«Donald Trump est dans une logique transactionnelle permanente»
Michael Shurkin est Américain, expert auprès du think tank Atlantic Council. Il est spécialisé dans les questions militaires et diplomatiques, notamment en Afrique et au Proche-Orient. Il répond ici à nos questions sur les premiers pas de l’administration Trump en Europe et au Moyen-Orient... L’article «Donald Trump est dans une logique transactionnelle permanente» est apparu en premier sur Causeur.

Michael Shurkin est Américain, expert auprès du think tank Atlantic Council. Il est spécialisé dans les questions militaires et diplomatiques, notamment en Afrique et au Proche-Orient. Il répond ici à nos questions sur les premiers pas de l’administration Trump en Europe et au Moyen-Orient.
Causeur. Les premières semaines de la présidence Trump ont été rudes pour les relations entre le vieux continent et l’Amérique. Certains Européens voient dans les tractations de Donald Trump et ses déclarations, la volonté de soumettre l’Europe à un nouveau Yalta en laissant la Russie postsoviétique libre de nous menacer. L’Amérique voit-elle en l’Europe une puissance molle mais néanmoins menaçante pour ses intérêts commerciaux ?

Michael Shurkin. Aucune idée. Donald Trump sème le chaos. Je ne sais pas comment, après quatre ans à ce régime, les États-Unis s’en sortiront. Donald Trump a une logique transactionnelle. C’est ainsi qu’il comprend les échanges entre États. Cela vient de sa profession, de ses expériences de vie. Il fut d’abord un promoteur immobilier. Le choix pour les Européens sera assez binaire. Soit aborder les relations transatlantiques comme relevant d’enjeux strictement commerciaux, soit faire le dos rond. Dans la deuxième hypothèse, l’Europe devra trouver les ressources et les moyens pour affirmer sa singularité et son autonomie.
Croyez-vous en les capacités françaises et européennes de résistance aux prédations de l’administration Trump et aux menaces militaires russes ?
L’Europe se trouve dans une situation analogue à celle de la fin des années 1930, lorsqu’elle avait le choix de répondre fermement à Hitler, mais qu’elle n’a pas su le faire. La Grande-Bretagne et la France ont alors surtout manqué de courage. Ces deux nations avaient les moyens militaires, diplomatiques et économiques de répondre à la menace. Mais l’apparition de l’URSS et du nazisme, associées aux souvenirs des terribles épreuves de la Première Guerre mondiale, ont entravé leurs capacités de décision et d’action. Aujourd’hui, les Européens doivent trouver en eux la force de s’unir et de faire preuve de la détermination qui leur a fait défaut dans les années 1930. En effet, l’Europe a tout à fait les moyens de résister. Elle en a les ressources. C’est juste une question de volonté. La France a d’ailleurs un rôle moteur à jouer.
À lire aussi : Comment je me suis trompé sur Donald Trump…
Comment expliquez-vous les attaques constantes de Donald Trump contre des alliés (Canada, Danemark, etc) depuis sa prise de fonction ?
Je pense que nombre de ses partisans apprécient le spectacle et la posture machiste de Donald Trump. Ce dernier doit, de son côté, évaluer que le risque pris est très faible que compte tenu du « hard power » limité desdits alliés en question. Le Canada et le Danemark sont pour lui faibles et font des cibles faciles. Les courants qui s’agitent au sein de MAGA sont nombreux. Je crois que l’influence de ces différents personnages, y compris d’Elon Musk, dépendra des capacités de chacun à rester dans le premier cercle de courtisans du « big boss » Donald Trump. Son instinct est celui d’un tribun de la plèbe, il aime jouer avec la foule et s’en faire apprécier. Il aime avoir le plus de « likes » possibles sur les réseaux sociaux. Cela ne m’évoque pas réellement le Kremlin, la meilleure comparaison possible serait avec les usages qui étaient en pratique à la cour du roi soleil à Versailles.
Concernant le conflit à Gaza, qu’avez-vous pensé des premiers actes de l’administration Trump ? Peut-on s’attendre à une relance des accords d’Abraham ?
J’espère que les déclarations outrancières de Donald Trump concernant Gaza auront pour effet de mobiliser les États arabes, et, idéalement, les Palestiniens eux-mêmes, afin qu’ils proposent des alternatives viables. Actuellement, il n’y a pas de solution crédible, et sans les menaces de Trump, je doute que quiconque en propose. Maintenant, peut-être que l’Égypte, la Jordanie, l’Arabie saoudite, etc. pourraient se sentir obligés de proposer quelque chose, n’importe quoi.
Il y a déjà des indices en ce sens. Le problème est que nous sommes encore loin de solutions viables, et que l’idée de déportations massives semble de moins en moins illusoire et délirante. Tout l’épisode Bibas et les bribes d’informations que les anciens otages partagent contribuent largement à diminuer l’empathie et la compassion. Malheureusement, je soupçonne que ce soit l’objectif du Hamas.
L’article «Donald Trump est dans une logique transactionnelle permanente» est apparu en premier sur Causeur.