Réduire la vitesse, changer de revêtement… Quelles solutions contre la pollution sonore routière ?

Le bruit routier est en France la première cause de nuisances sonores. Des travaux de recherche ont comparé l’efficacité des différentes options pour le diminuer.

Avr 3, 2025 - 11:58
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Réduire la vitesse, changer de revêtement… Quelles solutions contre la pollution sonore routière ?

Des chercheurs en acoustique ont comparé différentes options pour atténuer les nuisances sonores causées par le bruit routier. En fonction des situations, il peut être plus intéressant d’opter pour un moteur électrique plus silencieux, de changer le revêtement des routes ou d’optimiser la vitesse du trafic routier. Mais dans la plupart des cas, la solution optimale est plurielle.


Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le bruit est le deuxième facteur de risque environnemental en Europe en matière de morbidité, derrière la pollution de l’air. Il représente un problème majeur pour la santé publique, dont les répercussions socio-économiques globales, estimées à 147 milliards d’euros par an, en 2021, sont trop souvent négligées.

Le bruit des transports, en particulier le bruit routier, est en France la principale cause de ces nuisances. Différentes solutions pourraient pourtant être mises en œuvre pour limiter son impact. Modifier la propagation acoustique en interposant un obstacle de grande dimension entre la source et les riverains (bâtiments, écran antibruit, buttes naturelles…) peut être un moyen très efficace de réduire l’exposition sonore, mais n’est pas toujours techniquement ou financièrement envisageable et ne permet pas de couvrir toutes les situations possibles.

Améliorer l’isolation acoustique des bâtiments est également une très bonne solution technique, mais elle présente l’inconvénient de ne pas protéger les personnes situées à l’extérieur et de perdre en efficacité dès lors que portes ou fenêtres sont ouvertes. La meilleure des options reste ainsi, avant tout, de réduire l’émission sonore à la source.

Dans cette optique, des actions sont régulièrement mises en place, soit dans un cadre réglementaire (étude d’impact de nouvelles infrastructures, opérations de résorption des « points noirs du bruit » etc.), soit de façon volontariste par des collectivités ou des gestionnaires d’infrastructures routières pour lutter contre les nuisances sonores.

Des polémiques récentes sur la façon de réduire le bruit routier peuvent néanmoins brouiller le message auprès du citoyen et nuire ainsi à la crédibilité de ces solutions, dont le rôle reste avant tout de combattre ce fléau environnemental. Qu’en est-il exactement de leur efficacité et de leur pertinence techniques ?

Pourquoi le trafic routier est-il bruyant ?

Avant d’explorer les différentes solutions permettant la réduction du bruit routier à la source, il est important de comprendre les causes de ce bruit et les paramètres sur lesquels on peut agir pour le réduire. Les bruits de comportement, liés à un mode de conduite non conventionnel ou inadapté, contre lesquels des mesures de lutte sont en cours d’évaluation dans plusieurs villes, ne seront pas considérés ici.

Le son émis par un véhicule routier provient de deux principales sources :

  • le bruit de propulsion, dû au système mécanique (moteur, transmission, échappement),

  • et le bruit de roulement, dû au contact entre les pneumatiques en mouvement et la chaussée.

En conditions normales, le bruit de propulsion prédomine en dessous de 30 à 40 km/h pour les véhicules légers (VL) – ou de 40 à 50 km/h pour les poids lourds (PL) – tandis que le bruit de roulement l’emporte au-delà et augmente rapidement avec la vitesse.


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Pour les véhicules actuels en fonctionnement standard, les autres sources potentielles de bruit (écoulement de l’air sur le véhicule…) sont négligeables par rapport au bruit de propulsion et au bruit de roulement.

Pour un bruit constant, il est communément admis que l’audition humaine ne perçoit une variation qu’à partir d’un écart de 2 décibels A (dBA) minimum. L’acousticien de l’environnement considère ainsi qu’un changement inférieur à ce seuil est « non significatif », car insuffisamment perceptible. Il utilise, en première approche, ce seuil comme repère pour juger de l’efficacité potentielle d’une solution de réduction du bruit.

Agir sur la motorisation

Agir sur la motorisation permet de diminuer les émissions sonores à basse vitesse. Les moteurs électriques sont ainsi généralement moins bruyants que les moteurs thermiques, avec une différence qui tend cependant à diminuer pour les véhicules thermiques neufs actuels, moins sonores que par le passé.

La réglementation oblige aussi les véhicules électriques à ajouter un son synthétique en dessous de 20 km/h pour améliorer la sécurité des piétons (dispositif AVAS). Une boîte de vitesse automatique contribue également à réduire l’émission sonore, car elle assure un régime du moteur thermique toujours adapté à l’allure et évite ainsi les excès de bruit dus à des conduites en surrégime.

Hors des restrictions d’accès imposées à certains cœurs de ville, agir sur la motorisation des véhicules n’est cependant généralement pas du ressort d’un gestionnaire d’infrastructure routière. Le changement d’une grande partie du parc roulant est en outre nécessaire pour produire un impact acoustique significatif, ce qui n’est efficace qu’à long terme.

