Harvard est-il devenu le nouveau cancre des États-Unis?
Accusations d’antisémitisme. Donald Trump renouvelle ses accusations contre la prestigieuse université américaine. Selon lui, elle serait devenue un « foutoir progressiste » accueillant « des étudiants du monde entier qui veulent détruire notre pays ». L’établissement dénonce des menaces sur la liberté d’enseignement... L’article Harvard est-il devenu le nouveau cancre des États-Unis? est apparu en premier sur Causeur.

Accusations d’antisémitisme. Donald Trump renouvelle ses accusations contre la prestigieuse université américaine. Selon lui, elle serait devenue un « foutoir progressiste » accueillant « des étudiants du monde entier qui veulent détruire le pays ». L’établissement dénonce des menaces sur la liberté d’enseignement et la liberté d’expression.
Le 14 avril, l’administration Trump décidait de geler 2,2 milliards de dollars de subventions destinées à Harvard. Cette décision faisait suite au refus de l’établissement de se plier aux exigences du Bureau ovale visant à renforcer la protection des étudiants juifs et à lutter contre l’idéologie woke qui fait des ravages sur ses bancs. Alan Garber, le président de Harvard, avait opposé une fin de non-recevoir à ces demandes en déclarant que l’université « n’abdiquerait pas son indépendance » et « n’était pas prête à accepter des exigences qui vont au-delà de l’autorité légitime de cette administration ».
Si la méthode Trump peut dérouter sur d’autres sujets, son engagement constant en faveur de la protection des étudiants juifs sur les campus américains mérite d’être salué. Harvard, qui n’a à aucun moment assuré la protection des étudiants de confession juive, fait preuve d’une mauvaise foi confondante et indigne en invoquant le premier amendement, se terrant ainsi derrière une « liberté d’expression » qu’elle n’a en réalité cessé d’instrumentaliser – et dont le respect serait subitement devenu sa priorité !
A la traîne dans la lutte contre l’antisémitisme
Au lendemain du pogrom du 7-Octobre, tandis que plusieurs associations étudiantes estimaient Israël « entièrement responsable » des attaques terroristes du Hamas, la direction de Harvard se murait dans le silence. Une passivité qui illustre parfaitement l’attitude qui a été celle de l’établissement censé être le plus prestigieux des Etats-Unis, face à la vague d’antisémitisme qui a frappé les universités américaines dès le lendemain du 7 octobre.
Cette inaction coupable a incontestablement favorisé l’expression d’un antisémitisme débridé dont on ne cesse de découvrir les sordides conséquences au gré des affaires sur lesquelles doivent désormais se prononcer les tribunaux américains. En 2023, deux étudiants propalestiniens sont accusés d’avoir agressé physiquement un étudiant juif. Bien que ces deux étudiants soient poursuivis[1], Claudine Gay, la présidente d’alors, n’avait pas pris la moindre sanction à leur encontre. L’université a même récemment publié une tribune signée par Ibrahim Bharmal, l’un des deux accusés[2]. Les déclarations d’un membre du corps enseignant comparant l’existence d’Israël à de la « suprématie blanche » ou estimant que mettre en relation les termes « juif » et « démocratie » conduisait à « créer un environnement hostile » ne furent pas davantage sanctionnées par la direction[3].
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Dénonçant ces manquements et considérant que Harvard ne remplissait plus « les attentes en matière intellectuelle et de respect des droits civiques justifiant l’investissement fédéral », l’administration Trump a adressé à la direction de l’établissement plusieurs directives à respecter afin que celui-ci puisse continuer de bénéficier de l’appui financier du gouvernement fédéral[4]. Harvard devra ainsi, notamment, réformer en profondeur sa direction afin de limiter l’influence de tout activisme, mettre en place une politique de recrutement basée sur le mérite et en partager les données avec le gouvernement fédéral, définir une politique d’admission elle aussi basée sur le mérite plutôt que sur des critères ethniques et transmettre les données correspondantes au gouvernement fédéral ou encore accepter un audit d’une commission extérieure afin d’assurer la « diversité des points de vue » et la fin des programmes qui « alimentent le harcèlement antisémite »[5].
