Un Africain sur le trône de Saint-Pierre?
Dans la lumière d’un conclave qui s’annonce décisif, le souffle de l’Esprit pourrait bien porter les regards vers l’Afrique. Là où la foi croît avec force, des pasteurs humbles et ardents pourraient incarner le visage renouvelé de l’Église universelle... L’article Un Africain sur le trône de Saint-Pierre? est apparu en premier sur Causeur.

Dans la lumière d’un conclave qui s’annonce décisif, le souffle de l’Esprit pourrait bien porter les regards vers l’Afrique. Là où la foi croît avec force, des pasteurs humbles et ardents pourraient incarner le visage renouvelé de l’Église universelle.
Le 21 avril 2025, l’annonce du décès du pape François, à l’âge de 88 ans, a plongé le monde catholique dans une profonde émotion. Douze ans après avoir succédé au pape Benoît XVI, Jorge Mario Bergoglio — premier pontife sud-américain — laisse derrière lui un pontificat marqué par un certain progressisme, qui aura suscité autant d’admiration que de débats. Salué unanimement comme « un homme de paix et de justice », il a été honoré par de nombreux chefs d’État et responsables religieux à travers le monde.
L’Afrique, pierre angulaire du catholicisme
Alors que près de 140 cardinaux se préparent à entrer en conclave à huis clos pour élire son successeur, une question anime les fidèles et les observateurs : et si le prochain pape venait d’Afrique ? À un moment où le christianisme connaît un essor spectaculaire sur ce continent, cette hypothèse ne relève plus du seul fantasme.
Jusqu’à présent, l’histoire de la papauté est restée largement européenne, bien que l’on compte, entre le IIe et le Ve siècle, trois papes d’origine berbère venus d’Afrique du Nord. L’Afrique chrétienne a ensuite été freinée dans son expansion par diverses invasions et conflits, et ce n’est qu’à partir du XIXe siècle — dans le contexte de la colonisation — que le continent a connu une nouvelle vague de christianisation.
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L’Afrique représente aujourd’hui environ 20% de la population catholique mondiale, un chiffre en constante progression. Le christianisme y est devenu la première religion, devant l’islam et les religions traditionnelles. Cette vitalité spirituelle n’a pas échappé au pape François, qui a significativement renforcé la présence africaine au sein du collège cardinalice. Durant son pontificat, le nombre de cardinaux africains a presque doublé.
Le pape François a eu pleinement conscience de ce dynamisme africain. Il s’est rendu à plusieurs reprises sur le continent (une dizaine de déplacements), insistant sur l’importance de la mission et favorisant l’envoi de prêtres africains vers les diocèses européens en manque de vocations. Son dernier voyage apostolique, en 2023, l’a conduit à Kinshasa, où il fut accueilli avec ferveur par les anciens Zaïrois. Le président nigérian Ahmed Bola Tinubu a même salué « une voix puissante pour les sans-voix », témoignant ainsi de la popularité dont jouissait François en Afrique.
Des africains papabil, réalité ou fantasme ?
Trois figures africaines émergent aujourd’hui parmi les papabili : le cardinal guinéen Robert Sarah, l’archevêque de Kinshasa Fridolin Ambongo, et le cardinal ghanéen Peter Appiah Turkson. Chacun incarne une sensibilité particulière au sein de l’Église.
Le cardinal Sarah est une figure majeure du courant conservateur. Partisan du retour de la liturgie en latin, opposé à l’ordination des femmes, aux théories du genre, aux évolutions doctrinales promues par le Pape François, notamment le volet sur l’homosexualité (qu’il compare à l’idéologie nazie), il défend une vision rigoureuse et traditionaliste de l’Église. S’il jouit d’une influence internationale, notamment en Europe où une frange minoritaire des chrétiens le plébiscite sur les réseaux sociaux, dans une partie de la presse (il a fait la couverture de Paris Match en 2022), son âge avancé (80 ans) et ses positions tranchées pourraient constituer un frein pour ce conclave. Ses chances d’être élu apparaissent dès lors comme minimes.
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Le cardinal Ambongo (65 ans), quant à lui, représente une voix plus modérée. S’il partage certaines réserves vis-à-vis de réformes récentes — notamment la déclaration Fiducia Supplicans sur la bénédiction des couples de même sexe —, ce médiateur reste perçu comme un héritier fidèle de l’approche pastorale du pape François. Enfin, le cardinal Turkson (76 ans), ancien archevêque de Cape Coast et proche collaborateur du pape défunt, s’est illustré par son engagement sur les questions sociales et environnementales. Il apparaît comme un candidat de compromis, capable de rassembler les différentes tendances de la Curie, Le mensuel Jeune Afrique le décrit d’ailleurs comme « une troisième voie capable de réconcilier les clans du Vatican ».
Pourtant, malgré ces candidatures prometteuses, la perspective d’un pape africain demeure incertaine. Interrogé par la BBC, le père Stan Chu Ilo, professeur associé à l’université DePaul, rappelle qu’« aucun membre du clergé africain n’occupe aujourd’hui de poste influent au Vatican », ce qui réduit leurs chances. Selon lui, les cardinaux réagiront par pragmatisme et privilégieront probablement une personnalité déjà bien établie à Rome, au détriment d’un profil émergent venu d’Afrique.
Mais rien n’est jamais écrit d’avance dans un conclave. Les premiers tours de scrutin peuvent réserver bien des surprises. Ne dit-on pas que « les voies du Seigneur sont impénétrables » ?
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