Optimiser l’écoulement du trafic

Pour des effets à court terme, une deuxième option consiste à optimiser l’écoulement du trafic en modifiant le débit des véhicules ou leur vitesse. Les gains sonores attendus d’une réduction du débit suivent une loi logarithmique, où une division par 2 du nombre total de véhicules entraîne une diminution de 3 dBA. La diminution de la vitesse permet quant à elle de diminuer les émissions sonores en agissant sur le bruit de roulement.

Dans ce cas, au-delà de 40 km/h, les gains attendus sont de l’ordre de 1 à 1,5 dBA par tranche de réduction de 10 km/h. Le calcul varie toutefois entre les véhicules légers et les poids lourds – dont il faudrait connaître les proportions exactes en circulation sur une route pour en estimer le bruit – et en fonction du revêtement de chaussée. Il sera donc difficile de fournir une estimation simple des gains potentiels dans toutes les situations.

L’application en ligne Motor développée par notre équipe permet à chacun de tester, en première approche, des scénarios de trafic en modifiant les différents paramètres d’influence du bruit afin de juger de leur efficacité potentielle sur la réduction de l’émission sonore d’une voirie routière.

Modifier le revêtement

Une troisième solution consiste à modifier le type de revêtement de chaussée afin d’agir sur le bruit de roulement.

On peut comparer les performances acoustiques de très nombreux revêtements de chaussées, par exemple à l’aide de notre application en ligne BDECHO, qui tire parti de la base nationale des performances acoustiques des revêtements de chaussées français.

Celle-ci montre ainsi que les revêtements les moins bruyants sont ceux dont la couche de surface est à faible granulométrie (enrobés à petits agrégats) et qui présentent une certaine porosité. À l’inverse, celle des plus bruyants a une plus forte granulométrie et n’est pas poreuse.

Si chaque solution peut contribuer à la réduction du bruit routier, chacune comporte également des inconvénients.

Quels avantages pour ces solutions ?

Changer un revêtement bruyant par un autre moins bruyant peut engendrer une réduction du bruit de 2 dBA à 10 dBA au maximum, et ce, dès 25 km/h pour les véhicules légers et dès 40 km/h pour les poids lourds.

Onéreuse, cette solution nécessite une mise en œuvre lourde et une intervention conséquente sur la voirie. Surtout, les performances acoustiques des revêtements ont l’inconvénient d’évoluer au fil du temps, avec une dégradation des performances plus rapide pour les revêtements les moins bruyants. Une dispersion importante des performances (de l’ordre de plusieurs dBA) est également observée au sein de chaque catégorie de revêtement, ce qui entraîne une plus grande incertitude sur la prévision des performances attendues.

La réduction de vitesse, quant à elle, n’est pas toujours possible. Ou encore, son efficacité peut être limitée, par exemple si les vitesses de l’infrastructure existante sont déjà modérées ou que la réduction de vitesse ne peut pas être appliquée aux poids lourds, plus bruyants, et que ces derniers sont déjà en proportion non négligeable dans le trafic. Les gains attendus peuvent également être moindres qu’espérés si les vitesses pratiquées sont inférieures aux vitesses réglementaires de l’infrastructure, par exemple en situation chronique de ralentissements ou de congestion.

C’est ce qui a été constaté lors de mesures acoustiques récentes sur le périphérique parisien, où les gains théoriques ont été atteints uniquement la nuit, lorsque la circulation est fluide. Notons que ce type de solution peut cependant apporter des co-bénéfices intéressants en matière de pollution atmosphérique ou d’accidents de la route, sans nécessairement nuire significativement au temps de parcours perçu.

Combiner les différentes solutions

Réduction des vitesses, revêtements peu bruyants, restriction du trafic, changements de motorisation… quelle est finalement la meilleure méthode pour faire chuter les émissions sonores routières ?

Réduire le trafic global engendrera toujours une chute des émissions, audible sous réserve d’une baisse du trafic d’au moins 30 à 40 %, si la solution est appliquée seule.

Pour les autres options, en zone à vitesse réduite (inférieure à 40km/h), jouer sur la motorisation est la solution la plus efficace. Cela peut passer par l’incitation à l’adoption de véhicules électriques ou d’autres motorisations moins bruyantes, les méthodes agissant sur le bruit de roulement étant dans ce cas moins efficaces.

Dans des voiries où la vitesse moyenne des véhicules est plus élevée, les chaussées silencieuses ou la diminution des limites de vitesse peuvent apporter des réductions intéressantes. Mais leur pertinence devra être étudiée au cas par cas en amont, en fonction des propriétés initiales de l’infrastructure considérée (vitesse, structure du trafic, revêtement de chaussée existant, etc.).

Les trois solutions étant compatibles entre elles, l’idéal consiste bien entendu à les associer afin de cumuler avantageusement les gains apportés par chacune d’entre elles.The Conversation

David Ecotière a reçu des subventions publiques du Ministère de la Transition écologique.

Marie-Agnès Pallas a reçu des financements du Ministère de la Transition écologique, de l’Union européenne et de BpiFrance.