PLF 2026 : introduction aux lois de la budgétodynamique à la française
Si vous n’avez pas encore eu le plaisir de vous initier aux deux lois fondamentales de la budgétodynamique à la française, voici, chers lecteurs, une excellente occasion de vous lancer. Elles s’énoncent très simplement et permettent de comprendre pourquoi les dépenses publiques made in France ne baissent jamais, malgré toutes les promesses en ce sens […]

Si vous n’avez pas encore eu le plaisir de vous initier aux deux lois fondamentales de la budgétodynamique à la française, voici, chers lecteurs, une excellente occasion de vous lancer. Elles s’énoncent très simplement et permettent de comprendre pourquoi les dépenses publiques made in France ne baissent jamais, malgré toutes les promesses en ce sens de nos ministres des Finances et du Budget.
- Qu’on parle impôts, taxes ou cotisations sociales, tout prélèvement obligatoire exceptionnel se transformera en prélèvement permanent.
2. Toute réduction de la dépense publique doit se calculer par différence avec sa “dynamique” naturelle, et non par différence avec le niveau de l’année précédente.
Scrupuleusement mis en œuvre année après année, en période de croisière tout autant qu’en période de crise, ces principes nous garantissent d’un côté que les impôts ne baisseront pas et de l’autre que les dépenses ne baisseront pas non plus. Objection classique : mais non, Madame MP, il ne faut pas raisonner comme cela. L’important, c’est que les impôts et les dépenses augmentent moins vite que le PIB ; l’important, c’est que la croissance économique supplante la croissance des comptes publics.
Eh bien, cela serait peut-être exact si la France pouvait s’enorgueillir de taux de dette et de déficit publics contenus dans les limites exigées par le pacte de stabilité européen, respectivement 60 % et 3 % du PIB, et si ses dépenses publiques rapportées au PIB n’excédaient pas la moyenne de la zone euro, soit 50 %, et, encore mieux, 45 % comme aux Pays-Bas. Or le PLF 2025 adopté récemment entérine pour cette année un déficit de 5,4 %, une dette publique de 115,5 % et des dépenses publiques de 56,8 % par rapport au PIB.
À ce niveau d’emprise, l’État au sens large n’est rien d’autre qu’une entrave absolue, un gigantesque boulet de plomb laissé à la charge du secteur marchand. Il importe en effet de comprendre que la dépense publique, moins efficace par construction que la dépense et l’investissement privés, a tendance à peser lourdement sur la dynamique économique. Ajoutez un contexte international déprimé et vous pouvez dire adieu à vos espoirs de voir les dépenses publiques débridées se dissoudre élégamment dans un flot de croissance irrésistible.
Demandez à Bruno Le Maire, qui fut grand maître de Bercy jusqu’à l’automne dernier. Il sait tout de ces dépenses publiques répandues à profusion dans la société française pour réveiller, voire attiser la croissance, avec pour seuls résultats le dynamisme des déficits et les printemps, étés, automnes, hivers du mécontentement.
Toujours est-il que les grandes manœuvres en vue de définir un Projet de loi de finances pour 2026 ont commencé et que le ministre de l’Économie Éric Lombard se propose de réaliser des économies de 40 milliards d’euros afin de ramener le déficit public à 4,6 % du PIB l’an prochain. Il est du reste aussi question de réaliser 5 milliards d’économies dès maintenant afin de tenir les 5,4 % de déficit prévus pour cette année. Et naturellement, pas question d’augmenter les impôts !
Mais l’effort demandé aux Français est évidemment “considérable”. D’où l’application immédiate de nos petites lois fondamentales à la tambouille budgétaire en cours :
1 · La contribution différentielle sur les hauts revenus, adoptée à titre temporaire dans le PLF 2025 sera reconduite en 2026. Le gouvernement prétend que le caractère exceptionnel de ladite contribution avait été évoqué à l’époque du PLF Barnier, certainement pas lors de l’élaboration du PLF Bayrou. Mais, peut-être conscient de manquer à sa parole, il s’emploie maintenant à maquiller ce renouvellement en “outil de lutte contre les sur-optimisations fiscales”. Admirons la richesse du champ lexical utilisé ! Dans cette affaire de permanence du temporaire, tout n’est que “solidarité” et “justice sociale”. Qui aurait l’ignoble audace de s’en plaindre ?
