Paris-Roubaix: le maître des pavés et le vaincu magnifique
Le Paris-Roubaix aura tenu toutes ses promesses. Au terme d'une course spectaculaire, l'affrontement majeur entre Tadej Pogačar et Mathieu Van der Poel a comblé tous les amoureux du cyclisme... L’article Paris-Roubaix: le maître des pavés et le vaincu magnifique est apparu en premier sur Causeur.

Le Paris-Roubaix aura tenu toutes ses promesses. Au terme d’une course spectaculaire, l’affrontement majeur entre Tadej Pogačar et Mathieu Van der Poel a comblé tous les amoureux du cyclisme.
La 122ème édition de Paris-Roubaix, « L’Enfer du Nord »1, disputé dimanche, a tenu toutes les promesses que la presse prophétisait. Elle a offert en effet un duel d’anthologie entre un « maître des pavés », Mathieu Van der Poel, petit-fils de Raymond Poulidor, dit « Poupou » faussement qualifié d’éternel second (le palmarès de ce dernier compte pas moins de 189 victoires), et un « vaincu magnifique », Tadej Pogačar, venu avec panache le défier sur son terrain de prédilection, au risque insensé de compromettre la suite de sa saison.
Avec cette troisième victoire consécutive2, Van der Poel, rejoint au palmarès les deux seuls coureurs triplement vainqueurs d’affilée, Oscar Lapize (1909, 10 et 11), mais la course d’alors n’était pas encore le mythe qu’elle est devenue à partir des années 50, et Francesco Moser (1978, 79, 80), à savoir 45 ans plus tôt. Et dans sa tête trotte sans doute déjà l’idée d’en décrocher une quatrième de suite l’an prochain qui ferait de lui l’incontestable « Roi de la Reine des Classiques ». D’autant, détail piquant, que le millésime de cette future édition portera le chiffre mémorable de 123ème. Jusqu’à maintenant, deux coureurs l’ont gagné quatre fois, mais pas d’affilée, Roger de Vlaeminck (1972, 74, 75, 77) et Tom Boonen (2005, 08, 09, 12).
Une erreur qui coûte cher à Pogačar
C’était la première fois de sa jeune encore carrière professionnelle que Pogačar s’alignait au départ de Paris-Roubaix. Junior, il y a participé deux fois dans une version très réduite sans briller particulièrement. Et comme il l’a démontré en plaçant ses premières banderilles dès la sortie de la Trouée d’Aramberg, l’essoreuse du peloton, à plus 100 km de l’arrivée, et en n’hésitant pas à attaquer par la suite à plusieurs reprises, alors qu’il aurait pu faire une course attentiste et décochait une de ces fulgurantes accélérations qui sont sa marque, il était bien venu pour « la gagne ». S’il avait réussi, il aurait été le second à vaincre pour sa première participation. Seul, un Italien, Sonny Colbrelli3, en 2021, quand « L’Enfer du nord » s’est couru un 3 octobre pour cause de crise du Covid, y est parvenu. Atteint d’une arythmie cardiaque, ce dernier a mis prudemment fin à sa carrière l’année suivante.
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D’aucuns se demandent si sa chute survenue à 38 km de l’arrivée n’a pas privé Pogačar de cet exploit. Très probablement pas, son tout-droit dans un virage certes en angle droit mais sans difficulté est imputable à un évident manque de lucidité caractéristique d’un coureur à la limite du point de rupture. Il est reparti avec 20 secondes seulement de retard sur Van der Poel, il est revenu à 13 secondes, il l’avait en mire, mais n’a pu les combler, comme quoi il était bien à bout.
Un record et une victoire pour Van der Poel
De son côté, serein malgré ce retour qui ne pouvait qu’être qu’un baroud d’honneur, lui, Van der Poel a tracé sa route à son rythme puissant, sachant que les derniers secteurs pavés seraient à son avantage. Très vite, il a recreusé l’écart et mis une confortable minute d’avance sur son poursuivant ce qui autorisait sa voiture suiveuse à se placer derrière lui, d’être en somme son assurance-vie. C’est ainsi qu’il a pu être dépanné sans perte de temps de sa crevaison à moins de 20 km du vélodrome de Roubaix où est jugée l’arrivée.
À propos de cette chute, Van der Poel, que lui a pu esquiver grâce à sa dextérité de cyclo-crossman, a déclaré : « Dommage parce que sans celle-ci la victoire ça se serait joué certainement au sprint car ça aurait été dur de le lâcher sur les pavés. » Au sprint, Van der Poel est plus rapide que Pogačar ainsi qu’il l’a démontré en le battant nettement dans la Milan-San Remo, la première classique de la saison.
Quand Pogačar a fait son entrée sur le vélodrome, il a eu droit à une ovation, méritée, comme si le vrai vainqueur était lui. Il a démontré qu’il était un sérieux prétendant à l’avenir à la victoire car sûrement il reviendra. Qu’être un poids-léger, il pèse 66 kg et mesure 1,76m alors que le poids moyen des vainqueurs depuis deux bonnes décennies est supérieur à 75kg et la taille au moins de 1,82 m, n’est pas rédhibitoire. Un Bernard Hinault malgré ses 65 kg en 1981 ou un Marc Madiot en 1985 et 91 avec ses 68 kg ne s’étaient-ils pas imposés ?
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Mais, surtout ce Paris-Roubaix est venu confirmer que Pogačar était un coureur polyvalent, un des rares pour ne pas dire l’unique en mesure de vaincre sur des courses d’un jour, de huit ou sur les grands tours de trois semaines, à la différence de ses deux rivaux, Van der Poel sur les classiques, et Jonas Vingegaard sur le Tour de France. Son palmarès l’atteste : huit classiques qualifiées de Monuments, trois Tours et un Giro, alors que Van der Poel ne compte, si l’on peut dire, que huit Monuments avec sa victoire de dimanche et aucun grands tours – ses prestations sur la Grande boucle ont été toujours piètres -, et Vingegaard ne compte que deux Tours et aucune classique.
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- Le surnom d’Enfer du Nord, contrairement à ce que l’on croit, n’est pas dû à ses pavés mais à la guerre de 14-18. À la reprise de la course, en 1919, un journaliste de la revue Vélo va découvrir le parcours qui traverse les paysages dévastés par le conflit. Il écrit que celle-ci se déroulera dans un décor qu’il qualifie d’enfer du nord. L’expression est restée et a été assimilée aux pavés qui font subir, eux, un enfer aux coureurs.
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- En tout, huit coureurs ont gagné à trois reprises mais pas d’affilée, parmi eux Rick Van Loy, Eddy Merckx, Fabian Cancellara, aujourd’hui patron de l’équipe Tudor dans laquelle court Julian Alaphilippe.
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- Bien sûr, le vainqueur de la première édition, le 19 avril 1896, l’Allemand Josef Fisher, a été, et pour cause, le premier gagnant pour sa première participation.
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