Comment Lululemon a réussi sa contre-attaque face à un bad buzz (Spoil : ce n’est pas facile)

De nombreuses entreprises l’ont expérimenté : une parole de travers, les réseaux s’enflamment et l’image de la marque peut être atteinte. Bonne nouvelle : ces dégâts peuvent être réparés.

Mar 3, 2025 - 13:08
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Comment Lululemon a réussi sa contre-attaque face à un bad buzz (Spoil : ce n’est pas facile)

De nombreuses entreprises l'ont expérimenté : une parole de travers, les réseaux s’enflamment et l’image de la marque peut être atteinte. Bonne nouvelle : ces dégâts peuvent être réparés.


Dans un monde où l’information circule à la vitesse de la lumière, une déclaration peut suffire à déclencher un bad buzz. Cette expression désigne une réaction négative et virale à une action, une déclaration ou une campagne menée par une marque, une organisation ou une personnalité publique. Amplifié par les réseaux sociaux et les médias, le bad buzz peut gravement nuire à la réputation d’une entreprise, parfois en quelques heures.

Il est notamment provoqué par une incohérence entre les valeurs affichées et les actes ou propos perçus par le public, ou encore par une maladresse dans la communication. Ainsi, en 2023, la marque de vêtements Levi’s a annoncé son intention d'utiliser l'intelligence artificielle pour générer des mannequins virtuels représentant diverses morphologies, dans un effort d'inclusivité. Cependant, cette démarche a été critiquée pour exclure les mannequins et photographes réels, soulevant des questions sur l’authenticité de l'inclusivité promue.

Une telle crise d'image est aussi ce qui est arrivé à Lululemon, célèbre marque de vêtements de yoga, lorsqu’en 2013, les déclarations de Chip Wilson, son fondateur, ont suscité une controverse massive. Ce cas met en lumière les risques liés à l’image publique des dirigeants. Ce bad buzz souligne aussi l’importance d’une gestion de crise efficace pour préserver la réputation de la marque.

Un problème de morphologie ? Vraiment ?

En 2013, Chip Wilson, fondateur de Lululemon, fait une remarque qui fera exploser la toile. Lors d’une interview, il attribue les problèmes de transparence et d’usure de certains leggings à des morphologies jugées incompatibles avec le produit, déclarant que ces vêtements « ne conviennent tout simplement pas à toutes les silhouettes »

Cette déclaration est rapidement perçue comme grossophobe et en totale contradiction avec les valeurs de bien-être et d’inclusivité que la marque prétend incarner. Les réseaux sociaux s'en emparent et s’enflamment… Les appels au boycott se multiplient, et les critiques envahissent la presse.

Un symbole d'exclusion

Lululemon voit son image gravement ternie. La marque, auparavant synonyme de « valeurs positives » et de communauté, devient un symbole d’exclusion pour de nombreux consommateurs. La confiance des clients vacille, les ventes ralentissent, et les investisseurs expriment leurs préoccupations.

Les critiques ne se limitent pas au public. L’écho médiatique est tel que la pression monte au sein de l’entreprise, et Chip Wilson est contraint de démissionner de son poste de président en 2013. Il devra ensuite quitter le conseil d'administration en 2015, cessant toute activité opérationnelle. Bien qu'il ne soit plus impliqué dans la gestion quotidienne, il reste un actionnaire important de Lululemon, détenant environ 8,4 % des actions de la société.

Face à l’ampleur du scandale, Lululemon doit réagir rapidement, mais les premières tentatives furent maladroites. Par exemple, dans une vidéo publiée sur YouTube, Chip Wilson présente des excuses… adressées aux employés, et non aux clientes directement concernées. Cette omission aggrave encore la crise. Endiguer un bad buzz, ça ne s'improvise pas.

Restaurer la réputation

Pour tourner la page, Lululemon décide de prendre ses distances progressivement de son fondateur. Wilson quitte définitivement le conseil d’administration en 2015, et la marque entreprend une série d’initiatives pour restaurer sa réputation. Cela passe par :

  • une refonte de l’image de marque, avec notamment des campagnes publicitaires pour valoriser la diversité des morphologies ;
  • le lancement d’IDEA (Inclusion, diversité, équité et action)., un programme inclusif ;
  • une nouvelle gamme de produits : introduction de tailles plus inclusives ;
  • des initiatives locales, avec l'organisation d’événements communautaires pour recréer un lien de confiance avec les consommateurs.

Lululemon a ainsi mis en place un comité des relations avec les clients, soutenu par des cadres dirigeants, visant à renforcer l'inclusivité dans les magasins et en ligne. Cette initiative assure que chaque client se sente accueilli et valorisé lors de ses interactions avec la marque.


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Trois leçons clés

En 2023, Lululemon a été reconnue comme l'un des « meilleurs lieux de travail pour l'inclusion des personnes en situation de handicap », obtenant un score parfait de 100 au Disability Equality Index.

Le cas de Lululemon illustre selon nous trois leçons clés en matières de gestion de crise d'image :

  • La cohérence entre les valeurs affichées et les pratiques réelles est essentielle. Si toute contradiction peut fragiliser l’image de marque, la transparence et la capacité à évoluer restent des leviers puissants pour rétablir la confiance. Le programme IDEA a notamment permis d’améliorer l’expérience des employés issus de divers horizons et d’intégrer une représentation plus inclusive dans ses campagnes marketing. Cette évolution montre que, malgré des erreurs passées, une marque peut retrouver la confiance des consommateurs en démontrant sa volonté d’apprendre et de progresser.

  • La gestion proactive des risques et la préparation des équipes contribuent à atténuer l’impact des crises et de préserver l’image de marque. Suite à ce « bad buzz », Lululemon a renforcé sa communication interne et externe en sensibilisant ses équipes aux enjeux de diversité et d’inclusion. Ainsi, des guides IDEA ont été écrits et plébiscités pour aider les employés à intégrer les principes d'inclusion dans leurs rôles quotidiens.

  • Une crise bien gérée peut devenir un moteur de transformation et d’innovation. En démontrant sa capacité à écouter, apprendre et évoluer, une marque peut sortir renforcée d’un bad buzz, en réaffirmant ses engagements et en consolidant la confiance de ses parties prenantes. La transformation de Lululemon s’est traduite par des résultats concrets  : une meilleure représentation des diversités, une expérience client plus inclusive et une reconnaissance accrue de la marque en tant qu’employeur engagé. Grâce à ces actions, la marque a non seulement restauré sa réputation, mais aussi renforcé la fidélité de sa clientèle et attiré de nouveaux consommateurs sensibles aux enjeux sociaux.

Anticiper toujours

Le cas de Lululemon illustre ainsi la puissance des réseaux sociaux et la volatilité de la réputation des marques à l’ère du digital. Chaque mot compte, chaque faux pas est amplifié, mais chaque crise est aussi une opportunité de renouveau.

Pour survivre et prospérer, les marques doivent non seulement éviter les erreurs, mais aussi démontrer leur capacité à apprendre, à évoluer et à se reconnecter avec des valeurs profondes.The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.