Le pèlerinage d’adieu d’Omar Youssef Souleimane
L'Arabe qui sourit est le récit d'un retour d'exil. Omar Youssef Souleimane retrouve son Proche-Orient natal sur fond d'enquête clandestine, et dépeint une terre cruelle et poétique... L’article Le pèlerinage d’adieu d’Omar Youssef Souleimane est apparu en premier sur Causeur.

L’Arabe qui sourit est le récit d’un retour d’exil. Omar Youssef Souleimane retrouve son Proche-Orient natal sur fond d’enquête clandestine, et dépeint une terre cruelle et poétique.

Au fil de ses poèmes et de ses récits, du Petit terroriste (2018) à Être français (2023), Omar Youssef Souleimane construit une œuvre extrêmement sensible autour de sa vie d’exilé, sur son bonheur d’avoir trouvé en France la liberté, sur sa crainte, aussi, de voir s’imposer sournoisement ici le joug islamiste qu’il pensait ne plus jamais subir en fuyant sa Syrie natale. Il a adopté la langue et la culture françaises avec grâce, mais le bagage d’un réfugié du Proche-Orient demeure lourd : « Les catastrophes, la détresse, les conflits sont toujours les mêmes. Je pense qu’on ne peut pas vivre sans, c’est dans notre ADN. »
Dans L’Arabe qui sourit, Souleimane retrouve cette terre de désastres et de parfums, d’humiliations et de poésie qui, malgré la distance, continue de l’habiter. Le narrateur, qui lui ressemble beaucoup, est parfumeur à La Rochelle. Sa vie s’écoule paisiblement entre les lumières de l’océan, les conversations de bistrot et les senteurs de musc, de jasmin, de rose et de oud, lorsqu’il apprend la mort de Naji, son copain de jeunesse, syrien comme lui, mais réfugié au Liban. Sans hésiter, il prend le premier avion pour Beyrouth, quitté dix ans plus tôt, afin d’y retrouver Delia, leur amie commune. Si Beyrouth n’a été pour lui qu’une étape entre Damas et Paris, Naji a choisi d’y rester pour participer à la résistance au régime d’Assad ; quant à Delia, d’origine italienne, elle vivote entre missions humanitaires et reportages photo.
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La mort de Naji est suspecte. Et ce qui devait être un douloureux mais nécessaire « retour au pays » pour enterrer un ami – « nous et les Libanais, on partage le même mode de vie, la même cuisine, les mêmes crises économiques et le même malheur » – se mue en une enquête à rebondissements dans une ville dévastée, rongée par la corruption, la violence et la pauvreté, mais dans laquelle l’auteur sait cueillir la moindre beauté, une fleur, une odeur, les vagues sur les rochers. La plume de Souleimane est d’une rare sensualité lorsqu’il s’agit de décrire un paysage, le grain d’une peau, un sourire, un regard. C’est parce qu’il sait percevoir cette poésie qu’il peut endurer la tristesse du monde qui l’entoure et nourrir une nostalgie profonde. Mais ses belles images, ses beaux souvenirs sont mis à rude épreuve lorsque les deux amis décident d’accomplir la dernière volonté de Naji : être enterré en Syrie. Le récit du passage clandestin de la frontière est haletant, nous n’en dirons donc pas plus.
Si ce retour en Orient relève d’un besoin charnel, le retour du narrateur en France s’impose comme un besoin vital. « Je ne peux m’installer sur cette terre qui me ramène à l’adversité que j’ai fuie. Pendant ce petit séjour, j’ai appris que c’était toujours le même chaos, la même séparation communautaire entre les gens, les mêmes dictatures et la même arriération. Tout cela m’a aidé à comprendre encore mieux les raisons pour lesquelles j’en suis parti : m’éviter plus de perte et de souffrance. Ce Proche-Orient est un cimetière de rêves. »
Omar Youssef Souleimane, L’Arabe qui sourit, Flammarion, 2025. 240 pages
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