Sale temps pour le pacifisme ! (et pour la Gauche en général), par Terence
Illustration par ChatGPT 4o Le mouvement Utopia publie un livre collectif sur la paix : CULTURE DE LA PAIX, IDÉES REÇUES ET PROPOSITIONS. Nous souffrons tellement de la souffrance du monde – c’est exactement le coeur de la signification « d’être de gauche », c’est précisément cette empathie UNIVERSELLE de la Gauche -, nous voulons tellement la paix, nous sommes tellement pétris de bonté, nous avons tellement soif de justice, que nous ne parvenons pas à concevoir que l’Antagonisme, l’Ennemi, la Guerre, le Mal existent, sont des phénomènes inscrits dans le Réel, que, stricto sensu, on ne peut pas … Lire la suite...

Illustration par ChatGPT 4o
Le mouvement Utopia publie un livre collectif sur la paix : CULTURE DE LA PAIX, IDÉES REÇUES ET PROPOSITIONS.
Nous souffrons tellement de la souffrance du monde – c’est exactement le coeur de la signification « d’être de gauche », c’est précisément cette empathie UNIVERSELLE de la Gauche -, nous voulons tellement la paix, nous sommes tellement pétris de bonté, nous avons tellement soif de justice, que nous ne parvenons pas à concevoir que l’Antagonisme, l’Ennemi, la Guerre, le Mal existent, sont des phénomènes inscrits dans le Réel, que, stricto sensu, on ne peut pas les choisir ou non en tant que pacifiste, on ne choisit pas d’avoir des ennemis ou non, d’être en guerre ou non, de subir le Mal ou non, ce sont ces phénomènes qui nous choisissent, ce sont nos ennemis qui nous choisissent, qui nous imposent la guerre, qui nous infligent le Mal … Et on ne peut que le constater, le reconnaître, l’accepter, et faire ce qu’on peut lorsque ces phénomènes surviennent, avec notre boussole morale de gauche.
Ce qui comprend dans certaines circonstances : entrer soi-même dans une logique d’antagonisme, d’ennemi, de guerre et d’infliction du Mal … alors qu’on ne le voudrait pas, qu’on refuse ces phénomènes de toute son âme.
Existe-t-il un immense déni de Gauche envers la question du Mal ?
La Gauche préfère-t-elle conserver un pacifisme absolu, une pureté morale, une illusion de cohérence ? La Gauche refuse-t-elle de tirer les conclusions du Réel, qui imposent de s’y engager, de s’y salir, de mauvais gré ?
Oui, la Gauche ne doit jamais renoncer à placer la Paix en objectif suprême. Minimiser le Mal sera toujours un algorithme essentiel. Et la Guerre est, avec le Génocide et l’Écocide, le Mal absolu. Nous le savons, c’est documenté.
Oui, luttons pour une culture de la paix ! Mais avec un immense bémol, qui n’est peut-être pas pensable pour certains, mais qui est crucial : la Gauche doit aussi savoir penser un pacifisme armé, capable de reconnaître les antagonismes, ses ennemis (qui veulent détruire la paix, la démocratie et … la Gauche), les guerres, le Mal …
…et se montrer capable de s’en défendre et de le neutraliser, en infligeant le Mal si nécessaire, contrainte et forcée, avec conscience du sacrilège qu’elle commet, honteuse mais déterminée.
Une bonne boussole restera toujours Albert Camus, qui aura fait le tour de la question de la violence dans son essai L’homme révolté. L’archétype est la relation entre le maître et l’esclave. Pour ce qu’il subit, l’Esclave est fondé à tuer le Maître, si nécessaire, pour s’en libérer. Voici justifiée la violence, et le Mal, dans un premier élan fondateur de la Gauche : l’émancipation. Mais alors, se demande Camus, qu’est-ce qui nous distingue des Maîtres, en termes de morale ? En quoi sommes-nous meilleurs qu’eux si nous les tuons comme ils nous tuent ? Si nous usons de violence comme ils en usent ? Et pire, si nous devenons à notre tour les Maîtres ? Voilà, en quelques lignes, comment Camus renvoie toute la violence révolutionnaire sans limites (Lénine, Staline, Mao, …) devant le miroir de la conscience. La conclusion est claire : la violence est parfois nécessaire mais n’est un moyen nécessaire que si elle trouve sa propre limite et ne devient jamais sa propre fin. La Gauche a raison de détester l’antagonisme, la fabrication d’ennemis, la guerre, le mal. Mais parfois, elle doit entrer dans l’arène et se salir les mains, car elle y est forcée. subir le Mal et devoir parfois l’infliger pour s’en défendre, pour l’anéantir. Cependant, les moyens honteux de la violence doivent nous dégoûter et ne jamais devenir une fin en soi. La fin ne justifie jamais les moyens. Et la violence, le Mal que l’on inflige pour le Bien, doit trouver sa limite, dans un mouvement de balancier que Camus nomme « pensée du Midi ». Voici résolu le paradoxe du Mal, de la violence, de la guerre.
Aussi pour la Gauche.
Cela permettrait à une certaine gauche de sortir de ses grotesques contradictions passées et présentes sur : la Chine, la Corée du Nord, Lénine, Staline, Mao, Che Guevara, l’URSS … et aujourd’hui … la Russie et Poutine…
Cela lui permettrait de se souvenir qu’il existe des ennemis qui transcendent la lutte des classes et les dogmes, car ils représentent une forme de mal absolu, comme le comprirent les membres de la Résistance durant le second conflit mondial.
Et qu’il existe une échelle des maux à combattre.
Et qu’on ne peut pas combattre avec un sourire désarmant.
Loin d’une vision touchante de naïveté, en fait d’impuissance, la vision du Bien pourrait être plus proche de celle de l’archange Saint-Michel, qui terrasse le dragon en le pourfendant de son épée.
Le Bien pourrait être … armé, et pas seulement d’un bouclier.
Le pacifisme de la Gauche pourrait être… armé.
Penser et faire la guerre, à sa manière, mais de façon lucide, un impératif de gauche.
Car c’est ainsi, peut-être, que fonctionne le Réel ?
Illustration par ChatGPT 4o