INSPE/Education nationale: la fabrique des coachs
La baisse du niveau des élèves s'explique aussi par celle de leurs enseignants. La faute revient à l'Éducation nationale qui n'exige plus des futurs professeurs la maîtrise des savoirs enseignés. Elle veut des avocats pour les lubies du moment (écologie, égalité, vivre-ensemble) et de gentils accompagnateurs... L’article INSPE/Education nationale: la fabrique des coachs est apparu en premier sur Causeur.

La baisse du niveau des élèves s’explique aussi par celle de leurs enseignants. La faute revient à l’Éducation nationale qui n’exige plus des futurs professeurs la maîtrise des savoirs enseignés. Elle veut des avocats pour les lubies du moment (écologie, égalité, vivre-ensemble) et de gentils accompagnateurs.
« Il ne faut pas que l’instituteur soit dans la commune le représentant du gouvernement ; il convient qu’il y soit le représentant de l’humanité ; ce n’est pas un président du Conseil, si considérable que soit un président du Conseil, ce n’est pas une majorité qu’il faut que l’instituteur dans la commune représente : il est le représentant né de personnages moins transitoires, il est le seul et l’inestimable représentant des poètes et des artistes, des philosophes et des savants, des hommes qui ont fait et qui maintiennent l’humanité. » Charles Péguy, De Jean Coste (1902).
L’échec de l’école française aujourd’hui est patent : un quart des élèves ne lisent pas couramment à l’entrée au collège, 90 % des élèves font 15 fautes ou plus dans une dictée de 67 mots, nos élèves obtiennent des résultats largement inférieurs à la moyenne des pays européens à la dernière étude TIMSS… Cette catastrophe est multifactorielle : l’influence des écrans, le moindre engagement des parents et l’hétérogénéité des classes interfèrent avec l’apprentissage. Mais on ne peut pas ignorer la corrélation entre la baisse du niveau des élèves et celle des enseignants.
Les rapports des jurys des concours des premier et second degrés sont éloquents :
– « un nombre significatif de copies comportent des erreurs orthographiques (a/à) et lexicales : l’ectrice, journals, électorals, réflection » ;
– « les accents sont totalement absents de certaines copies » ;
– « la recherche d’un contre-exemple pour infirmer une assertion mathématique n’est pas automatisée1 » ;
– « la conversion d’unités du type 0,5 h = 30 minutes n’est pas maîtrisée ».
Mais comment faire lorsqu’on manque de candidats et qu’on s’est fixé comme but non d’instruire, mais de lutter contre les inégalités ?
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La massification de l’enseignement liée à la promesse républicaine d’élever le peuple grâce à l’école a rendu les méthodes traditionnelles caduques. On a ainsi condamné les enseignements humanistes classiques puis la littérature « bourgeoise du xixe », source de discriminations, pour les remplacer par la fable pédagogiste qui séduit le faux intellectuel en lui offrant une revanche sur le savant. Elle convient parfaitement à une époque obsédée par la lutte contre les inégalités et les « violences de classe ».
Nébuleuse, accessible à tous, impossible à évaluer scientifiquement, la pédagogie exalte la spontanéité au détriment du contenu. Ses défenseurs se targuent de libérer les élèves des traditions transmissives et de favoriser l’esprit critique de leurs élèves. Pourtant, l’esprit critique, comme toute forme de jugement, ne peut s’exercer que sur un contenu. Or, les Philippe Meirieu, Jean Foucambert, Évelyne Charmeux et autres mentors de la Rue de Grenelle ont méthodiquement déboulonné tout ce qui faisait l’excellence de l’école française. Comme l’écrivait déjà Rachel Boutonnet dans son excellent Journal d’une institutrice clandestine, « les enseignants sont dans la position de tenir un discours savant anti-savoir ; et de tenir un discours qui interdit toute réflexion en prétendant qu’il est libérateur ».
