Le style fait homme

Denis Grozdanovitch aime traquer le style d’un auteur. Au-delà du plaisir esthétique, c’est sa façon de faire connaissance avec lui. Plus qu’un exercice d’admiration, son essai prouve que tout est affaire de style... L’article Le style fait homme est apparu en premier sur Causeur.

Mai 3, 2025 - 15:02
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Le style fait homme

Denis Grozdanovitch aime traquer le style d’un auteur. Au-delà du plaisir esthétique, c’est sa façon de faire connaissance avec lui. Plus qu’un exercice d’admiration, son essai prouve que tout est affaire de style.


Denis Grozdanovitch est de ces hommes chez lesquels les passions successives multiplient les vies ; ne fut-il pas, dans une première, champion de tennis et de squash ? Dans une seconde, le voilà écrivain ! À 56 ans, ce n’est pas banal. Faut-il encore arguer que, depuis toujours, cet auteur atypique fut un grand lecteur ? CQFD. Avec son Petit traité de désinvolture (José Corti, 2002), ce rat de bibliothèque s’est inventé une carrière d’essayiste. À coups de considérations esthétiques sautillantes, il n’a cessé de fixer ses admirations, rendre hommage à ses maîtres qui sont devenus ses complices. Avec Une affaire de style, il ne déroge pas à la règle qu’il s’est fixée. Son savoir-vivre consiste à traquer, à toute force, la singularité chez les auteurs qu’il fréquente et, partant, cette quête le rend singulier. En somme et à sa mesure, Grozdanovitch tente de se « glisser dans le sillage » de ses « glorieux prédécesseurs ». On pourra s’en convaincre en lisant ou relisant Dandys et excentriques (Grasset, 2019), qui lui valut le prix Saint-Simon. L’ouvrage qui nous occupe aujourd’hui fourmille d’excentriques. Jugez plutôt : Michel Leiris, Roberto Calasso, Fernando Pessoa, Claudio Magris, Michel de Montaigne, Marcel Proust, Robert Burton ou Henri Bergson et Henry James — cette liste n’est pas exhaustive. Quel est le point commun entre tous ces auteurs ? Le style, c’est-à-dire l’invention d’une liberté. Le style encore, selon notre styliste, est une dimension en voie de disparition tant en littérature que dans la vie. Mieux, c’est « l’instant où le fond affleure à la surface ». Ce style enfin doit se déployer « à la manière d’une fleur de papier japonaise s’épanouissant dans le flot d’une rivière au cours paisible ». D’une certaine façon, il excède l’idée qu’il est « plus révélateur de l’âme des êtres ». Ainsi, outre le plaisir esthétique qu’il suscite, en le traquant, notre dandy fait-il plus amplement, plus complètement connaissance avec ces chers excentriques. C’est son plaisir, sa curiosité. Elle est communicative.

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Une affaire de style est un exercice d’admiration, une variation sur un même thème à une allure cabriolante. La désinvolture spéculative est l’un des traits grossissants de Grozdanovitch. D’où son humour. La vraie légèreté est la vraie profondeur, qu’on ne se méprenne pas.

En rassemblant d’anciennes notes sur le style « euphémistique » d’Henry James ou sur la mélancolie sarcastique de Vialatte, Grozdanovitch nous explique au fond que la littérature est un style de vie ! La lecture offre une « chambre d’écho intemporelle » à ceux qui s’y adonnent. Elle leur tient lieu de « porte-bonheur ». La littérature donne à penser à l’auteur de La Faculté des choses (Le Castor Astral, 2008). Et que pense-t-il ? Que le style littéraire découle du style existentiel. Au vrai, il en revient à Buffon pour lequel le style, c’est « l’homme même ». Voilà pourquoi Grozda, dans cet essai souriant, ne parle que de lui !

Denis Grozdanovitch, Une affaire de style, Grasset, 2025. 234 pages

Une affaire de style

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