Reconnaitre aujourd’hui «l’État palestinien» est au moins une grave erreur, au pire une ignominie
Paix au Proche-Orient : la France fait diplomatiquement fausse route. Sur les 193 pays membres de l’ONU, 146 reconnaissent déjà officiellement l’État palestinien... L’article Reconnaitre aujourd’hui «l’État palestinien» est au moins une grave erreur, au pire une ignominie est apparu en premier sur Causeur.

Paix au Proche-Orient : la France fait diplomatiquement fausse route. Sur les 193 pays membres de l’ONU, 146 reconnaissent déjà officiellement l’État palestinien.
Dans une interview diffusée le 9 avril, le président Emmanuel Macron a annoncé son intention de faire reconnaitre par la France « l’État palestinien ». À la suite de plusieurs États européens, la France en ferait l’annonce en juin prochain, parce que, a-t-il dit, « je pense qu’à un moment donné ce sera juste et parce que je veux aussi participer à une dynamique collective, qui doit permettre aussi à tous ceux qui défendent la Palestine de reconnaître à leur tour Israël, ce que plusieurs d’entre eux ne font pas ». Autrement dit, la reconnaissance dudit « État de Palestine », un État non existant dont la création effective est refusée avec constance depuis 1948 par ses représentants auto-proclamés, permettrait la reconnaissance par tous, d’un État légitime et existant depuis cette même date, à savoir l’État d’Israël. On peine à suivre ce raisonnement triplement erroné.
Une posture
Tout d’abord, parce que la reconnaissance d’un État non existant, aux frontières non définies et sans institutions établies, est objectivement une absurdité. Une telle pétition de principe ne peut donc que relever de la posture politique. Les différents États qui ont déjà adopté cette prise de position sont en effet d’une part des pays qui ne reconnaissent pas la légitimé de l’État d’Israël comme la Corée du nord ou Cuba, et des pays musulmans (à l’exception de la Turquie, l’Égypte, la Jordanie, les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Maroc), d’autre part des pays comme certains en Europe ou en Amérique latine, qui l’ont fait au nom du soutien à « la solution à deux États ». Dans les deux cas, la reconnaissance de l’État palestinien virtuel procède d’une critique à l’égard d’Israël : critique radicale, visant à la disparition de l’État juif sur sa terre et à l’édification d’un État arabe palestinien, d’une « Palestine du Jourdain à la Méditerranée », ou critique conjoncturelle soupçonnant Israël de refuser la création d’un État palestinien, voire l’accusant de visée génocidaire à l’égard du « peuple palestinien ».
A lire aussi, Guillaume Erner: «Je n’ai pas vu venir ce qui nous arrive »
Or, l’Histoire récente du Moyen-Orient a montré que la reconnaissance d’Israël par les pays arabes n’était pas conditionnée par la reconnaissance abstraite de la part d’Israël d’un État palestinien virtuel. C’est au contraire la mise à l’écart de la question palestinienne, en privilégiant les dimensions sécuritaires et économiques, qui a permis la normalisation progressive des relations entre Israël et certains pays arabes. Un des motifs évoqués (sinon invoqués) du lancement des attaques génocidaires du 7-Octobre lancées par le Hamas en territoire israélien, est d’ailleurs précisément la relégation de la question palestinienne dans l’agenda géopolitique de la région.
Le Hamas n’attend que ça
Plus que jamais après le 7-Octobre 2023, et alors que le Hamas détient toujours des otages, reconnaitre un État palestinien, est donc non pas seulement une erreur stratégique mais également une faute morale confinant à l’ignominieux. Cette reconnaissance symbolique d’un État non existant serait aujourd’hui accorder une légitimité et pire une absolution, au Hamas, à ses soutiens et à ses admirateurs. Aussi, l’ambassadeur d’Israël en France, Joshua Zarka, a-t-il déclaré à la suite des propos du président français : « Parler de la création d’un État palestinien, aujourd’hui, quand la guerre continue et avant d’avoir créé les conditions qui pourraient mener à la paix, cela fait exactement l’inverse ».
Les Israéliens croient de moins en moins à un État palestinien à leurs frontières
Il s’agirait en effet d’analyser pourquoi ladite « solution à deux États » portée par le passé notamment par le Mouvement La Paix Maintenant et les partis de gauche israélienne, est aujourd’hui largement discréditée en Israël. Un sondage réalisé trois semaines après les attaques a ainsi révélé que 28,6 % des Israéliens juifs étaient en faveur d’une solution à deux États, contre 37,5 % un mois plus tôt, selon le sondage Peace Index de l’université de Tel Aviv.[1] D’ailleurs, le 17 janvier 2024, le chef du Hamas à l’étranger, Khaled Meshaal, n’a-t-il pas déclaré : « Nous rejetons l’idée d’une solution à deux États. Notre objectif est clair : un État palestinien du fleuve à la mer, du nord au sud. Le 7 octobre a renouvelé le rêve et l’espoir[2]» [de cette Palestine] ?
A lire ensuite, Gil Mihaely: Nétanyahou : ni juges ni Hamas
Mais le reflux de la crédibilité de l’hypothèse d’un État palestinien vivant en bonne entente aux côtés d’Israël, vient de plus loin encore. Comme le signalent à juste titre Georges Bensoussan[3] ou Shmuel Trigano[4], le rejet d’un État juif sur sa terre ancestrale s’inscrit dans une histoire longue, et la création de l’État arabe de Palestine a été refusée à plusieurs reprises depuis 1947. La partie arabe ou palestinienne a-t-elle d’ailleurs jamais avancé une proposition de partage territorial à discuter ? Le seul projet formulé à ce jour réside dans le slogan génocidaire « From the River to the Sea ! ». Alors, que les Israéliens explorent d’autres voies d’établissement et d’apaisement des relations avec leurs voisins, c’est compréhensible. Pour n’avoir pas pris en compte cette réalité, les partis de gauche israélienne ont perdu une large part de leur soutien au sein de la population.
Plutôt que de renoncer à exprimer un « soutien inconditionnel » à Israël (comme l’a fait ce 10 avril, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet en forme d’un mea culpa) au motif d’une opposition à la politique du premier ministre Benjamin Netanyahu, la France devrait adopter enfin une attitude claire à l’égard des ennemis d’Israël. Si notre pays et son président veulent peser sur la destinée du monde et en l’occurrence œuvrer en faveur d’une paix juste au Proche Orient, la réaffirmation du danger islamiste s’impose, de même que la nécessité de soutenir Israël, en première ligne contre cette menace.
[1] « Dans un Israël traumatisé, les pacifistes gardent l’espoir d’une solution à deux États », Times of Israel, 8 décembre 2023.
[2] Voir https://www.youtube.com/watch?v=V8yug98BqNc
Ou Saba Net (Agence de presse yéménite) 18 janvier 2024 : « Meshaal : Nous rejetons le terme de solution à deux États et la solution est de se débarrasser de l’occupation ».
[3] Georges Bensoussan, Juifs en pays arabes. Le grand déracinement 1870-1975, Éditions Taillandier 2021 et Les origines du conflit israélo-arabe 1870-1950, Éditions des PUF 2023
[4] Shmuel Trigano, « Le refus palestinien d’un État juif », Controverses, n° 7, 2008, pp. 38-43
L’article Reconnaitre aujourd’hui «l’État palestinien» est au moins une grave erreur, au pire une ignominie est apparu en premier sur Causeur.