Dans La Crise de l’éducation, Hannah Arendt écrivait : « Au fond, on n’éduque jamais que pour un monde déjà hors de ses gonds ou sur le point d’en sortir, car c’est là le propre de la condition humaine que le monde soit créé par des mortels afin de leur servir de demeure pour un temps limité. C’est justement pour préserver ce qui est neuf et révolutionnaire dans chaque enfant que l’éducation doit être conservatrice ; elle doit protéger cette nouveauté et l’introduire comme un ferment nouveau dans un monde déjà vieux. »
Au contraire, en accord avec les objectifs fixés aux élèves, les formations des futurs enseignants rompent avec la tradition, véhiculant un grand nombre de contre-vérités : les compétences sont plus nécessaires que les connaissances, toute transmission est un endoctrinement, les enseignants ne doivent plus être des figures d’autorité mais des accompagnateurs, des coachs en quelque sorte… On n’exige plus d’eux qu’ils maîtrisent les savoirs enseignés, mais bien qu’ils se fassent les instruments de la justice sociale voulue par l’État. Pour en avoir le cœur net, suivons un jeune professeur des écoles, du concours aux formations continues en passant par la formation initiale.
Le concours : des partis pris idéologiques largement assumés
Dans un article paru sur le site de L’Étudiant en janvier 2022, Arnaud Dubois, coresponsable du parcours de préparation au concours de professeur des écoles à l’université de Rouen, confiait : « Nous n’avons pas choisi les élèves avec les meilleures notes, car ils auront une place ailleurs2. » Vous avez bien lu : pour devenir enseignant, il faut s’efforcer de ne pas obtenir les meilleurs résultats. En tant que privilégiés capables d’embrasser d’autres carrières, les bons candidats occuperaient les places qui devraient naturellement revenir à de moins bons qu’eux…
Certaines épreuves ne visent aucunement à tester le niveau des candidats dans les disciplines qu’ils seront amenés à enseigner, mais bien leur maîtrise du jargon de pseudo-professionnels n’ayant pas vu un élève depuis bien longtemps. Les rapports du jury sont, à cet égard aussi, édifiants. On peut y lire par exemple :
– « ont été valorisées les copies qui évoquaient un prolongement de la séance par une production ou une action citoyenne au sein de l’école » (Nantes 2024) ;
– « pour développer la réflexion attendue dans la troisième partie, il est conseillé de développer sa culture littéraire et citoyenne, en lisant notamment des essais contemporains sur l’écologie, le vivre-ensemble, les problématiques familiales et sociales » (Grenoble 2024).
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Dans une épreuve de géographie (Bordeaux 2023), l’un des documents soumis à la sagacité des candidats se félicitait de la reconquête de l’espace urbain par les femmes. Il est extrait de l’ouvrage d’épistémologie Genre et construction de la géographie édité par la Maison des sciences de l’homme d’Aquitaine en 2013. Les candidats ne sont bien évidemment pas invités à discuter de la pertinence de ce choix…
Les livres de référence pour la préparation au concours contiennent de nombreuses pages consacrées à l’écologie. Les futurs candidats potassent la quantité de déchets produite par les Français, les modes de déplacement dans les écoquartiers et la définition de « corridors verts ». On s’assure ainsi qu’ils verdiront bien tous leurs cours et fassent de l’écologie une vertu cardinale.
Formation initiale : remplacer le savoir par des luttes sociales
Après avoir décroché le concours, notre futur professeur des écoles devra passer quelques mois sur les bancs d’un Inspé, officine universitaire communiquant bien souvent en écriture inclusive. On y trouve les désormais traditionnels séminaires de lutte contre les stéréotypes de genre ou la précarité menstruelle, et les actions contre le réchauffement climatique. Au lieu de permettre aux futurs professeurs de combler leurs lacunes, on les invite à organiser des expositions, anticiper les sorties scolaires et concevoir des « escape games » qu’ils proposeront à leurs classes autour de ces thématiques modernes.
La vacuité des formations proposées est noyée dans un jargon prétentieux. On peut lire par exemple sur le site de l’Inspé Paris : « En cohérence avec les compétences attendues du personnel éducatif et pédagogique, des psychologues de l’éducation nationale à se mobiliser et mobiliser les élèves contre les stéréotypes et les discriminations de tout ordre, à promouvoir l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, dès 2017, la direction de l’Inspé a nommé une référente Égalité, qui avait pour mission d’œuvrer à développer la culture de l’égalité, au travers des formations (initiale, continue), de manifestations (Journées d’études, table ronde…). » Vous n’avez rien compris ? Rassurez-vous : il manque même des verbes dans cette phrase !
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Et voici comment l’Inspé de Lille pense se rendre attractif : « Dans le cadre de sa politique d’innovation pédagogique, l’INSPÉ Lille-HdF propose un ensemble cohérent d’environnements capacitants, de tiers lieux à visées éducative et formative qui sont notamment inspirés par le mouvement Maker et les pédagogies par le faire. » On pense aux Femmes savantes et aux Précieuses ridicules, malheureusement pas de Molière à l’horizon.