2 · Quant aux 40 milliards d’euros d’économies, il va sans dire qu’il ne faut surtout pas les prendre au pied de la lettre. Il n’est nullement question de renoncer à un euro de notre modèle social ou de nos services publics si utiles et si performants – les Français ne l’autoriseraient pas. Pour le dire comme Éric Lombard :
“40 milliards d’euros, c’est l’écart par rapport à la trajectoire naturelle du budget tel qu’il est issu de la façon habituelle de travailler.”
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Le ministre précise qu’il y aura sans doute une baisse de la dépense publique par rapport à 2025, mais pas de panique, elle sera très très légère. Et c’est précisément sur cette mini-baisse que les Français, mais surtout les entreprises, devront consentir un effort, qui pourrait même prendre la forme de nouvelles idées de “ressources à déployer”. Comme tout cela est bien dit ! Au-delà du côté complètement fumeux de ce discours, on ne peut s’empêcher de penser très fort à de nouvelles idées d’impôts à ponctionner.
40 milliards d’euros d’économies: “Tous les Français ont intérêt à ce qu’on règle cette question de déficit excessif”, affirme Éric Lombard pic.twitter.com/mYlSfRruHy
— BFMTV (@BFMTV) April 14, 2025
Oh bien sûr, tout le monde est conscient, ou fait du moins mine de l’être, que 3 300 milliards de dette constituent une lourde menace pour l’avenir et la descendance des citoyens de ce pays. M. Lombard y voit d’ailleurs le point initial de sa réflexion sur le budget. Mais 40 milliards “d’efforts” constitués principalement de fausses économies et d’impôts en plus ne nous mèneront pas très loin.
Imaginons maintenant que l’on veuille revenir en 2026 à un ratio de dépenses publiques sur PIB de l’ordre de 50 % au lieu de nos 57 %. Rien de fou, en réalité : c’est la moyenne de la zone euro. Dans le PLF 2025, le PIB est censé atteindre 2 984 milliards d’euros. Supposons qu’il grimpe à 3 040 milliards en 2026 (en faisant l’hypothèse de 0,7 % de croissance et 1 % d’inflation). Les dépenses publiques de 2026 devraient alors se monter à 3 040 x 0,5 = 1 520 milliards d’euros. Or celles de 2025 ont été budgétées à 1 694 milliards. Il faudrait donc envisager au minimum des économies réelles de 174 milliards d’euros (éventuellement la moitié si l’on se donne deux ans pour agir).
Autant dire que cela est IMPOSSIBLE sans envisager sérieusement de profondes réformes de structure. Les vrais-faux petits ajustements à la marge dont on se contente trop facilement ne vont pas suffire à la tâche. C’est purement et simplement la fin de l’État providence-stratège-nounou qu’il faut acter, la fin des monopoles de la santé, de l’école et des retraites, la suppression des comités, conseils et hautes autorités inutiles, la privatisation de l’audiovisuel public, la cession des participations de l’État, etc. Parallèlement, c’est tout l’arsenal fiscal et réglementaire qu’il faut dégraisser et simplifier. C’est notamment toute l’usine à gaz du diktat écologiste qu’il faut déconstruire.
Bien sûr, tout cela signifie moins de fonctionnaires. Mais cela signifie aussi plus de salariés disponibles pour développer le secteur marchand, celui qui nous fait vivre, et pour lancer des initiatives privées en matière de retraite, de santé, d’éducation, de vie culturelle et d’insertion harmonieuse des activités humaines dans l’environnement.
Tel est en tout cas le prix minimum à payer pour éloigner de nous le couperet de la dette, retrouver des capacités d’initiatives économiques et d’innovation et assurer ainsi notre prospérité et celle de nos enfants. La marche peut sembler insurmontablement haute à franchir, mais ne tardons pas, car demain elle sera plus haute encore.