Thé glacial à la Maison-Blanche

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Mar 1, 2025 - 20:32
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Thé glacial à la Maison-Blanche

Lors d’une rencontre tendue vendredi au bureau ovale, MM. Trump et Vance ont tenté de soumettre le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Un traquenard dénoncé par les chancelleries occidentales


Se référant à la tradition diplomatique la plus constante, on se plairait à croire que le célèbre bureau ovale de la Maison-Blanche est le lieu par excellence où on s’emploierait à arrondir les angles. Voilà donc une idée reçue qui aura fait long feu, tant il est vrai qu’avec l’hôte actuel de l’endroit rien ne se passe comme prévu.

M. Zelensky, le président ukrainien, n’était pas venu là pour prendre le thé, bien que l’heure s’y prêtât, mais pour parler de négociations de paix, d’arrangements en vue d’un éventuel cessez-le-feu. 

En fait, trente-six heures plus tôt, le président Trump voulait annuler la rencontre. Il en aurait été dissuadé par le président français, Emmanuel Macron, qui, au téléphone, à force d’insister, aurait réussi à le persuader de maintenir le rendez-vous. Sans verser dans une psychologie bas de gamme, on peut donc se dire que ce n’était pas dans l’enthousiasme ni submergé d’un total esprit de bienveillance que le numéro 1 américain ouvrait les portes de son bureau présidentiel. 

On avait pris place dans des fauteuils comme pour faire salon et dans les premiers moments on put croire que tout se passerait selon les convenances diplomatiques et protocolaires en usage. 

Mais soudain, voilà que ce qui fâche remonte à la surface ! Et ce qui aurait dû être débattu, liquidé en coulisses se trouve déballé devant les caméras. L’Ukrainien veut plus de soutien, plus d’aides, plus d’appui et l’Américain attend quant à lui plus de mercis, de reconnaissance, de manifestation d’allégeance, peut-être aussi. L’un s’inscrit dans la continuité de sa guerre de libération, l’autre dans l’après, dans l’amorce d’une paix fabriquée à sa main, bien dans sa manière de milliardaire made in USA. La paix par le business. C’est sa logique, il y revient toujours. 

À l’issue de la rencontre, un accord devait être signé portant notamment sur l’exploitation de ce qu’on appelle les terres rares : le manganèse, le titane, le graphite et notamment le lithium dont l’Ukraine détiendrait la plus grande ressource en Europe. Gisements non encore exploités, ce qui supposerait des investissements colossaux, d’où l’avantage qu’il y aurait à faire entrer l’Oncle Sam et ses montagnes de dollars dans la boucle. Pour Trump, l’intérêt est double : se rembourser des milliards d’aide apportés à l’Ukraine dans la guerre, et s’offrir un réel pactole d’avenir. En échange, il apporterait la sécurité aux Ukrainiens. Une sécurité qu’il qualifie d’automatique (sic) puisqu’elle serait garantie par le simple fait que des personnels, des travailleurs, des ingénieurs américains seraient amenés à travailler sur le sol ukrainien. En gros – en très gros – son message est le suivant : « Vous arrêtez les grosses bêtises (la guerre) et nous autres, toi, Volodymyr et moi, on se fait du gros pognon, du très gros pognon. De quoi troquer ta tenue paramilitaire qui me met les nerfs pour le costume trois pièces façon Wall Street. »

Tel était – encore une fois à très gros traits – l’objet initial de la rencontre. Elle a tourné vinaigre. C’est certain. Est-ce si grave ? Les conséquences seront-elles si dommageables ? Combien de fois n’avons-nous pas pu constater, dans la vie privée comme dans la vie publique, que purger une bonne fois le ressentiment permettait au fond, à terme, de faire avancer les choses ? Le fait est qu’on ne peut en rester là. Il faut donc bouger. Trump est un businessman. Zelensky un animal politique. Or chez Picsou comme chez Machiavel, tout s’efface devant le pragmatisme, l’obsession du résultat. Tout, la morale, les blessures d’ego, la vérité, le mensonge. Tout. On peut parier que c’est ce qui prévaudra ici encore.

Il reste toutefois à espérer que ce ne soit pas sur le dos du peuple ukrainien que s’écrive la suite de ce moment « de bonne télévision » comme Trump lui-même s’est plu à minimiser l’incident. Et si l’Europe a un rôle à jouer dans cette affaire, c’est bien d’y veiller, de se montrer vigilante et intransigeante dans la défense de ce peuple héroïque, meurtri et de ses intérêts.

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