Lucet in the sky with diamonds
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L’éditorial de mars
On connaît la formule de Guy Debord : « Je ne suis pas un journaliste de gauche. Je ne dénonce jamais personne. » On en déduit aisément qu’un journaliste de gauche se reconnaît à ce qu’il dénonce à tour de bras. Sauf qu’en langue progressiste, on ne dit plus « dénoncer » (qui sonne moins bon citoyen qu’au temps des soviets), mais « libérer sa parole » ou « lancer l’alerte ». La gauche qui vomit la police est habitée par un esprit policier qui sévit tous azimuts, de la chambre à coucher à la machine à café. Il y a cinquante ans, elle défendait joyeusement le sexe, le blasphème et la drogue. Les héritiers de Woodstock traquent inlassablement la blague grivoise, le dérapage islamophobe et le fumeur de joints. Lequel est d’ailleurs l’objet d’une détestation symétrique de la droite.
Toupet à toute épreuve
Personne n’imagine Éric Piolle se droguant, ni d’ailleurs rigolant. Début février, après l’affaire du député insoumis pincé en train d’acheter de la 3-MMC (drogue de synthèse qui fait fureur) à un mineur, le maire de Grenoble, qui laisse le narcotrafic ravager sa ville parce qu’il est allergique aux caméras de sécurité et à l’armement de la police municipale, propose de soumettre parlementaires et ministres à des tests aléatoires et anonymes de recherche de stupéfiants. Histoire de savoir si les élus qui votent des lois anti-drogue consomment de la drogue – ce qui prouverait enfin que l’Assemblée est à l’image de la population.
Élise Lucet accommode cette brillante idée à sa sauce. Il faut dire que, dans le genre « je suis le flic de mon frère », on n’a pas inventé mieux que la madone des ménagères reconvertie sur le tard en passionaria style « Occupy Wall Street ». Notre Erin Brockovich nationale (on a ce qu’on mérite) n’a pas inventé la poudre, mais elle a un toupet à toute épreuve, convaincue qu’elle est d’avoir le droit de tout savoir sur ses concitoyens. Elle se pointe à l’Assemblée, sommant les élus qu’elle croise de se soumettre à un test de dépistage de stupéfiants : « Il suffit d’humidifier cette languette avec votre salive et dans dix minutes, on saura si vous avez pris du cannabis, de la cocaïne, de l’héroïne ou de l’ecstasy. » D’après l’excellent Erwan Seznec du Point1, aucun test ne permet de détecter toutes ces substances mais peu importe, buzz garanti. Alors qu’elle brandit ses languettes de plastique vert et blanc, son sourire de tricoteuse carnassière fait froid dans le dos. En voilà une qu’on n’aurait pas aimé croiser sous Staline.
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Le pire, c’est que si certains protestent contre cette inquisition à la fois grotesque et terrifiante, suggérant à la dame d’aller plutôt tester sa rédaction, d’autres jouent le jeu, trop heureux de cette occasion facile d’exhiber leur vertu, notamment Olivier Faure qui se fend d’une blague pourrie sur la politique, sa seule drogue dure, et l’insoumis David Guiraud qui carbure plutôt à la haine antisém… pardon, antisioniste. Sur les plateaux de télé, on assiste à un défilé d’élus et de ministres empressés de se faire dépister pour faire savoir au peuple, qui n’en demande pas tant, qu’eux aussi sont clean. Ils devraient se méfier : si on exige de nos gouvernants une moralité impeccable et une vie irréprochable, pourquoi s’arrêter à la drogue ? On attend avec impatience qu’Élise Lucet invite à confesse les élus qui trompent leur conjoint ou ceux qui matent du porno (j’ai peine à croire qu’il y en ait).
Petits secrets
On pense à Benoît Hamon qui, commentant le placement sous écoute téléphonique de Nicolas Sarkozy et de son avocat, avait lâché cet aveu glaçant : « Quand on n’a rien à se reprocher, il n’y a aucun problème à être mis sous écoute. » Autrement dit, si vous refusez d’être surveillé, c’est que vous êtes coupable.
Soyons clairs, c’est très mal de se droguer. Ça détruit la santé, ça bousille le cerveau, ça détraque l’humeur et ça alimente un narcotrafic devenu un risque majeur pour la sécurité nationale. Si vous connaissez quelqu’un qui ne fait jamais rien de mal, surtout ne me le présentez pas, il doit être ennuyeux à périr. Quand on n’a rien à cacher, on n’a rien à montrer.
La condition humaine est pétrie de malodorants petits secrets. À part les saints, personne ne mène une existence totalement accordée à ses convictions. Il y a des écolos qui prennent l’avion, des cancérologues qui fument, des gauchistes qui inscrivent leurs enfants à l’École alsacienne. C’est plutôt rassurant. La vie privée, une des plus grandes conquêtes de l’humanité, est ce lieu où on a le droit d’être ce qu’on est, des êtres imparfaits, faillibles, bourrés de contradictions, vulnérables à la tentation. Même quand on est ministre. Nul n’a l’obligation de se montrer tel qu’il est à ses contemporains. Le mensonge est un droit de l’homme – et accessoirement l’huile dans les rouages de la vie sociale. Que dame Lucet se rassure. Une journée à l’Assemblée suffit pour s’en convaincre, les élus n’ont pas besoin de substances prohibées pour raconter des craques. Ou alors, c’est qu’elle est vraiment très bonne.
- https://www.lepoint.fr/societe/envoye-special-drogue-chez-les-elus-le-coup-d-epee-dans-l-eau-d-elise-lucet-13-02-2025-2582331_23.php
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