d’exercice du travail – domicile, nomadisme, coworking, présentiel entreprise, résidence secondaire.
Risque d’invisibilité
Le risque d’invisibilité – en dehors des cadres contractuels traditionnels – créé par l’hybridation pourrait à l’inverse créer un danger pour l’organisation. Loin du collectif de travail, le collaborateur clé peut saisir d’autres opportunités professionnelles. Le travail en coworking peut lui permettre de tisser des liens utiles pour son employabilité et lui offrir des perspectives de carrière à l’extérieur. Il pourrait aisément être « débauché », loin des yeux de l’entreprise.
« En matière de télétravail, la décision radicale de retour en arrière pourrait pousser de nombreux collaborateurs clés à la démission. Une telle vision serait pourtant un très mauvais calcul dans une période où de nombreux secteurs peinent à recruter et où l’hybridation permet de renforcer la marque employeur comme facteur d’attractivité. D’après France Travail, 57,4 % des entreprises seraient concernées. Ne lâchons pas le télétravail, cela nous priverait d’une opportunité de concilier vie personnelle et professionnelle, de limiter les déplacements et d’adopter une démarche responsable, et surtout de retenir les hommes clés. »
Les attentes sont fortes en matière de conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. Concernant les hommes clés, il serait pertinent d’accéder à toute demande en matière d’hybridation, et ce même si le télétravail n’est pas formalisé dans l’entreprise.
Télétravail à l’étranger
Les services RH ont tout intérêt à être inventifs pour retenir les collaborateurs clés. On pense notamment à la mise en place de télétravail à l’étranger, par exemple.
L’hybridation est devenue un élément de rétribution au même titre qu’une prime variable, un complément retraite, l’épargne salariale. Il s’agit d’offrir une flexibilité à la fois temporelle et géographique, avantage non pécuniaire susceptible d’être privilégié par les collaborateurs clés souhaitant envisager un lieu de vie qui est éloigné de l’entreprise par exemple.
L’hybridation n’est heureusement pas l’unique voie de satisfaction des collaborateurs clés. L’aménagement du temps de travail, la souscription d’un abonnement de coworking, un package de rémunération innovant, pourraient répondre aux attentes des collaborateurs clés.
Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.