Le temps qui passe, par Gérard Legrand
Illustration par DALL·E Ce n’est que tout récemment que j’ai autant ressenti l’empreinte du temps tant dans ma chair que dans mon psychisme et ma pensée. Né en 1947, je ne me suis pas rendu compte de la proximité, pour mes parents et mes proches en général, de la fin de la seconde guerre mondiale, et par conséquent de leur façon d’être et de penser dans la période de l’après-guerre durant laquelle la France et l’Europe en général (Europe dite de l’Ouest) ont connu un redressement rapide et un enrichissement considérable. Les souffrances qu’ils ont subies pendant 4 ans : … Lire la suite...

Illustration par DALL·E
Ce n’est que tout récemment que j’ai autant ressenti l’empreinte du temps tant dans ma chair que dans mon psychisme et ma pensée.
Né en 1947, je ne me suis pas rendu compte de la proximité, pour mes parents et mes proches en général, de la fin de la seconde guerre mondiale, et par conséquent de leur façon d’être et de penser dans la période de l’après-guerre durant laquelle la France et l’Europe en général (Europe dite de l’Ouest) ont connu un redressement rapide et un enrichissement considérable. Les souffrances qu’ils ont subies pendant 4 ans : faim, crainte des bombardements, rafles, prises d’otages, etc., ont laissé en eux une empreinte indélébile. Le choc provoqué par l’arrivée massive d’une armée apportant avec elle un mode de civilisation différent, fondé sur la consommation voire le gaspillage les a désorientés et a provoqué chez certains un véritable rejet.
De plus l’influence de la culture, des modes de pensée, de vie, de la musique des États-Unis d’Amérique sur ma génération a été très prégnante, sans que l’on en ait toujours été conscient.
Entièrement tourné vers mon devenir, je ne pouvais imaginer la force de l’empreinte qu’avait laissé en eux la période dite « de l’entre-deux-guerres » pour les enfants nés entre 1920 et 1921, ce qui est le cas de mes parents.
L’opposition entre ces générations a trouvé son acmé en 1968.
La reconfiguration de l’Europe (au sens géopolitique) et du Monde après 1945, offrait un cadre tout à fait différent de celui de l’« avant-guerre » et il était difficile d’essayer d’en prendre pleinement la mesure avec les outils mentaux forgés durant la période d’« avant ».
Si l’on établit un parallèle entre ce qui précède et notre temps, les évènements qui se sont déroulés depuis le premier quart du XXIe siècle exigent également une grille de lecture tout à fait différente de celle que moi-même, né au milieu du XXe siècle, je me suis construite pendant mes années d’apprentissage et de formation.
Lorsque l’on prend de l’âge, on a tendance à se représenter le monde comme agité et incohérent par rapport à celui que l’on croit avoir connu, dont on se souvient ou croit se souvenir et qui, généralement, est le monde de l’entrée dans l’âge adulte (qui quelquefois peut être tardif).
La chute du mur de Berlin en novembre 1989 et l’effondrement de l’URSS ainsi que l’irruption sur la scène internationale du monde musulman, la montée en puissance de la Chine (et de l’Inde) et la revendication des anciens pays africains colonisés, demandaient une remise en question totale de la part des Européens, et particulièrement de la France, de la politique étrangère et aurait dû provoquer une analyse et une prise de conscience qui n’ont pas été faites.
Les Européens et les gouvernements français qui se sont succédés ont fait « comme si » ce « sous-continent » l’Europe, serait encore pour longtemps (?) protégé par le « parapluie américain » et en conséquence ne se sentant nullement menacés, n’ont pas vraiment élaboré de doctrine stratégique pour se protéger à la fois militairement et économiquement. Mieux, ils ont démantelé leurs industries et leurs protections douanières avec une naïveté et un appât du gain immédiat, se comportant comme des maîtres envers leurs vassaux.
La situation actuelle est le résultat de décennies d’aveuglement et de suffisance.
Illustration par DALL·E