Le droit du sol est-il vraiment un « principe fondamental » de la République, comme l’affirmait François Hollande ?

Et quoi qu’il en soit, ne devrait-on pas aussi parler de « devoir du sol » de temps en temps ? Le droit du sol sans l’assimilation n’est que ruine de l’âme de la France… L’article Le droit du sol est-il vraiment un « principe fondamental » de la République, comme l’affirmait François Hollande ? est apparu en premier sur Causeur.

Mar 20, 2025 - 19:14
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Le droit du sol est-il vraiment un « principe fondamental » de la République, comme l’affirmait François Hollande ?

Et quoi qu’il en soit, ne devrait-on pas aussi parler de « devoir du sol » de temps en temps ? Le droit du sol sans l’assimilation n’est que ruine de l’âme de la France…


La loi du 22 juillet 1993 réformant le code de la nationalité soumettait son obtention, par les enfants nés de parents étrangers, à une déclaration de volonté motivée entre 16 et 21 ans. Les préfectures organisaient des cérémonies de naturalisation pour célébrer l’évènement avec solennité. Le texte passa avec succès le contrôle de constitutionnalité : le « Conseil des 9 sages » n’a pas élevé le droit du sol au rang d’un « principe fondamental reconnu par les lois de la République ». Il estime que son instauration par la loi de 1889 confirmée en 1927, correspond à une mesure liée aux circonstances de l’époque avec la mise en place de la conscription (Décision n° 93-321 DC du 20 juillet 1993). Revenue aux affaires en 1997, la gauche sous la férule d’Élisabeth Guigou, garde des Sceaux, s’empressa d’annihiler le dispositif en restaurant l’automaticité du droit du sol qui prévalait antérieurement (loi du 16 mars 1998 modifiée). Désormais, en vertu des articles 21-7 et 21-11 du Code civil, tout enfant né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française dès sa majorité, ou de façon anticipée sur déclaration à partir de l’âge de 13 ans (au nom du mineur) et de 16 ans.

Invité sur BFMTV le 9 février 2025, et contre la jurisprudence du Conseil constitutionnel, l’ancien président de la République, François Hollande, qualifia le droit du sol comme étant un des « principes fondamentaux de la République », alors que le Sénat doit le 25 mars 2025 débattre sur la question du rallongement de la durée de résidence de parents étrangers à Mayotte pour qu’un enfant puisse acquérir la nationalité française.

Mayotte convoque dans le débat la question de la nationalité

La loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, visant l’objectif de lutter contre l’immigration venue des Comores, déroge aux articles précités du Code civil, et exige que l’un au moins des parents réside en France de manière régulière et interrompue depuis plus de trois mois (art. 2493 du Code civil). Le Conseil constitutionnel a validé cette disposition au motif que la différence de traitement instaurée tient compte des caractéristiques et contraintes particulières propres à Mayotte soumise à des flux migratoires conséquents (Décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018).

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On se souvient ensuite que le président de la République a saisi le Conseil constitutionnel du projet loi Immigration-intégration du 26 janvier 2024. Étaient visés les amendements du groupe LR au rang desquels figurait l’article 81 de la loi qui prévoyait un durcissement des conditions d’acquisition de la nationalité française pour les enfants nés de parents étrangers dans les territoires de la Guyane, de Saint-Martin et de Mayotte. Il était prévu, pour Mayotte, que les deux parents (un seul pour la Guyane et Saint-Martin) doivent avoir résidé régulièrement sur le territoire depuis un certain temps. Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition pour des raisons de forme, en considérant qu’elle présentait le caractère d’un « cavalier législatif », sans lien direct avec le projet de loi. C’est évidemment contestable, mais il ne s’est pas prononcé sur le fond, au regard des principes constitutionnels d’égalité devant la loi et d’indivisibilité de la République. La décision du 25 janvier 2024 ne semble pas amorcer un revirement de jurisprudence.

Anne-Marie Le Pourhiet1 précise que les lois concernant la nationalité française sont des lois de souveraineté qui ne peuvent varier d’une collectivité à une autre, et de s’étonner qu’un tel dispositif ait pu être validé par le Conseil constitutionnel. La professeure de droit public propose donc la suppression du droit du sol sur l’ensemble du territoire national.

Le droit du sol n’est pas consubstantiel à la tradition républicaine

Le journaliste Guillaume Perrault rappelle que « la Révolution fait dépendre la qualité de français, pour l’essentiel du droit du sang. Cette expression millénaire, héritée de l’Antiquité et du droit romain (jus sangunini), n’a rien d’agressif. C’est un principe juridique qui signifie que la citoyenneté repose sur la filiation […] », et montre « qu’après la défaite de 1870, les républicains sont décidés à faciliter l’accès à la nationalité pour astreindre les bénéficiaires au service militaire et grossir les effectifs de l’armée. […] Plutôt que le droit du sol, il serait plus exact et plus éclairant de parler de devoir du sol. »2 Si, tradition constitutionnelle il y a, elle repose sur un accès souvent aisé à la nationalité à condition de manifester une volonté d’assimilation « afin d’être digne d’obtenir la qualité de français, jugée hautement désirable » (article précité). Le concept d’immigration choisie est donc recevable. S’agissant de la naturalisation, autre mode d’acquisition de la nationalité, l’article 21-24 du Code civil énonce que « nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue, de l’histoire, de la culture et de la société françaises, […], et des droits et devoirs conférés par la nationalité française ainsi que par l’adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République. » Lorsque la volonté d’assimilation est gravement trahie, l’article 25 du même Code prévoit les possibilités de déchéance de la nationalité sauf si elle a pour effet de rendre l’individu apatride.

