Pierre Mérot rempile
La suite tout aussi poignante de Mammifères, où le personnage principal s'adapte à sa nouvelle vie de soixantenaire... L’article Pierre Mérot rempile est apparu en premier sur Causeur.

La suite tout aussi poignante de Mammifères, où le personnage principal s’adapte à sa nouvelle vie de soixantenaire.

Vingt-deux ans après Mammifères, prix de Flore 2003, réédité en poche par Rivages, Pierre Mérot, auteur d’une dizaine de romans, propose la suite des aventures du personnage de l’oncle. On pourrait appeler ce livre les presque-mémoires de l’oncle qui ressemble par certains côtés à l’auteur, sans vouloir l’offenser, car sa vie, celle de l’oncle, n’est guère reluisante… Il n’a pas la soixantaine triomphante. Ça bande mou et mal. Et le personnage féminin, Stella, n’est pas très avenant. Quant à l’application Tinder, à laquelle il a recours, elle nous introduit dans l’univers de la misère sexuelle. On frise même le pathétique.
Voltaire sous Prozac
Mammifères II débute par la mère morte. C’est assez salé comme entrée en matière. La scène est d’une grande tristesse avec la description de la chambre mortuaire de l’hôpital Bichat. Bichat, il faut être solide pour ne pas en ressortir déprimé ; surtout l’hiver quand le périph se confond avec le gris du ciel, sous le regard impavide de la cheminée du crématorium. On brûle tout à Bichat, surtout l’espoir.
Ça ne s’arrange pas avec l’évocation du père placé en EHPAD situé dans l’hôpital Fernand-Widal, antichambre des pires cauchemars. Il est mort depuis, avec sa retraite de 4000 euros qui ne lui aura pas permis de respirer le parfum des mimosas de la côte d’Azur. Mérot décrit toujours avec justesse. Ça touche là où la blessure boursoufle. L’ironie est voltairienne, mais elle émane d’un Voltaire sous Prozac, sans perruque ni bas de soie, seulement des bas de contention.
Lose tendance Houellebecq
L’oncle va devoir déménager. Il est foutu à la porte de son studio par le proprio qui souhaite l’occuper. Le studio est crade, car l’oncle picole et maltraite les portes quand il est ivre ; sans oublier qu’il fume beaucoup. Il a des problèmes de santé, vous vous en doutez, et fréquente la clinique de Turin pour passer un coroscanner. Le nouveau logement sera en banlieue chic. Il évoque le seul meuble auquel il se raccroche : son bureau d’écrivain – le radeau de la Méduse, en quelque sorte. Malgré la débine permanente, l’oncle n’a rien perdu de son humour décapant, pas trop méchant, mais sans concession avec notre époque où les individus semblent avoir douze ans d’âge mental.
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Bon, le problème de l’oncle, c’est sa mère. C’est pour cela que le livre démarre sur elle, à l’horizontale et roide. Il y a un beau passage, très bataillien, que nous propose l’auteur. C’est cru, édifiant – page 87 – avec le résumé suivant : « (…) en perdant sa mère il a perdu un ennemi fondamental mais aussi un angle d’attaque contre le monde et plus prosaïquement son fonds de commerce. »
Vingt-deux ans après, donc, Pierre Mérot continue de nous régaler avec cet oncle qu’on ne parvient pas à rejeter malgré sa lose tendance Houellebecq – l’auteur règle ses comptes avec lui, en passant.
Un mauvais point, cependant, attribué au professeur Mérot. La description de certains profs du lycée Stéphanie-de-Monaco m’a crispé. C’est une description naturaliste qui m’a ramené dix ans en arrière, avant ma démission. Ça m’a crispé car c’est tellement vrai. Comme son livre plein de sensibilité.
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