La spiritualité chrétienne contre la religion «woke» ?
L’augmentation du nombre de nouveaux baptisés, lors des dernières fêtes de Pâques augure-t-elle de la sortie de la France du catholicisme « zombie » ? Les conservateurs, inquiets par les excès du wokisme ou l’islamisation du pays, veulent y croire. Analyse... L’article La spiritualité chrétienne contre la religion «woke» ? est apparu en premier sur Causeur.

L’augmentation du nombre de nouveaux baptisés, lors des dernières fêtes de Pâques, augure-t-elle de la sortie de la France du catholicisme « zombie » ? Les conservateurs, inquiets par les excès du wokisme ou l’islamisation du pays, veulent y croire. Analyse et perspectives.
Malraux soutenait que « la nature d’une civilisation, c’est ce qui s’agrège autour d’une religion » (note sur l’islam, 1956). Autrement dit, il n’y a pas de civilisation sans quête spirituelle. La spiritualité chrétienne culmine avec l’architecture gothique, qui de son berceau en île de France, s’est répandue à travers toute l’Europe. L’Occident offre une mosaïque d’abbayes, d’églises et de cathédrales. Les racines chrétiennes de l’Europe ne font aucun doute même si elle refuse aujourd’hui d’en accepter l’augure. Elle succombe aux chimères de la cancel culture et du wokisme. L’Union européenne cherche même à s’inventer un « coran européen » subventionné à hauteur de 10 millions d’euros. Sous les auspices de la démocratie libérale, Francis Fukuyama, prophétisait « la fin de l’histoire » (1992) qu’aurait consacrée la chute du mur de Berlin. Mais, rattrapé par le retour de l’histoire, Samuel Huntington annonce le « choc des civilisations » (1996) dont l’un de ses actes se joue sur la scène européenne.
Les élites complaisantes avec le wokisme
« La religion woke » (Jean-François Braunstein, Grasset, 2022) appauvrit le terrain sur lequel elle prospère. Elle emporte tout dans un maelström d’imposture morale et de « terrorisme intellectuel » (Jean Sévillia, Les Habits neufs du terrorisme intellectuel, Perrin 2025). Elle détourne la recherche scientifique pour l’embrigader dans le militantisme académique, jusqu’à chasser les professeurs de leur amphithéâtre, et empêcher les conférenciers non convertis à y pénétrer (Nathalie Heinich, Ce que le militantisme fait à la recherche, Gallimard, tracts, n°29). L’université de Lyon II fut le théâtre d’une campagne de dénigrement, frappant le géographe Fabrice Balanche, maître de conférences, orchestré par un groupuscule « antiraciste » adepte de la censure et de l’autocensure (voir la tribune collective de 50 universitaires sollicitant la démission de la présidente de l’université en raison de sa « complaisance glaçante », Le Figaro, 18/04/2024). L’université est-elle encore le lieu privilégié de confrontation des idées ou une chambre de polarisation entre le bien et le mal qui investit le camp du premier dans le rôle messianique faisant du second la victime expiatoire de l’idéologie racialiste, antispéciste et néoféministe ? Ce cénacle absurde fomente ce que Philippe de Villiers qualifie de « mémoricide » (Fayard, 2024). La cérémonie d’ouverture des jeux olympiques Paris 2024 mit en seine (sic) cet effacement de la mémoire. Où étaient Lutèce, Saint Denis, et toutes les grandes figures de l’histoire de France ? Une fable woke que la cérémonie de réouverture de Notre-Dame Paris le 7 décembre 2024 permit d’oublier. Les philosophes de la déconstruction (Deleuze, Derrida, Foucault) pratiquaient la politique de la terre brulée, au sacrifice de toutes les institutions et traditions sur l’autel de la liberté individuelle en recyclant au besoin les concepts de la philosophie allemande (Luc Ferry et Alain Renaud, La pensée 68, Folio, 1988). Désormais, le stade du « catholicisme zombie » (Emmanuel Todd), caractérisé par les seuls réflexes culturels, serait même en voie d’extinction. La souveraineté du sujet dégénère en subjectivisme délirant et offre quelques réalités au mythe de l’Homme démurge apparaissant sous les traits du transhumanisme jusque et y compris dans la réassignation sexuelle. Ce surhomme est un colosse aux pieds d’argile. Il n’a d’autre volonté de puissance, que l’expression de son droit au ressenti opposable, et renonce à projeter la destinée du genre humain sur les générations futures. Le Moi, gouverné par le principe de réalité, s’abandonne au Ça, présidé par le principe du plaisir.
