Consommation de Xanax, Valium, Rohypnol et autres benzodiazépines à des fins récréatives : quels sont les risques ?

Perte de mémoire, dépendance, voire une dépression respiratoire pouvant entraîner la mort dans les cas extrêmes… les risques liés aux usages détournés de benzodiazépines sont sérieux.

Mar 4, 2025 - 13:52
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Consommation de Xanax, Valium, Rohypnol et autres benzodiazépines à des fins récréatives : quels sont les risques ?
Les benzodiazépines sont principalement consommées sous forme de comprimés, de gélules ou de gouttes. D’autres modes de consommation peuvent être observés (sous la langue, en auto-injection, etc.) quand elles sont détournées de leur usage initial comme médicaments. DraganaGordic/Shutterstock

Perte de mémoire, dépendance, voire même une dépression respiratoire pouvant entraîner la mort dans des cas extrêmes… les risques liés aux usages détournés de médicaments de la famille des benzodiazépines, notamment chez les jeunes, sont sérieux.


Des retours ponctuels de certains professionnels ont suscité des inquiétudes quant à l’utilisation par des jeunes de benzodiazépines délivrées sur ordonnance, comme le Xanax, à des fins récréatives.

En Australie, les détections de ces substances par la police des frontières ont presque doublé au cours des cinq dernières années.


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Pourquoi les jeunes les consomment-ils ? Et en quoi les effets indésirables de ces médicaments diffèrent-ils de ceux relevés quand ils sont prescrits par un médecin ?


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C’est quoi les benzodiazépines ?

Vous connaissez peut-être cette large classe de médicaments par leurs noms commerciaux. Le Valium (diazépam), le Xanax (alprazolam), le Normison (témazépam) et le Rohypnol (flunitrazépam) n’en sont que quelques exemples. Ils sont parfois appelés « tranquillisants mineurs » ou, plus familièrement, « benzos ».

Ils augmentent l’activité du neurotransmetteur, l’acide gamma-aminobutyrique (Gaba). Le Gaba réduit l’activité cérébrale, en produisant des sensations de relaxation et de sédation.

Les effets secondaires indésirables incluent de la somnolence, des vertiges et des problèmes de coordination.

Les benzodiazépines étaient autrefois largement prescrites pour le traitement à long terme de l’anxiété et de l’insomnie. Elles sont encore prescrites pour ces affections, mais moins fréquemment et sont également parfois utilisées dans le cadre du traitement du cancer, de l’épilepsie et du sevrage alcoolique.

Leur utilisation à long terme peut entraîner une tolérance : cela se produit quand l’effet s’estompe avec le temps. Vous devez alors en consommer davantage pour obtenir le même effet. Cela peut conduire à une dépendance : elle survient quand votre corps devient dépendant au médicament. Le risque de dépendance est très élevé avec ces médicaments.

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Quand vous arrêtez de prendre des benzodiazépines, vous pouvez ressentir des symptômes de sevrage. Pour les personnes dépendantes, le sevrage peut être long et difficile et durer plusieurs mois, voire davantage.

C’est pourquoi les benzodiazépines ne sont plus recommandées que pour quelques semaines au maximum, dans des conditions spécifiques et pour une courte durée.

Comment s’en procurer ? Et que ressent-on ?

Les benzodiazépines utilisées hors du cadre médical sont généralement détournées de leur usage initial à partir de prescriptions légitimes, ou bien elles sont achetées sur des marchés de drogues illicites, y compris en ligne.

Certaines benzodiazépines obtenues illégalement ressemblent à des médicaments sur ordonnance mais sont des pilules contrefaites qui peuvent contenir du fentanyl ou des nitazènes (deux opioïdes de synthèse), ou encore d’autres substances puissantes qui peuvent augmenter considérablement le risque d’overdose accidentelle et de décès.


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Quand elles sont utilisées à des fins récréatives, les benzodiazépines sont généralement prises à des doses plus élevées que celles qui sont généralement prescrites, ce qui accroît encore les risques.


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L’effet que les jeunes recherchent en consommant ces drogues est une sensation de relaxation profonde, de réduction de l’inhibition, d’euphorie et de détachement par rapport à l’environnement.

D’autres les utilisent pour améliorer leurs expériences sociales ou pour gérer la « descente » après la prise de drogues stimulantes comme le MDMA (type ecstasy).


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Ces niveaux de consommation comportent des risques, notamment de pertes de mémoire, une altération du discernement et des comportements à risques, comme des rapports sexuels avec prise de risque ou bien dans la conduite d’un véhicule.

Quand elles sont sous l’emprise de doses élevées de benzodiazépines, certaines personnes déclarent faire des choses qu’elles ne feraient pas normalement. Des crimes ont été commis mais leurs auteurs ne s’en souviennent pas.


