Cette magnifique demeure au sud de Marseille était un repère pour Edith Piaf
C’est l’histoire d’un domaine entre mer et collines, témoin d’une histoire riche et qui se distingue par ses somptueux paysages et ses demeures prestigieuses : la Campagne Pastré. Cet immense domaine bastidaire est l’un des rares à avoir résisté quasi intégralement à l’évolution urbaine et à la promotion immobilière à Marseille et offre aujourd’hui au […]

C’est l’histoire d’un domaine entre mer et collines, témoin d’une histoire riche et qui se distingue par ses somptueux paysages et ses demeures prestigieuses : la Campagne Pastré. Cet immense domaine bastidaire est l’un des rares à avoir résisté quasi intégralement à l’évolution urbaine et à la promotion immobilière à Marseille et offre aujourd’hui au public son parc de 112 hectares, dont 100 hectares d’espaces naturels. De quoi, en plus de profiter de balades rafraîchissantes, permettre aux curieux de se replonger dans l’histoire de monuments méconnus mais ô combien fascinants…
La demeure d’une comtesse haute en couleurs
C’est entre 1836 et 1853 que les Pastré acquièrent plus de 120 hectares de terres au sud de Marseille, situées entre La Pointe-Rouge et la Grotte Rolland, dont les légendes en ont fait un lieu emblématique. De cette vaste étendue au sud de Marseille, ils en font un parc, aujourd’hui connu comme la Campagne Pastré. Sur un terrain aussi vaste, ils y font construire trois résidences : le château Estrangin, le château Sanderval et le château Pastré, ce dernier devenant par ailleurs le nom d’un vignoble. Bastide provençale de pierres et de briques roses, formé d’un corps de logis rectangulaire sur deux niveaux et un étage-attique, le Château Pastré est intimement lié à sa dernière propriétaire, la comtesse Lily Pastré. Non seulement comtesse par son mariage, la jeune femme est avant cela l’héritière des Noilly-Prat, famille célèbre pour la conception de son propre vermouth. Appartenant à la haute société marseillaise, Marie-Louise Double de Saint-Lambert (alias Lily) épouse le comte Jean Pastré, dont la famille est aussi l’une des grandes fortunes de Marseille. Aux côtés de celui qui fut joueur de polo à ses heures au point de participer aux Jeux Olympiques de Paris en 1924, le couple partage son temps entre le château Pastré et Paris. Le tout en entretenant une vie mondaine intense : tandis que le comte multiplie les aventures avec les petites femmes de Paris, la comtesse découvre la folle ébullition artistique, s’enivre d’opéras et de concerts.
La résidence privilégiée de grands artistes de l’époque
Une liberté qui pousse cette dernière, contrairement aux usages de son milieu, à ne plus subir sa condition en silence et divorcer de son mari volage en 1939. Alors que la guerre éclate, elle part alors s’installer à Marseille avec ses trois enfants et son personnel de maison. C’est donc au Château Pastré que la comtesse va non seulement résider, mais aussi accueillir des artistes qui fuient la zone occupée et qui n’ont plus rien. En créant l’association “Pour que l’esprit vive”, le château accueille 20 à 25 personnes qui, chaque jour, font honneur à la table de la comtesse. Non sans respecter quelques “exigences” propres à l’hôtesse : déjeuner à 13 heures, sieste, partie de croquet à condition de ne pas froisser la comtesse qui déteste perdre ou encore partie d’échecs le soir venu. Parmi les invités du Château Pastré, on retrouve les compositeurs Darius Milhaud, Georges Auric, le photographe Luc Dietrich, les peintres André Masson, Rudolf Kundera, des hommes de lettres, des musiciennes d’origine juive comme Lily Laskine ou Youra Guller, sans oublier les chanteuses Joséphine Baker et Edith Piaf. En plus de les héberger et de les nourrir, la comtesse pourvoit aussi aux besoins de chacun, en payant par exemple tous les frais médicaux de la pianiste Clara Haskil, atteinte d’une tumeur à l’hypophyse, avant de financer son exfiltration vers la Suisse. L’apothéose de cette activité artistique survient le 27 juillet 1942, lorsque la comtesse invite le tout-Marseille à une représentation du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare dans le décor naturel du parc. Pourtant, cette soirée signe la fin de l’impunité de la comtesse vis-à-vis des forces d’occupation, Marseille n’étant plus en zone libre.
Un monument de l’histoire marseillaise à l’avenir aujourd’hui incertain
Si Lily Pastré reprend pleinement ses activités philanthropiques après la guerre, elle fait la donation de sa bastide peu de temps avant sa mort en juin 1974 à la Ville de Marseille, qui finit d’acquérir la globalité de la Campagne Pastré en 1987. Longtemps réservé à une certaine élite, la bastide s’ouvre donc à la population : à partir de mai 1995 et jusqu’en 2013, le château abrite notamment le musée de la Faïence, où l’on vient admirer plus de 1 500 pièces s’étalant sur une période de 7 000 ans. Si la collection a depuis rejoint les pièces du non-moins célèbre Château Borély, l’ancienne bastide autrefois propriété de Lily Pastré est aujourd’hui réservée à l’hébergement des hôtes de marque et aux réceptions officielles de la mairie. Quant au parc, ou Campagne Pastré, il demeure un lieu de balade immanquable pour les Marseillais comme les visiteurs, qui peuvent aussi admirer le château Estrangin, dont le style est inspiré des demeures bourgeoises du nord de la France et est aujourd’hui occupé par un centre aéré de la mairie du 4e secteur. Autre merveille du coin : le château Sanderval, demeuré propriété privée mais qui accueille un centre pour adolescents en difficulté. Quant au château Pastré, l’association Pour Que Marseille Vive a proposé en 2021 de réhabiliter le Château Pastré en y installant un incubateur d’artistes et un lieu culturel. Un projet encore en réflexion de nos jours, soutenu par plusieurs personnalités marseillaises du monde de la culture, de l’écologie et de l’associatif dont Marie Pastré, membre de la famille de Lily, qui viendrait renommer un peu d’allure à un monument fermé depuis 2013 et qui s’est fortement dégradé au fil du temps.
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Image à la une : Château Pastré © Adobe Stock