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Un regain d’intérêt pour le catholicisme dans les jeunes générations
L’affluence des croyants à la messe des Cendres qui inaugure la période de Carême, et la recrudescence des catéchumènes -17000 adultes et adolescents baptisés lors de la veillée pascale -, illustrent un regain d’intérêt pour la spiritualité chrétienne qui traduit une quête de sens face à l’insignifiance du consumérisme effréné autant qu’elle manifeste une réaction à l’islamisme conquérant dont les réseaux fréristes travaillent à rendre la société « charia compatible ». Cette tendance à la redécouverte des racines chrétiennes est à contre-courant du « pays légal » qui impose d’une lecture à géométrie variable des principes de laïcité, de neutralité et de respect des « valeurs de la République ». Elle offre d’un côté une face inclusive, comme en témoignent le jugement rendu par le tribunal administratif de Melun le 6 février qui annule l’OQTF frappant l’influenceur algérien Doualemn, ou celui du tribunal administratif de Lille qui, le 23 avril, annule la décision du préfet du Nord mettant fin à l’association entre l’Etat et le lycée privé confessionnel musulman Averroès. Si l’on voulait plagier la célèbre réplique d’Arletty dans le film Hôtel du nord du Marcel Carné (1938), on ferait dire à Marianne : Atmosphère, atmosphère, est-ce que j’ai une gueule de [djihadisme] d’atmosphère ? (Gilles Kepel). L’autre face oppose une lecture intransigeante de ces principes, lorsque par exemple le tribunal administratif de Lyon annule le 19 mars la décision du commandant de groupement de gendarmerie de l’Ardèche d’organiser une journée de célébration de la sainte Geneviève en tant qu’elle prévoit la tenue d’un office religieux, tout en admettant que sainte Geneviève est reconnue comme la patronne et la protectrice de la gendarmerie française, symbole traditionnel, associé aux valeurs de courage, d’engagement et de dévouement. De même, le Conseil d’État n’a-t-il pas le 7 avril 2023 enjoint la commune des Sables-d’Olonne de retirer la statue de l’archange Saint Michel érigé en 2018, du domaine public communal, au motif qu’elle appartient à l’iconographie chrétienne et que l’utilisation de la place, en parvis de l’église éponyme, ne permet pas de la qualifier de dépendance de l’édifice du culte ? Mais, l’histoire de France ne s’est-elle pas également appropriée cette figure symbole de l’indépendance et de victoire nationale ? Cette mise en perspective de la jurisprudence donne le sentiment d’un deux poids deux mesures qui trahit « l’âme de la France » car, si les religions sont égales devant la loi, elles ne sont pas devant notre histoire, depuis le baptême de Clovis en 496, dont la France n’osa même pas célébrer le 1500ème anniversaire en 1996 ! Est-elle restée fidèle aux promesses de son baptême ? Il faut aller au Puy-du-Fou (Parcours immersif, Le premier royaume) pour vivre une belle évocation de cet acte fondateur.
La liberté de conscience est évidemment non négociable. Mais, elle n’implique pas de piétiner le récit national, qui comme le disait le Général de Gaulle vient du fond des âges.
Que soit remerciée cette jeunesse qui renoue avec les fondements de notre civilisation.
Elle n’a pas peur ! Elle est porteuse d’une force de vie source d’espérance en l’humanité alors que les écologistes radicaux ne voient en elle qu’une espèce nuisible ! La spiritualité chrétienne n’est pas une aventure vers un nouvel obscurantisme. Pour s’en convaincre, et à l’heure où l’Église catholique se cherche un nouveau chef, il est opportun de parcourir le discours du Pape Benoit XVI au monde de la culture, prononcé le 12 septembre 2008 au Collège des Bernardins à Paris. Il évoquait les origines de la théologie occidentale et des racines de la culture européenne. Le souverain pontife rappelait que « Le désir de Dieu comprend l’amour des lettres, l’amour de la parole, son exploitation dans toutes ses dimensions […]. De cette exigence capitale de parler avec Dieu et de chanter avec les mots qu’Il a lui-même donnés, est née la grande musique occidentale […] ». Il ajoutait que « L’écriture a besoin de l’interprétation. […] Le Seigneur, c’est l’Esprit, et là où l’Esprit du Seigneur est présent, là est la liberté (2Co 3,17) ». Mais, il prévenait que : « Si, la culture européenne d’aujourd’hui comprenait désormais la liberté comme absence de liens, cela serait fatal et favoriserait inévitablement le fanatisme et l’arbitraire ». Et, sa conclusion semble être comme un écho à Malraux, précité : « Ce qui a fondé la culture de l’Europe, la recherche de Dieu et la disponibilité à l’écouter, demeure aujourd’hui encore le fondement de toute culture véritable ». Difficile de reconnaître ce Pape derrière le portait réactionnaire, brossé par ses contempteurs « progressistes » zélés.
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