Écoles, bureaux, commerces… que sait-on de la consommation énergétique du tertiaire en France ?

Un décret a fixé en 2019 des objectifs de réduction et une obligation de déclaration des consommations énergétiques au secteur tertiaire. Un premier bilan a été dressé par l’Ademe.

Mar 6, 2025 - 13:15
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Écoles, bureaux, commerces… que sait-on de la consommation énergétique du tertiaire en France ?
Les bureaux représentent 17 % des surfaces du tertiaire déclarées en France. Unsplash, CC BY-NC-SA

Un décret a fixé en 2019 des objectifs de réduction et une obligation de déclaration des consommations énergétiques au secteur tertiaire. Où en est-on en 2025 ? Un premier bilan a été dressé par l’Ademe.


Lorsque l’on parle de consommation énergétique du tertiaire, on désigne tous les bâtiments non résidentiels : c’est donc un périmètre très large qui englobe aussi bien les locaux des collectivités, que les commerces ou encore les bureaux. En France, cela représente 1 233 milliard de m2 (contre 3 350 milliards de mètres carrés pour le résidentiel) et 249 TWH (dont 37 % de fossiles), soit 16 % de la consommation énergétique totale de la France en 2023 (une proportion qui varie de 15 % à 20 % selon les années).

Jusqu’ici, beaucoup d’efforts avaient été menés sur le résidentiel en matière de rénovation énergétique, très peu sur le tertiaire. Il y a donc un enjeu de taille à améliorer la performance énergétique de ce gros morceau du parc immobilier français.

C’est pourquoi a été mis en place en 2019 le dispositif éco énergie tertiaire (DEET) ou « décret tertiaire », une réglementation visant à mettre en œuvre les objectifs fixés par l’article 175 de la loi ELAN : l’obligation de diminuer la consommation d’énergie des bâtiments tertiaires de 40 % d’ici à 2030, 50 % d’ici à 2040 et 60 % d’ici à 2050 – par rapport à une année de référence choisie entre 2010 et 2019.

Les propriétaires et exploitants installés dans des bâtiments comprenant plus de 1 000 m2 d’activité tertiaire (hors exception comme les lieux de culte ou les constructions provisoires) sont également soumis, depuis 2022, à l’obligation de déclarer leurs consommations sur Operat, une plateforme gérée par l’Agence de la transition écologique (Ademe), afin d’affiner la connaissance des consommations et de suivre leur trajectoire.

Trois ans après la mise en service d’Operat, l’Ademe a dressé un premier bilan qui permet de tirer de premières conclusions.


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Une prise en main progressive

Rappelons d’abord que le contexte des dernières années invite à la prudence sur l’interprétation des évolutions observées : d’une part, le Covid et le début de la guerre en Ukraine, en particulier, ont affecté les niveaux de consommation des années 2020, 2021 et 2022.

D’autre part, et même si les assujettis se sont massivement mobilisés, la mise en place d’Operat étant récente, sa prise en main par les acteurs est progressive – et, à ce stade, la non-déclaration n’a pas encore fait l’objet de sanction par l’administration. Sur le milliard de mètres carrés visés par l’obligation, de 600 millions à 650 millions sont effectivement déclarés à ce stade, en outre souvent avec du retard – la déclaration des consommations d’une année doit intervenir au plus tard à la fin septembre de l’année suivante.

Sur l’année la mieux déclarée, 21 % des surfaces concernaient l’enseignement, 17 % les bureaux, 14 % la logistique et 13 % les activités de santé.

Par ailleurs, les données transmises sur Operat constituent désormais une matière nouvelle à exploiter. Néanmoins, la qualité des données recueillies demeure encore inégale. Par exemple, dans le mix énergétique déclaré sur Operat, les énergies de stock (fioul, bois) ne représentent que 3 %, là où l’estimation nationale est évaluée à 17 %.

Un écart qui s’expliquerait par le fait que le relevé de ces consommations, tributaires de livraisons parfois échelonnées à des intervalles plus ou moins fréquents et réguliers, est plus complexe à réaliser pour les déclarants que celui des consommations d’énergies de flux qui font l’objet de facturations mensuelles ou annuelles.