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Quand les benzodiazépines sont prises à des doses plus élevées ou combinées à d’autres médicaments dépresseurs tels que l’alcool ou les opioïdes, elles peuvent également provoquer une dépression respiratoire, ce qui empêche les poumons de recevoir suffisamment d’oxygène. Dans les cas extrêmes, cela peut entraîner une perte de conscience voire la mort.

La consommation à des doses élevées augmente également le risque de tolérance et de dépendance.

L’usage récréatif est-il en augmentation ?

Les données dont nous disposons sur la consommation de benzodiazépines hors prescription médicale chez les jeunes sont fragmentaires et difficiles à interpréter.

Selon la National Drug Strategy Household Survey 2022-23, enquête nationale menée en Australie auprès des ménages, fournit des estimations sur la consommation de drogues dans ce pays : environ 0,5 % des jeunes de 14 à 17 ans et 3 % des jeunes de 18 à 24 ans ont consommé une benzodiazépine à des fins non médicales au moins une fois au cours de l’année écoulée.Selon l’enquête Australian Secondary Schools Survey 2022-23 : 11 % des élèves du secondaire interrogés ont consommé des benzodiazépines au cours de l’année écoulée.

Cependant, ils notent que ce chiffre peut inclure une proportion importante d’étudiants à qui l’on a prescrit des benzodiazépines, mais qui ont déclaré par inadvertance les utiliser à des fins récréatives.

Dans les deux enquêtes, la consommation est restée relativement stable au cours des deux dernières décennies. Seul un faible pourcentage de jeunes a donc consommé des benzodiazépines sans disposer d’une ordonnance et ce pourcentage ne semble pas augmenter de manière significative.

Les retours sur l’augmentation de la consommation de benzodiazépines chez les jeunes à des fins récréatives pourraient simplement refléter le fait que les jeunes sont plus à l’aise pour parler des drogues et de leurs problèmes avec la drogue, ce qui est positif.

En France, selon l’enquête Oppidum sur la consommation de substances psychoactives auprès de patients des structures d’addictologie, les benzodiazépines représentaient 20 % des consommations en 2021.

Comment réduire les risques ?

Pour réduire les risques, y compris de dépendance, les benzodiazépines prescrites doivent être utilisées pendant la durée la plus courte possible et à la dose efficace la plus faible.

Les benzodiazépines ne doivent pas être prises avec d’autres médicaments sans en parler au préalable à un médecin ou à un pharmacien.

Vous ne devez pas non plus boire d’alcool ou prendre des drogues illicites en même temps quand vous consommez des benzodiazépines.

Une personne sort des comprimés de Xanax de leur emballage
Les benzodiazépines ne doivent pas être prises en même temps que d’autres médicaments, sans demander au préalable l’accord de votre médecin ou de votre pharmacien. Cloudy Design/Shutterstock

Les benzodiazépines contrefaites sont de plus en plus souvent détectées. Elles sont plus dangereuses que les benzodiazépines pharmaceutiques parce qu’il n’y a pas de contrôle de qualité et qu’elles peuvent contenir des substances dangereuses inattendues.

Des personnes consomment des benzodiazépines sans prescriptions médicales pour gérer eux-mêmes du stress, de l’anxiété ou de l’insomnie, qui peuvent cacher une maladie sous-jacente plus sérieuse. Les thérapies psychologiques telles que la thérapie cognitivo-comportementale, y compris les approches basées sur la pleine conscience, sont très efficaces pour traiter ces symptômes et constituent des solutions à long terme plus efficaces.

Modifier son mode de vie – notamment, faire davantage d’activité physique, améliorer son alimentation et bien dormir – peuvent également se révéler bénéfiques.


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Il existe aussi d’autres médicaments qui présentent un risque de dépendance beaucoup plus faible et qui peuvent être utilisés pour traiter l’anxiété et l’insomnie.


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Si vous-même ou certains de vos proches consommez des benzodiazépines détournées de leur usage initial, vous pouvez solliciter Drogues Info Service (7j/7 au 0 800 23 13 13, appel anonyme et gratuit, ou sur son site Internet).

Vous pouvez également vous adresser à votre médecin généraliste.

Enfin, vous pouvez consulter les ressources de l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV) si vous souffrez de problèmes de sommeil.The Conversation

Nicole Lee est consultante en recherches sur l'alcool et les autres drogues. Elle a déjà reçu des subventions des gouvernements fédéraux et de l'état australien, du National Health and Medical Research Council et d'autres organismes publics de financement de la recherche sur l'alcool et les autres drogues en Australie. Elle est membre du conseil d'administration de The Loop Australia qui gère les services de contrôle des drogues du Queensland et du Victoria.

Suzanne Nielsen est financée par le Conseil national australien de la santé et de la recherche médicale du gouvernement du Commonwealth. Elle est présidente élue de l'Australasian Professional Society on Alcohol and other Drugs (APSAD), la principale organisation multidisciplinaire d'Australasie pour les professionnels impliqués dans le domaine des drogues et de l'alcool.