Patrick Besson : pas de quartier !
L'écrivain publie deux livres : "Quel est le con" un recueil de ses chroniques du Point, et "Presque tout Corneille", un thriller loufoque inspiré par la tragédie classique. Avec talent et beaucoup d'humour, il passe la société contemporaine à la moulinette. C'est du lourd, ça dépote : du grand Besson !... L’article Patrick Besson : pas de quartier ! est apparu en premier sur Causeur.

L’écrivain publie deux livres : Quel est le con un recueil de ses chroniques du Point, et Presque tout Corneille, un thriller loufoque inspiré par la tragédie classique. Avec talent et beaucoup d’humour, il passe la société contemporaine à la moulinette. C’est du lourd, ça dépote : du grand Besson !
Deux livres en à peine deux mois ; voilà ce que propose Patrick Besson. Et c’est du lourd ! Le premier, Quel est le con, est un recueil de certaines de ses chroniques parues dans Le Point ; le second, Presque tout Corneille, n’est rien d’autre qu’un thriller bien barré, directement inspiré par l’esprit des tragédies classiques, et notamment par le père du Cid. On se régale ; on rigole ; on s’indigne ; on en redemande.
Grève du sexe
Quel est le con. On l’interroge sur le pourquoi de ce titre provocateur ; il ironise, incisif : « Quel est le con, qui a écrit ce livre ? Mon ennemi : le pompiérisme idéologique et ses ridicules manifestations. » Est-il nécessaire de préciser qu’il tape fort, très fort ?
Le recueil part sur les chapeaux de roues avec « Adaptations ». Cinq minifictions dans lesquelles il brocarde le wokisme et la bien-pensance. Aragon et son Aurélien, nouvelle version : Aurélienne, grand reporter de retour de Bosnie rencontre Bernard, un provincial paumé. Coup de foudre. La femme d’Aurélienne file à Paris pour récupérer son épouse. Elle tombe amoureuse d’un unijambiste, (il a perdu sa jambe à Lesbos dans une charge de la police grecque alors qu’il tentait de se sauver d’un camp de migrants.) « Peu après, Aurélienne décédera dans un accident de la route provoqué par un camionneur RN dont les parents étaient communistes. »
Le ton est donné. Et Patrick Besson d’adapter Vingt mille lieues sous les mers, de Jules Verne, Crime et Châtiment, de Dostoïevski, Le Diable au corps, de Radiguet, et Le Grand Meaulnes, d’Alain-Fournier. Nous laisserons le lecteur découvrir les étonnantes et déroutantes transformations des héros.
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Avec la chronique « Guerre des hommes », on rit jaune quand il décrit la haine des ultra-féministes à l’endroit de nous, les mecs. Ça fait froid dans le dos mais c’est tellement juste, tellement bien vu. Besson rappelle que « l’histoire nous apprend que la calomnie précède et annonce le crime ». Il se souvient que sans les pamphlets rédigés avant la Révolution contre l’Autrichienne, on n’aurait peut-être pas coupé la tête de Marie-Antoinette. Puisqu’on est des bons à rien et qu’on fait tout de travers, sage, il propose comme mesure de rétorsion la grève du sexe : « Plus aucun de nos pénis ne se dressera pour un membre du sexe féminin. » Na !
Dans « Miss France 2050 », il brosse le portrait de l’heureuse élue, Marie-Josette, ex-Miss Seine-Saint-Denis « dans le cadre de la diversité à la culture » ; elle est hautement intelligente et brillante, a notamment été élève de l’École normale supérieure ; elle est titulaire d’une double agrégation – grammaire et mathématiques –, a repris les études, puis s’est spécialisée dans la chirurgie du cerveau. Miss France 2050, âgée de 73 ans, pèse 119 kilos et mesure 1,49 mètre.
Avec « Brasillach dans la poche », il se demande pourquoi l’écrivain collabo ne figure plus en librairie alors que « Rebatet, Céline, Morand, Charonne, Drieu et Fraigneau y sont encore ». Dans « Faim de carrière », il évoque l’inénarrable Jack Lang qui, malgré qu’il ait dépassé de vingt-deux ans l’âge de la retraite, continue de travailler, « car il y a toujours des imprévus dans l’existence ». Que pense Patrick Besson du personnage ? « Il me fait rire, c’est déjà pas mal ! »
Décapité à la hache
Presque tout sur Corneille révolutionne le genre du thriller. Pas de chapitres, mais de courts textes – parfois des dialogues uppercuts – qui font avancer la narration et l’intrigue à la vitesse de la lumière. C’est prodigieusement nerveux et intelligent. Une fois encore, on rit beaucoup (l’humour de Besson n’est plus à prouver). Le décor est planté en Corse. Il y raconte les pérégrinations d’un homme qui veut retrouver son honneur en se vengeant de son ancien employeur qui l’a viré. Sa technique ? Battre l’ex-patron dans toutes les disciplines afin de l’humilier. Passent une épouse (dont le précédent mari, professeur de bulgare, est mort après avoir été renversé par un cycliste, rue de Lille, à Paris), des enfants, une jeune maîtresse (qui lit tout Corneille, ou presque) et un cousin fraîchement sorti de prison.
Un meurtre horrible surgit : l’ennemi est découvert décapité – à la hache ou à la scie, pas musicale mais on ne sait pas trop – dans la chambre du licencié apprenti vengeur. Le commissaire Bourbeillon, fumeur de cigarette électronique, mène l’enquête.
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Patrick Besson aurait-il lu tout Corneille pour écrire ce polar décapant et singulier ? « Presque tout Corneille. J’aime beaucoup cet auteur, surtout les pièces qu’il a écrites sous le nom de Molière : Le Misanthrope, Les Femmes savantes, etc. », répond-il, provocateur.
Et pourquoi la Corse ? « J’ai découvert la Corse avec ma troisième ex-femme à moitié corse. C’est une jolie terre d’amour. »
Quant à la vengeance, qui est presque un personnage de son livre, on finit par se demander s’il ne serait pas, lui-même, un peu rancunier. Point. « Je pardonne mais je n’oublie pas », dit-il. Et pourquoi donc un enseignant de langue bulgare ? « Tu connais quelqu’un qui parle bulgare, toi ? » sourit-il. Pourquoi a-t-il choisi de faire de son flic un vapoteur ? « J’ai horreur de l’électronique, y compris dans les cigarettes. Toutes ces vapeurs, on dirait des vieux trains. », confie-t-il.
Ses projets ? « Je viens de terminer un roman : Jennifer Carpenter. J’en prépare un autre, beaucoup plus drôle : La Vieillesse, la solitude, la maladie et la mort. Je dois aussi donner à Plon Le Dictionnaire amoureux du communisme. » Tout un programme !
À lire :
Patrick Besson, Quel est le con, « Encre Rock », Erick Bonnier, 2024.
Patrick Besson, Presque tout Corneille, Stock, 2025.
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