Savez-vous d’où vient l’appellation “Île-de-France” ?

C’est un grand débat qui fête cette année ses 10 ans : adoptée en 2015, la réforme territoriale visant à réduire le “mille-feuille” administratif avait vu la France passer à “seulement” 13 régions françaises. Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Grand-Est, Hauts-de-France, Nouvelle Aquitaine, Occitanie et Normandie venaient s’ajouter à la Corse, PACA, Pays de la Loire, Bretagne et, bien entendu, l’Île-de-France. L’occasion de se demander pourquoi cette dernière, regroupant Paris et ses départements périphériques, répondait à ce nom assez étonnant… 

Une région à l’histoire millénaire et mouvementée

Si l’Île-de-France ne fut pas réellement considérée comme une province par le passé, son destin étant lié à celui de Paris ou du royaume de France dans son ensemble, des textes anciens révèlent pourtant qu’elle était considérée comme une région spécifique dès le XIIe siècle. Ses frontières étant même proches de celles de la région administrative actuelle. Mais dans les faits, son histoire commence bien avant. Des sites en Seine-et-Marne ou dans l’Essonne attestent que le territoire est sillonné par des chasseurs nomades dès la fin du paléolithique, vers 13 000 avant J.-C. Ces derniers se sédentarisent sur les bords de Seine au Ve millénaire, développent l’agriculture et érigent même de mystérieux menhirs et dolmens en Brie.Vient ensuite l’occupation romaine, dès -52 av. J.-C., qui marque un début de prospérité avec la construction de routes, la pratique du commerce fluvial sur la Seine, sans oublier l’évangélisation de la région. Si la prospérité est également de mise au temps des Mérovingiens et Capétiens, une période sombre s’amorce au XIVe siècle, avec la Guerre de Cent Ans mais aussi des épisodes de grandes pestes. Du temps de l’Ancien Régime et de la Révolution, Paris reste la capitale administrative, mais c’est en réalité à Versailles que tout se passe. Ce n’est qu’au XIXe siècle que “l’Île-de-France” connaît son premier tournant : la région est divisée en trois unités administratives que sont les départements de la Seine (correspondant à Paris et sa périphérie), de la Seine-et-Marne et de la Seine-et-Oise. En pleine Révolution industrielle, l’installation d’usines en périphérie de Paris et le développement du chemin de fer entraînent la formation de banlieues ouvrières où convergent les Franciliens.

Un territoire qui pouvait autrefois s’apparenter à une île

Cette périphérie qui entoure Paris est divisée en 8 départements par la loi du 10 juillet 1964 : la ville de Paris devient un département à part entière, le département de Seine est scindé en départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, tandis que le département de Seine-et-Oise est scindé en départements des Yvelines, du Val-d’Oise et de l’Essonne. Quant à la région parisienne dans son ensemble, c’est officiellement en 1976, au moment de la création de la région dans le cadre de la décentralisation, que celle que l’on appelait jusque-là “région parisienne” devient l’Île-de-France. Un changement qui a suscité de nombreuses questions, controverses et même un débat houleux à l’Assemblée nationale. Un nom qui a de quoi étonner les plus pointilleux, notamment sur le fait… qu’il n’y a pas d’île. Parmi les explications avancées pour ce choix, il en est une qui se justifierait par le fait qu’autour de Paris coulent plusieurs fleuves et rivières. Entre la Seine, l’Oise, la Marne, l’Ourcq, l’Aisne et quelques autres, tout ce territoire prendrait en effet une allure d’île, ou du moins d’archipel. C’est en tout cas ce que l’on pensait au Moyen Âge, allant même jusqu’à désigner la région comme une île peuplée de Francs, soit les premiers conquérants de la région après les Romains. En effet dès 1387, “l’isle-de-France” est mentionnée sous la plume du chroniqueur et érudit Jean Froissart. Elle désigne alors un espace encore plus vaste que celui que nous connaissons aujourd’hui, étendu jusqu’au sud de la Picardie. Par la suite le nom est resté et aurait autant servi à désigner ce territoire qu’à nommer diverses formes d’entités juridiques jusqu’à la Révolution : gouvernement de l’Isle-de-France, généralité d’Isle-de-France sous l’ancien régime etc.

La symbolique d’une “île au cœur du pays de France”

Aussi curieux que cela puisse paraître, les parlementaires n’auraient fait que remettre au goût du jour une dénomination vieille de plusieurs siècles. Toutefois, on peut également rétorquer à cela que le terme viendrait plutôt d’une altération linguistique de l’expression franque “Liddle Franke”, signifiant “Petite France” ou la terre des Francs. Et c’est donc au fil du temps que le “Liddle Franke” se serait transformé en Île-de-France. Dernière hypothèse parmi les plus avancées : une référence politique. Celle-ci proviendrait d’une époque lointaine où Paris et ses alentours concentraient le pouvoir royal, ainsi liés cependant dans un pays formé de comtés, duchés et autres entités plus ou moins autonomes. De fait, Paris serait alors perçue comme une île “au cœur du pays de France”. Autre problématique : comment nommer les habitants de l’Île-de-France ? Une question qui sera définitivement réglée en 1983, avec le terme de “franciliens”. Une trouvaille à mettre au crédit du président de la région de l’époque, Michel Giraud. Résultat d’un jeu entre élus pour trouver un nom aux habitants, le nom est définitivement adopté par l’Académie Française en 1986.                                       

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Image à la une : Île-de-France © Adobe Stock