Estimant dans une lettre « qu’aucun gouvernement, quel que soit le parti au pouvoir, ne doit dicter aux universités privées ce qu’elles doivent enseigner, qui elle peuvent enrôler et embaucher, ni sur quelles matières elles peuvent mener des recherches[6] », Alan Garber s’est insurgé contre ces demandes et a décidé de porter l’affaire devant un tribunal fédéral afin que le gel des subventions, qui menacerait selon lui des programmes vitaux comme les recherches en matière d’épidémies infectieuses ou celles relatives au traitement des vétérans blessés au combat[7], soit déclaré illégal.
Par ailleurs, le président de l’université souligne que son université avait mis en place une task force destinée à lutter contre l’antisémitisme. Alors que cette dernière devait rendre son rapport à l’automne 2024, ce document se fait toujours attendre[8]. Les avancées de l’établissement en matière de lutte contre l’antisémitisme se limitent pour l’instant à un maigre mea culpa relayé par ses avocats en ces termes : « Les membres des communités juive et israélienne de Harvard ont signalé des traitements vicieux et répréhensibles »[9].
Cette tendance à l’antisémitisme n’est d’ailleurs pas nouvelle comme l’illustre la décision de l’établissement de limiter le nombre d’étudiants juifs en 1921 ou encore la réception d’Ernst Hanfstaengl, l’ancien attaché de presse d’Adolf Hitler, en 1960. Elle se perpétue aujourd’hui par l’intermédiaire de l’idéologie woke dont l’essence est la lutte contre l’oppresseur blanc. Selon les tenants du wokisme, la civilisation occidentale oppresse les minorités, Israël est un état colonial et les juifs sont le symbole de l’oppresseur blanc. A ce titre, les récentes résolutions de Harvard d’ériger la liberté d’expression en priorité paraissent non seulement insuffisantes mais aussi honteuses dans la mesure où l’université a constamment sacrifié ce principe sur l’autel du wokisme.
Hors sujet sur la liberté d’expression
En 2023, la Fondation pour les Droits Individuels et l’Expression classait Harvard à la dernière place en matière de liberté d’expression, décrivant le climat entourant l’exercice de cette liberté dans l’établissement comme « épouvantable »[10]. On ne sait dès lors pas bien si la défense de l’université relève plus du cynisme ou de l’incompétence. La lettre publiée par Alan Garber sur le site de l’université prétend en effet que les exigences de l’administration Trump constitueraient une violation du premier amendement de la Constitution des Etats-Unis et notamment de la liberté d’expression que ce dernier protège.
Le problème est que Harvard entretient une conception biaisée de ladite liberté d’expression qui a éclaté au grand jour lors des manifestations post 7-octobre. Dans un campus où il ne fait pas bon mégenrer, les appels à l’intifada ne dérangent personne dans la mesure où ils sont considérés comme l’expression d’une « résistance légitime » contre les oppresseurs. A ce titre, les manifestants affichant leur soutien aux terroristes du Hamas ne sont pas inquiétés par l’établissement[11].
Harvard entend en réalité promouvoir la liberté d’expression à partir du moment où ceux qui en font usage ne dérogent pas à la pensée unique en vigueur sur son campus. Cela implique notamment d’être entièrement acquis à la cause wokiste. En juillet 2024, Lawrence Bobo, doyen des sciences sociales de Harvard nommé par Claudine Gay, déclarait que quiconque critiquait Harvard ou ses politiques devait faire l’objet de sanctions[12].