« Le peuple français est un composé. C’est mieux qu’une race. C’est une nation »

Cette formule de l’historien Jacques Bainville3 illustre la conception volontariste qui appelle un acte d’adhésion à ce qui fonde la personnalité de la nation. Or, « la culture c’est la mémoire du peuple, la conscience collective de la continuité historique, le mode de penser et de vivre… En vidant une nation de sa culture on la condamne à mort » (Milan Kundera, Le Monde, 1979).

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Ernest Renan4 donne ses lettres de noblesse à une conception française de la nation dans la veine de la tradition républicaine : « Une nation est une âme, un principe spirituel […] le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis […]. L’existence d’une nation est un plébiscite de chaque jour […] Par leurs facultés diverses, souvent opposées, les nations servent à l’œuvre commune de la civilisation ; toutes apportent une note à ce grand concert de l’humanité. » Et de résumer ainsi : « L’homme n’est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion […] ». Cette définition fait écho à l’œuvre de la IIIème République. C’est elle qui créa l’école libre des sciences politiques en 1872 afin de répondre à la crise politique et morale qui frappait la France dans le contexte de la défaite de 1870. Sciences Po est devenue un défilé de keffieh sous l’égide du wokisme conspuant le récit national expulsé des programmes scolaires. C’est elle qui convoqua Jeanne d’Arc comme figure allégorique du récit national avant même que l’Église catholique ne la canonisât ! Les théories racialistes prônent à l’inverse, l’assignation identitaire. Sous prétexte de société inclusive, la France devient « un espace multiculturel ouvert à tous les vents », porté par « un taux d’immigration qui représente une rupture historique 5». L’entreprise d’anéantissement ou de cancel culture est menée tambour battant et avance sous la bannière de l’extrême gauche qui, avec ses idiots utiles, font régner un climat de « terrorisme intellectuel » en verrouillant la liberté d’expression (l’écran noir de C8), et en œuvrant à rendre la société française « charia compatible » selon l’expression de Florence Bergeaud-Blackler. L’invitation à l’Assemblée nationale, lancée par le député R. Arnault (LFI), au comité contre l’islamophobie en Europe issu du CCIF dissout en 2020, pour ses accointances avec la mouvance islamiste, témoigne de l’entrisme des Frères musulmans et de leurs relais, qui diffusent leur idéologie dans les clubs sportifs6, dans les écoles, collèges et lycées publics, au cœur des institutions européennes. La France est confrontée au repli identitaire et à la progression du fondamentalisme islamiste7 qui menacent son modèle civilisationnel. La journaliste Pauline Condomines8 montre, après avoir infiltré des collectifs de sans-papiers, comment les militants associatifs instrumentalisent les jeunes migrants non admis au statut de mineurs isolés, pour grossir le cortège des revendications indigénistes, en contrepartie, pour les plus actifs de ces migrants, d’une assistance dans leurs démarches de régularisation (voir par exemple l’épisode de l’occupation de la gaîté lyrique).

Le droit du sol sans l’assimilation n’est que ruine de l’âme de la France.

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  1. Le Figaro, Tribune, 13 mars 2025 ↩
  2. Le Figaro, Tribune, 13 mars 2025 ↩
  3. Le Figaro, Tribune, 13 mars 2025 ↩
  4. Ernest Renan, Qu’est qu’une nation, Conférence prononcée à la Sorbonne en 1882 ↩
  5. Jean Sévillia, Les habits neufs du terrorisme intellectuel, Perrin, 2025 ; Démographie en France : conséquence
    pour l’action publique de demain, note d’éclairage, Institut Montaigne, août 2023 ↩
  6. Médéric Chapitaux, Quand l’islamisme pénètre le sport, PUF, 2023. Le Sénat vient d’adopter le 18 mars 2025
    une proposition de loi visant à interdire le port de signes ou de tenues manifestant ostensiblement une
    appartenance politique ou religieuse pendant les compétitions sportives organisées par les fédérations sportives,
    les ligues et leurs associations affiliées, ainsi que le détournement d’un équipement sportif, et impose le respect
    du principe de neutralité et de laïcité dans les piscines municipales. Pour rappel, le Conseil d’Eta a validé les
    statuts de la FFF qui prévoient l’interdiction des tenues et signes en question (CE 29 juin 2023), et a suspendu
    l’exécution du règlement intérieur des piscines municipales de Grenoble qui autorisait le « burkini » (CE 21 juin
    202). ↩
  7. Florence Bergeaud-Blackler, Le frèrisme et ses réseaux, Odile Jacob, 2023 ↩
  8. Pauline Condomines, Livre noir, L’enfer du décor ↩

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