Patrons en France: la sinistrose

Difficile de garder le moral quand on est patron en France, pays où les prélèvements obligatoires, les impôts sur la production et les charges patronales sont les plus élevés au monde. L'étymologie latine de sinistre, « sinister – situé à gauche », définit admirablement l'origine politique du problème... L’article Patrons en France: la sinistrose est apparu en premier sur Causeur.

Mar 20, 2025 - 13:38
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Patrons en France: la sinistrose

Difficile de garder le moral quand on est patron en France, pays où les prélèvements obligatoires, les impôts sur la production et les charges patronales sont les plus élevés au monde. L’étymologie latine de sinistre, « sinister – situé à gauche », définit admirablement l’origine politique du problème.


Prétendument envié par le monde entier, le modèle social français ne déchaîne réellement les passions qu’en Afrique et chez les nostalgiques de l’Union soviétique. En tout cas, les patrons français le goûtent peu. Des entrepreneurs mal-pensants se prennent même à rêver que ce chef-d’œuvre connaisse le sort prédit par Louis F. Céline aux débiteurs chroniques : « On ne meurt pas de dettes. On meurt de ne plus pouvoir en faire. » Hélas, on nous prête toujours pour financer nos endémiques « quoi qu’il en coûte » – coûts infligés bien sûr aux entreprises, aux riches et aux générations futures. Entreprendre dans le pays le plus à gauche du monde – à l’exception des dictatures communistes chères à LFI – relève ainsi de l’exploit ou de l’inconscience. Surtout pour un revenu moyen de 4 000 euros brut et soixante-dix heures de boulot par semaine – un seuil de rémunération au-delà duquel François Hollande, humoriste progressiste de 2012 à 2017, situait la richesse.

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L’embarras du choix dans les nuances de rouge

Le plus à gauche du monde ? Vraiment ? Se poser la question, c’est ne pas savoir aligner les différents paramètres qui font de la Gaule cette terre révolutionnaire par essence. Un pays qui entend faire payer les riches – donc les patrons – sans réaliser qu’ils paient déjà, et fort cher. Nulle part ailleurs les prélèvements obligatoires des particuliers, les impôts sur la production ou les charges patronales n’y sont plus élevés. 48 % du PIB pour les prélèvements, contre 41,9 % en moyenne en Europe ; 4 % du PIB soustrait au titre des impôts de production (moitié moins chez nos voisins !) ; les cotisations patronales françaises – 10,2 % du PIB – sont, enfin, à comparer aux 7,4 % de la moyenne européenne. Seule la microscopique Estonie nous prive cette fois de médaille d’or. Et l’on pourrait poursuivre ainsi sur 20 pages. Les fameux « cadeaux aux patrons » dénoncés rituellement par la CGT ne sont que de modiques rabais consentis à des moutons soigneusement tondus. Ce syndicat qui combat « pour une société démocratique, libérée de l’exploitation capitaliste » – sans mentionner d’ailleurs où l’on trouverait trace d’une démocratie non capitaliste, un oubli sans doute – se voit toutefois dépassé sur sa gauche par SUD, un exploit à saluer. Autre signe d’un écosystème politique penchant singulièrement à gauche, la France est cette contrée où le Parti communiste, peu regardant sur les bilans génocidaires des « expériences » russes, chinoises ou cambodgiennes, n’a pas jugé utile de changer de nom contrairement à son homologue italien. Plus fort encore, le PCF est loin d’être le parti le plus à gauche de notre échiquier politique. De ce côté, on y trouve LFI, le NPA, Lutte ouvrière et quelques sectes pour lesquelles les 500 signatures nécessaires à la candidature suprême ne représentent pas un obstacle infranchissable. Quel autre pays moderne peut se payer le luxe de voir défiler sur ses écrans, à l’heure d’une élection cruciale, Mélenchon, Roussel, Poutou, Arthaud ? Ces amoureux transis de la démocratie appellent les travailleurs-travailleuses à retrouver le goût des piques et de la carmagnole – l’embarras du choix dans les nuances du rouge.

Une raisonnable gauche de gouvernement existe bel et bien, elle s’appelle la droite

Rester dans les clous de la doxa socialo-progressiste n’est plus seulement conseillé, mais institutionnalisé. Qui trouve-t-on à la tête de la Cour des comptes, du Conseil d’État ou du Conseil constitutionnel ? Moscovici, Fabius, Tabuteau, tous anciens membres de gouvernements socialistes et désormais en charge du fameux « État de droit » – en l’espèce, plutôt un « État de gauche » auquel on a bien compris qu’il ne fallait pas songer toucher. Les juges y veillent, notamment le Syndicat de la magistrature (un tiers des voix aux élections), auteur du « mur des cons » – dazibao clouant au pilori des parents de victimes qui pensaient « mal », une ignominie. Avoir affaire à un magistrat de cette obédience constitue, on s’en doute, un avantage particulier pour un chef d’entreprise et carrément le gros lot si vous êtes un homme politique classé à droite. Être traîné devant les prud’hommes, c’est avoir deux chances sur trois de perdre lorsqu’on est employeur. La prédilection du Parquet national financier pour les anciens membres du RPR ou du Front national ou les moyens alloués à des pratiques de république bananière pour écarter un candidat à la présidentielle jugé nauséabond constituent des indices supplémentaires du déséquilibre idéologique. Bien que chacun sache que les profs pensent à gauche, que France Inter et tout le service public de l’audiovisuel prêchent à gauche, que la fonction publique (20 % des emplois) en pince pour la gauche et donc que les institutions sont contrôlées par la gauche, les Français n’arrivent pas à se percevoir comme un pays de singuliers gauchistes. Sans doute parce qu’ils votent désormais massivement pour des partis classés à droite, même si cela reste sans effet sur les orientations majeures. Qu’on se rassure en effet, on ne trouve pas que l’extrême gauche sous nos cieux. Une raisonnable gauche de gouvernement existe bel et bien, elle s’appelle la droite. Une fois au pouvoir, elle pratique la même politique que le PS de Mitterrand : plus de dépenses publiques, plus d’impôts, plus d’immigration, moins de prisons. Des marqueurs typiques de la gauche, que ce soit aux États-Unis ou dans le reste de l’Europe, mais chez nous constitutifs du socle commun des partis dits de gouvernement. Avec sa retraite à 60 ans, le Rassemblement national, s’il est bien sociétalement un parti de droite, demeure économiquement un mouvement de gauche à l’échelle européenne. Même l’extrême droite française promet donc des politiques de gauche et reste muette sur le poids de la fonction publique ou l’épaisseur du Code du travail.

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Entreprendre dans cet enfer bureaucratique mérite ainsi tous les superlatifs. Notamment quand l’administration s’applique à retranscrire les directives européennes en les durcissant lorsqu’elles concernent l’environnement ou l’extension infinie des droits individuels. Bernard Arnault pense que le budget Barnier/Bayrou est une invitation à la délocalisation. Dommage qu’il ne soit pas envisageable de délocaliser l’Inspection du Travail en Corée du Nord, la CGT en Chine, LFI au Venezuela ou le Conseil constitutionnel à Cuba.

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