La nouvelle bataille du Trocadéro

Le projet de réaménagement de la place du Trocadéro est une nouvelle démonstration de la méthode Hidalgo : imposer par la force une écologie punitive et une idéologie « festive », au détriment de la beauté de Paris et de la vie quotidienne de ses habitants. La préfecture a retoqué ce nouveau délire, mais pour combien de temps ? ... L’article La nouvelle bataille du Trocadéro est apparu en premier sur Causeur.

Avr 19, 2025 - 11:56
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La nouvelle bataille du Trocadéro

Le projet de réaménagement de la place du Trocadéro est une nouvelle démonstration de la méthode Hidalgo: imposer par la force une écologie punitive et une idéologie «festive», au détriment de la beauté de Paris et de la vie quotidienne de ses habitants. La préfecture a retoqué ce nouveau délire, mais pour combien de temps ?


Les touristes et sans doute bien des Parisiens qui arpentent chaque jour la place du Trocadéro ignorent probablement que ce haut lieu parisien doit son nom à l’un des plus beaux faits d’armes de la France. En avril 1823, un corps expéditionnaire de 95 000 hommes envoyé par Louis XVIII et commandé par le duc d’Angoulême franchit les Pyrénées, prend Madrid et se dirige vers Cadix où l’Assemblée espagnole, acquise aux idées révolutionnaires, retient prisonnier Ferdinand VII, cousin des rois de France. Le fort Louis est pris à la baïonnette et l’île de Trocadéro tombe. L’armée française ne perd que 31 hommes et la monarchie espagnole est restaurée.

Moins sanglante

C’est une tout autre bataille qui se joue aujourd’hui au Trocadéro, moins sanglante certes, mais tout aussi héroïque. Non contente d’avoir transformé comme on sait les places de la Nation, de la République et de la Bastille, non contente de vouloir semer des palmiers sur la Concorde et des cocotiers sur les Champs-Élysées, Madame Hidalgo veut disneylandiser la belle place qui fait face au palais de Chaillot et dont l’harmonie patrimoniale a été atteinte au moment de l’Exposition universelle de 1937. Notons que cet équilibre s’est vu enrichi dans les années 1950 avec la statue du maréchal Foch due à Raymond Martin et le magnifique monument à l’infanterie réalisé par Paul Landowski. Adieu à cet ensemble remarquable : piétonnisation, circulation réduite à un improbable double sens en fer à cheval à l’arrière de la place et « végétalisation » destinée à organiser pique-niques et privatisations événementielles forment le projet délirant déjà partiellement mis en place à la faveur des Jeux olympiques.

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Ainsi défiguré depuis des mois par un salmigondis de plots, piquets, panneaux, feux et marquages au sol, le Trocadéro est devenu l’exemple même de l’absurdité technocratique et du mépris pour la beauté de Paris. Rien ne fonctionne et tout est laid. Écologie punitive et idéologie « festive » antipatrimoniale aboutissent de fait à un chaos dangereux pour tout le monde. Problème pour l’Hôtel de Ville : le projet hidalgien a été interdit par le préfet de police (mesure confirmée au tribunal administratif, en appel et en cassation en 2022) et l’état actuel, qui n’était que provisoire, est désormais parfaitement illégal. Qu’à cela ne tienne, la maire a plus d’un tour dans son sac. Pour amadouer le préfet et jouer la montre, Madame Hidalgo a lancé une « consultation » en ligne en janvier dernier.

C’est tout, pour le moment…

Le 4 février, un « temps d’échange » était organisé à l’Hôtel de Ville réunissant la maire, le préfet, le maire du 16e arrondissement, la commissaire de police du quartier, le colonel des pompiers chargé du secteur, des riverains et des invités de la maire de Paris. La réunion était censée faire le point après ladite consultation. Las ! Des déclarations embarrassées prétendirent alors que le « scrutin » n’était pas encore dépouillé même si l’on comprit entre les mots qu’il était très majoritairement défavorable au projet hidalgien : on sut alors qu’on n’en aurait donc jamais le résultat définitif, et pour cause ! Aux propos inquiets du colonel des pompiers qui attestait de retards significatifs dans la prise en charge des personnes en urgence et leur acheminement vers les hôpitaux, Madame Hidalgo souffla un « Il y a eu des morts ? » qui scandalisa l’assistance. Fort heureusement pour la Mairie, la claque vélocipédique « Paris en selle » avait été convoquée et expliqua doctement comment sauver la planète. Un des jeunes héros du combat climatique s’adressa à l’auteur de ces lignes pour lui demander : « Vous voulez mourir d’un cancer du poumon ? » D’autres intervenants un peu trop visiblement favorisés par le porteur du micro ânonnèrent aussi leur credo totalement déconnecté du but de la réunion et non sans une acrimonie qui sentait bon la réunion EELV. Poussés dans leurs retranchements par des riverains courageux, les joyeux bobos en question durent toutefois vite avouer qu’ils n’habitaient pas le quartier, ni même Paris… Finalement acculée, Madame Hidalgo promit alors de rétablir la circulation en attendant de proposer un nouveau projet.

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Deux mois plus tard, rien n’a changé, les promesses, comme on sait, n’engageant que ceux qui y croient. Embouteillages, cars de tourisme arrêtés moteur tournant un peu n’importe où, pistes cyclables qui ne mènent nulle part, touristes hagards errant entre les blocs de béton et les passages piétons incompréhensibles continuent d’offrir un spectacle de désolation sur l’une des plus belles places de Paris. Jérémy Redler, maire de l’arrondissement, et le préfet Laurent Nuñez restent cependant vent debout et, nous dit-on, réfléchissent aux mesures juridiques coercitives qui redonneraient par la force leur fluidité et leur beauté aux lieux. La bataille du Trocadéro n’est pas finie, mais elle révèle, une fois de plus, les obsessions idéologiques d’Anne Hidalgo et sa conception très particulière de la démocratie…

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