Qui se souvient de l’affaire Fualdès?
Frédéric Vitoux revient, pas à pas, procès après procès, sur l’une des plus célèbres affaires criminelles du XIXème siècle : l’assassinat de l’ex-procureur impérial Fualdès dans l’Aveyron. Avec le don du portrait qu’on lui connaît, l’académicien nous replonge en 1817-1818 dans la bonne ville de Rodez et les prémices d’une presse judiciaire en continu… L’article Qui se souvient de l’affaire Fualdès? est apparu en premier sur Causeur.

Frédéric Vitoux revient, pas à pas, procès après procès, sur l’une des plus célèbres affaires criminelles du XIXème siècle: l’assassinat de l’ex-procureur impérial Fualdès dans l’Aveyron. Avec le don du portrait qu’on lui connaît, l’académicien nous replonge en 1817-1818 dans la bonne ville de Rodez et les prémices d’une presse judiciaire en continu…
Frédéric Vitoux a l’art du suspense et de la formule. Car il n’est pas facile de mettre de l’ordre et un peu de cohérence dans cette affaire judiciaire qui affecta la moralité de Rodez durant plusieurs décennies, voire durant deux siècles. Cet assassinat, plus précisément l’égorgement, dans la nuit du 19 au 20 mars 1817, d’un bourgeois modéré, ancien procureur impérial, n’ayant semble-t-il, aucun conflit apparent avec sa communauté va déclencher un torrent d’articles et une onde quasi-mondiale.
Le premier procès surmédiatisé
Nous sommes habitués aujourd’hui aux procès-spectacles, à l’essaim des micros tendus dans les prétoires, aux joutes oratoires des avocats, à la quête du « mot qui tue » et à l’emballement médiatique préjudiciable pour l’avènement de la vérité ; nous avons oublié que cette ruche trouve son origine historique dans ladite affaire Fualdès. La mort du procureur impérial aux éditions Grasset est au croisement de la contre-enquête, de l’étude de mœurs et de la folie des Hommes. Frédéric Vitoux s’est appuyé sur le travail de Jacques Miquel, spécialiste incontesté de l’imbroglio ruthénois, pour y voir plus clair mais surtout pour dessiner une parabole sur la fragilité des témoignages. Dans une époque chahutée, entre la fin de l’Empire et les débuts de la Restauration, la France n’a pas oublié les sinistres tribunaux révolutionnaires, une mère n’y retrouverait pas ses petits tant les pistes multiples et bouffonnes, crapuleuses, graveleuses, maçonniques ou éminemment politiques ont été évoquées dans cette course-poursuite aux scoops ou au lynchage.
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Au-delà d’une instruction bâclée et de l’exécution des trois principaux inculpés, Frédéric Vitoux, s’attache à décrire la personnalité des protagonistes-clés de cette histoire sordide et le poids grandissant de l’opinion publique. La rumeur a fait son lit dans des cerveaux malléables, laissant place à une curiosité malsaine et à des haines recuites. Qui peut stopper ce déballage quotidien qui fit la fortune des imprimeurs et des patrons de presse ? L’admirable Rodez, province extatique et enchanteresse par essence, ne méritait pas un tel sort touristique. Heureusement, depuis, la cité a repris son cours tranquille. En leur temps, Hugo, Flaubert, Barrès ou Leroux ont écrit sur Fualdès, c’est dire son impact sur les mémoires collectives. Il y aura eu un avant et un après Fualdès dans le traitement journalistique et le venin du sensationnalisme.
Fil d’Ariane
On a projeté sur la dépouille du procureur des fantasmes complotistes et fait miroiter, chaque jour, un épisode toujours plus retentissant et croustillant. Louis XVIII se passionna pour ce fait-divers aveyronnais comme n’importe quel autre lecteur populaire, avide de détails et de tension dramatique. Vitoux l’explique très bien ; à partir de Fualdès, la chronique judiciaire a pris une tournure évènementielle. Pourquoi a-t-on tué Fualdès et qui l’a tué ? Le mystère s’épaissit. Qu’y a-t-il sous le tapis Fualdès: des relents monarchistes, des vengeances de loges, des croquants de foires, de l’incompétence ou de la crédulité assassine ?
Le romancier aborde tous ces aspects et déroule son fil d’Ariane dans une pelote occitane qui ravira les amateurs d’énigmes. Parlons aussi de littérature, car il s’agit avant tout de cela, Vitoux excelle dans le portrait psychologique, il a la phrase taquine et fureteuse, il a beau être un académicien recommandable, il distille dans ses saillies un humour à la Sherlock. Il y a du « british » en lui. Il croque avec gourmandise Clarisse Manzon, jeune femme de la bonne société, témoin fantasque et inconséquente de cette affaire qui espère décrocher son quart d’heure de célébrité. « Clarisse, de son côté, vit seule, séparée de son mari. On peut la comprendre. Elle rêvait de briller, et elle s’est encombrée d’un époux fort peu reluisant ou incapable de l’éclairer par le prestige de sa position ».
« Seul son prénom, Marc Antoine, a quelque éclat » écrit-il, facétieux. Elle signera même des Mémoires qui eurent un succès à travers toute l’Europe grâce à sa rencontre avec l’un des autres acteurs de cette affaire, l’auteur et dramaturge Henri de Latouche, oublié aujourd’hui. « Une révolution médiatique s’est jouée à ce moment-là. Le procès Fualdès par Latouche, ce sera déjà la retransmission, presque en direct et en quasi-intégralité, du déroulement de ses séances par une chaîne d’information en continu » avertit le romancier. Alors, nous irons tous ce printemps à Rodez avec le récit de Vitoux sous le bras !
La mort du procureur impérial – Frédéric Vitoux – Grasset, 320 pages
La mort du procureur impérial: Latouche et l'affaire Fualdès - 1817-1818
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