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En octobre 2024, Harvard mettait en place une politique de « doxing » dangereusement restrictive visant à lutter contre le harcèlement en ligne[13]. D’après ces règles, tout membre de l’université peut être sanctionné pour avoir partagé des informations relatives à un autre étudiant dans l’intention de harceler l’étudiant concerné. Les termes employés sont très vagues et pourraient aboutir à des situations préoccupantes en matière de liberté d’expression. Comme le souligne le National Review, il serait ainsi autorisé de manifester sur le campus mais interdit pour quiconque de publier une photo d’un manifestant avec un commentaire contestant l’objet de la manifestation[14].
Donald Trump ne fait pas fausse route lorsqu’il fait mine de s’interroger sur le statut de Harvard en ces termes : « Peut-être que Harvard devrait… être taxée comme une entité politique si elle continue à promouvoir des maladies politiques, idéologiques et inspirées/soutenues par le terrorisme ? » avant de brandir le retrait de l’exonération fiscale dont bénéficie l’établissement comme menace : « N’oubliez pas que le statut d’exonération fiscale est totalement conditionné par le fait d’agir dans l’intérêt général ! ».
Alors que son président crie à l’ingérence de Washington, Harvard se montrait moins regardante quand les directives émanaient d’une administration démocrate. Biden et Obama ont plusieurs fois utilisé la loi fédérale pour influencer les universités. En 2016, Barack Obama avait par exemple poussé les universités à adopter une ligne dure pour sanctionner les étudiants réfractaires à l’idéologie transgenre en exigeant des universités qu’elles autorisent les étudiants transgenres à utiliser les toilettes qui correspondent à leur identité de genre[15].
Le cas de Harvard semble désespérant et sa conception de la liberté d’expression, qui oscille entre mauvaise foi et totalitarisme idéologique, ne fait pas honneur à sa devise (« Veritas »). Une amélioration est toutefois à noter en termes de réactivité. Alors que l’université a tergiversé pendant de longs mois au sujet de l’antisémitisme qui sévissait sur son campus, elle n’aura mis que quelques jours à organiser une riposte contre les sanctions financières décidées par l’administration Trump.
[1] https://freebeacon.com/campus/harvard-law-publishes-fond-reminiscence-from-student-facing-criminal-charges-for-assaulting-jewish-classmate/
[2] https://hls.harvard.edu/clinic-stories/advocating-for-immigrants-caught-in-two-unjust-systems/
[3] https://www.wsj.com/opinion/harvard-antisemitism-lawsuits-title-vi-jewish-students-harassment-33dcb119?mod=Searchresults_pos1&page=2
[4] https://www.harvard.edu/research-funding/wp-content/uploads/sites/16/2025/04/Letter-Sent-to-Harvard-2025-04-11.pdf
[5] https://www.harvard.edu/research-funding/wp-content/uploads/sites/16/2025/04/Letter-Sent-to-Harvard-2025-04-11.pdf
[6] https://www.harvard.edu/president/news/2025/the-promise-of-american-higher-education/
[7] https://www.wsj.com/us-news/education/harvard-sues-trump-administration-lawsuit-0f00e894
[8] https://www.thefp.com/p/harvard-antisemitism-task-force-trump
[9] https://www.wsj.com/us-news/education/harvard-sues-trump-administration-lawsuit-0f00e894
[10] https://www.bostonherald.com/2024/09/05/harvard-is-ranked-the-worst-school-for-free-speech-abysmal-climate-how-do-other-massachusetts-colleges-rank/#:~:text=Harvard%20has%20an%20“Abysmal”%20speech,of%20Pennsylvania%2C%20and%20Barnard%20College.
[11] https://www.nationalreview.com/magazine/2025/05/what-it-will-take-to-fight-campus-antisemitism/
[12] https://www.wsj.com/opinion/harvard-dean-lawrence-bobo-faculty-speech-harvard-crimson-78d7cae1?mod=saved_content
[13] https://www.harvard.edu/president/news/2024/guidance-on-addressing-online-harassment/
[14] https://www.nationalreview.com/2024/10/harvards-new-doxing-policies-threaten-free-speech/
[15] https://www.politico.com/story/2016/05/obama-administration-title-ix-transgender-student-rights-223149
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