Marketing : quand choisir n’est plus un choix
Nous sommes ravis de retrouver Jérémy Lacoste, contributeur sur la Réclame. Jérémy est directeur général France de l’agence Eskimoz. C’est un expert du marketing digital, des martech et de la publicité en ligne. Il a pour grande qualité de partager chaque semaine … Continuer la lecture → The post Marketing : quand choisir n’est plus un choix first appeared on La Réclame.


Nous sommes ravis de retrouver Jérémy Lacoste, contributeur sur la Réclame. Jérémy est directeur général France de l’agence Eskimoz. C’est un expert du marketing digital, des martech et de la publicité en ligne. Il a pour grande qualité de partager chaque semaine ses analyses et observations, que ce soit sur LinkedIn, en tant qu’enseignant ou dans ses tribunes sur la Réclame.
On le sait depuis André Gide : “choisir, c’est renoncer”. Et ça, personne n’est vraiment prêt à faire une croix sur son dû.
Pas étonnant donc que cohabitent dans l’imagerie populaire des figures comme Harvey Dent, le super-vilain de Batman qui remet toutes ses décisions sur un coup de pile ou face. Ou que de l’autre côté de l’échiquier, la représentation du Yes Man (dire oui à tout) se développe.
Sommes-nous aujourd’hui arrivés au moment où l’on préfère externaliser ses prises de décision à une entité tierce (l’algo, l’IA, peu importe…) au profit du seul confort de la jouissance de toute chose ? Et comment les marques doivent prendre en compte cette dynamique ?
1. Souhaite-t-on encore choisir ?
Chaque jour, un individu moyen prend 35 000 décisions, une surcharge cognitive énorme qui se complexifie à mesure que l’éventail des potentialités se développent.
Qui n’a pas passé des dizaines de minutes à essayer de choisir une série sur Netflix, là où l’ORTF de l’époque avait l’avantage de la rareté ?
Comment ne pas s’étonner que le recul de l’âge de la formation des couples en Occident se produit de manière concomitante à la démocratisation des apps de rencontre ? Cause ou conséquence ?
Une chose est sûre : trop de choix annihile la prise de décision. C’est le Paradoxe du choix qu’a développé en 2024 Barry Schwartz qui en a identifié 4 conséquences négatives :
– Une surcharge cognitive : trop d’informations à traiter.
– Un regret anticipé : peur de faire le « mauvais » choix. Le fameux FOMO.
– Une satisfaction diminuée : même après avoir choisi, on se demande si une autre option n’aurait pas été meilleure.
– La procrastination ou l’inaction : on remet la décision à plus tard ou on ne décide pas du tout.
Un biais psychologique connu depuis l’étude de Lyengar & Lepper « Quand le choix est démotivant ». Avec un dispositif simple : d’un côté, le groupe 1 a le choix entre 6 confitures quand le groupe 2 dispose d’un panel de 24 confitures.
Verdict : le 1er groupe a été le plus satisfait et le plus susceptible d’acheter.
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Certaines marques ont compris ce glissement et semblent revenir de plus en plus vers une frugalité bienvenue. On passe ainsi de « trouvez ce que vous voulez » version hypermarché à « trouvez juste ce qu’il vous faut ».
Le less is more paraît désormais tenir la corde chez de plus en plus d’organisations. Pas besoin de citer Apple qui en a fait son mantra, mais on peut penser à la home de Google ou tout le design de chez Muji.
Plus globalement, se pose la question pour les adtechs : comment s’adapter à cette nouvelle donne alors que leur croissance est basée sur le sur-stimuli et l’abondance informationnelle. L’exact inverse donc.
2. La réponse de l’adtech
Google, la recherche réinventée
Malgré un volume de requêtes en hausse de 21% versus 2023 pour atteindre le chiffre astronomique de 5 000 milliards de recherches annuelles, Google a pris acte de ce changement de paradigme : le moteur de recherche bascule de plus en plus vers un modèle hybride autour des suggestions. À preuve :
– L’arrivée prochaine de Google Discover sur desktop, responsable je le rappelle des ¾ du trafic des grands groupes de presse d’après les chiffres d’Alliance Presse. Une feature qui reprend la mécanique de feed des réseaux sociaux et utilise un ensemble de signaux collectés pour proposer du contenu ultra-personnalisé.
– Le déploiement en cours d’AI Overviews directement sur le moteur de recherche, consécration du modèle conversationnel à la sauce ChatGPT. Une évolution qui s’inscrit dans une histoire démarrée il y a quelques années déjà autour des positions zéro, des rich snippets ou encore des recherches suggérées.
Et côté plateforme publicitaire, je ne reviens pas dessus : depuis 3 ans, toutes les features qui sortent sont à base de machine learning, d’auto-suggestion, et de modèles algorithmiques réduisant ainsi l’arbitraire dans le pilotage des campagnes.
TikTok, l’algorithme tout-puissant
Même si le réseau social chinois tend à s’inscrire de plus en plus comme un moteur de recherche, force est de constater qu’il a réussi à s’imposer grâce à un feed ultra-pertinent, le fameux « For You » qui se nourrit de tout un tas de signaux. Au point qu’aujourd’hui, il est ultra plébiscité par 86% des utilisateurs, reléguant au second plan la nécessité de suivre des comptes dédiés.
(source)
Pour le dire différemment, TikTok a réussi à individualiser la notion classique de trends qui a fait florès sur les réseaux sociaux. C’est le contenu qui vient à l’utilisateur et non l’inverse. Plus besoin d’exprimer ses envies, celles-ci transpirent désormais dans tous les indices laissés au cours de notre navigation.
Amazon, de fil en aiguille
Et plus globalement les marketplaces-leaders. Tous ces acteurs ont très bien adapté le concept du Rabbit Hole, tel que popularisé par Wikipedia. Késako ? Il s’agit d’un enchainement quasi-hypnotique de clics et de recherches. Une immense séquence de digression improvisée.
Sur Amazon, cela se traduit par les fameux : « les clients ayant acheté Y ont aussi acheté Z » qui mêlent preuve sociale, recommandation personnalisée, et achat en 1 clic.
Pensons aussi à une autre industrie, celle du streaming musical. Si les chiffres officiels ne semblent pas disponibles, on lit, çà et là, que les playlists recommandées par l’algorithme représenteraient la majorité de la consommation des écoutes… et qu’aujourd’hui près d’un morceau sur cinq ajoutés quotidiennement serait produit par l’IA.
3. Le choix des maux, le choc des algos
Avec l’IA agentique, c’est le rêve du rentier qui tend à se démocratiser : bénéficier du revenu passif d’un tiers, ici une machine qui travaille et décide pour nous.
L’IA devait nous libérer des tâches ingrates. Mais force est de constater que, manifestement, elle nous permet surtout de nous occuper des tâches grasses.
Pourtant, la délégation du discrétionnaire aux algorithmes est déjà en marche. Et ce depuis belle lurette. Dès 2017, une étude de Stanford montrait que les consommateurs étaient beaucoup plus enclins à suivre les recommandations personnalisées de plateformes comme Netflix ou Amazon… plutôt qu’écouter les suggestions de leur entourage.
Côté consommation d’information, même constat. Google est préféré aux amis et familles. À croire que certains repas ont dû laisser quelques traces
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