La formation continue enfonce le clou
Le réseau Canopé est l’organisme d’État chargé de la formation continue des professeurs. Il a dispensé environ 250 000 formations en 2023.
La présentation publiée sur son site annonce la couleur : « Éducation à la transition écologique et sociale, intelligence artificielle, lutte contre le harcèlement, école inclusive, bien-être, valeurs de la République et laïcité, égalité filles-garçons et lutte contre les discriminations, éducation aux médias et à l’information… autant de thématiques abordées par Réseau Canopé dans des parcours de formation et des temps forts pédagogiques en lien avec l’actualité et les enjeux éducatifs contemporains tout au long de l’année. »
Là encore, l’accent est mis sur les lubies du moment – écologie, égalité, vivre-ensemble… – et non sur la connaissance. Un enseignant avide de se perfectionner a le choix entre éteindre son ordinateur et se rabattre sur une formation aux « émotions climatiques » ou « à la grande transition, question méta sociétale hyper vive3 ».

Canopé édite notamment le jeu Égalia, mission Stéréotypos dont voici la présentation : « L’égalité est de mesure sur Égalia tandis que la discrimination et le sexisme sont légion sur Stéréotypos. Le chef de Stéréotypos, Discriminator, a volé la Pierre de l’Égalité qui garantit l’harmonie sur Égalia afin d’y instaurer des lois et mœurs discriminantes ! Les joueurs prennent le rôle des rebelles et sont en mission sur Stéréotypos pour rétablir l’égalité sur Égalia. Ils résolvent de multiples énigmes autour des thèmes en lien avec l’égalité filles/garçons : stéréotypes de genre, histoire des droits des femmes, mixité des métiers, etc4. »
L’immense majorité des candidats, qui sont les professeurs de demain, souffre d’avoir à subir ce lavage de cerveau. Ils sont malheureusement nombreux à se laisser contaminer après quelques mois. Comment retrouver l’exigence et la liberté ?
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Imaginons un instant que l’argent public éhontément gaspillé dans ces instituts soit restitué aux premiers intéressés : les aspirants professeurs, à travers un bon formation. Ils choisiraient leur cursus, les ouvrages qui les intéressent et nous assisterions à l’émergence d’instituts privés et libres, concurrents. Les candidats passeraient ensuite un examen (et non un concours), leur permettant de s’inscrire sur des listes d’aptitude comme en Finlande, en Estonie, en Suisse… On ne leur ferait pas miroiter un poste de fonctionnaire à vie, mais la réalisation d’un rêve : être si bon enseignant que les écoles se disputeraient leur compétence et qu’ils rendraient leurs élèves heureux.

Il faut bien sûr revoir en profondeur les attendus de cet examen en fonction de programmes scolaires rénovés et allégés. Ce n’est qu’en posant très clairement les objectifs à atteindre par les élèves qu’on pourra déterminer les connaissances et compétences que leurs enseignants doivent acquérir. On sait ce qui marche à l’école primaire, il faut revenir à des programmes centrés sur l’essentiel (savoir lire, écrire, compter, connaître l’histoire, la géographie et acquérir les bases du raisonnement scientifique), ne pas en changer tous les deux ans et réinstaurer un examen de fin de CM2 ou de 6e permettant ensuite d’orienter les élèves.
L’enseignement secondaire pourrait ensuite proposer des filières d’excellence, classiques, dont les professeurs seraient recrutés sur leur maîtrise de la discipline enseignée, leur niveau culturel et leur capacité à ne pas faire état de leurs opinions politiques en classe.
Il faut aussi, bien sûr, remettre en place des filières professionnelles dignes de ce nom et former des professionnels à l’enseignement et non l’inverse.
Ce n’est qu’en libérant les professeurs de l’idéologie que nos élèves renoueront avec la réussite.
- On notera au passage que ces rapports eux-mêmes comportent des fautes (« automatisée », au lieu de « automatique »). Ce qui signifie que la baisse du niveau atteint non seulement les professeurs, mais aussi ceux qui les jugent.
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- « Des nouveaux parcours pour devenir professeur ouvrent à la rentrée 2022 », letudiant.fr, 19 janvier 2022.
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- 3 « La transition écologique est-elle une question socialement vive ? », canotech.fr
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- « Egalia : mission Stéréotypos », escape game pédagogique, réseau-canopée.fr
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