Une tendance à la baisse

Ces réserves émises, les premières analyses menées par l’Ademe laissent néanmoins entrevoir de premières évolutions, plutôt encourageantes : entre la période de référence (une année choisie par le déclarant entre 2010 et 2019) et 2022, les consommations brutes ont en moyenne baissé de 22 %. Soit la moitié de l’effort à atteindre pour l’échéance 2030.

Notons toutefois que les consommations ne sont pas ajustées au climat, et l’on constate effectivement que les variations observées lui sont très corrélées.

Entre 2020 et 2021, la consommation a augmenté de 7 %, ce qui est notamment lié à la reprise d’activités après le Covid, mais aussi à un climat nettement plus rude.

Entre 2021 et 2022, la consommation a chuté de 6 % (dans un contexte de crise énergétique sur les prix et des approvisionnements) pour atteindre presque le même niveau que l’année 2020. Sur le même intervalle, le climat a été bien plus clément, ce qui a contribué à la baisse des consommations.

Des consommations non homogènes

Les données Operat permettent en outre d’identifier des disparités géographiques et entre les secteurs.

Du point de vue géographique, la répartition des surfaces déclarées et des consommations énergétiques correspond à celle des principales métropoles françaises et des bassins d’activité sur le territoire national. Les métropoles de Paris, Aix-Marseille, Lyon et Lille concentrent ainsi la majorité des surfaces et des consommations déclarées sur la plateforme. En ce qui concerne l’enseignement et les bureaux, on observe aussi que les zones côtières ont des ratios de consommation globalement plus faibles.

Par ailleurs, la large majorité des déclarations (83 %) concernent les catégories recensant le plus de surfaces (84 %) : enseignement, bureaux, logistique, santé, commerces, sports et hôtels.

Mais certaines activités se révèlent beaucoup plus intenses en énergie : ainsi, les data centers qui ne représentent que 0,1 % de la surface déclarée correspondent pourtant à 2,2 % des consommations et sont la catégorie la plus énergivore. Ils consomment de 2 000 kWh/m2 à 3 000 kWh/m2 par an (contre 100 kWh/m2 à 200 kWh/m2 par an pour un bâtiment classique). Les blanchisseries se distinguent aussi, avec une consommation moyenne proche de 1 000 kWh/m2 par an. Les commerces alimentaires quant à eux oscillent autour de 300 kWh/m2 et 400 kWh/m2 par an.

Entre 2021 et 2022, les premières évolutions observées montrent également que certains secteurs comme la logistique et la santé diminuent leurs consommations unitaires tandis qu’elles ont augmenté pour les hôtels et les commerces non alimentaires.

Sobriété, rénovation et décarbonation

Il faudra un travail d’analyse plus fin pour expliquer d’où proviennent ces évolutions : quelle est la part du climat, du contexte et des actions de sobriété et d’efficacité énergétique engagées ?

À ce stade, les acteurs s’approprient ce premier travail de déclaration et il ne leur est pas demandé de donner d’éléments sur les efforts qu’ils mènent – seulement la localisation, le type d’activité et les consommations par type d’énergie. Néanmoins, ce premier travail leur permet d’avoir une meilleure connaissance de leur parc, première étape clé pour comprendre quels leviers il est possible d’actionner.

Ces derniers varient énormément selon le type de bâtiments : ainsi, pour un boulanger ou un charcutier, l’enjeu est surtout d’améliorer les process (éclairage, machines, consommation d’eau…). Pour d’autres activités, le concours Cube, qui incite à réaliser des économies d’énergie sans mener de gros travaux, montre qu’il y a des gisements d’économie d’énergie importants lorsque l’on s’intéresse simplement aux dérives de consommation : 15 % en moyenne, et parfois jusqu’à 50 %.

Dans certains cas néanmoins, des actions de rénovation énergétique (sur les bureaux et l’enseignement, par exemple) sont nécessaires sur le bâti et, dans d’autres cas, des mesures de décarbonation. Sobriété, travaux sur le bâti et décarbonation apparaissent donc comme les trois grands piliers.

Un accompagnement indispensable

Aujourd’hui, la démarche de déclaration progresse, mais n’est pas encore acquise, ce qui n’est pas surprenant. En effet, la réglementation est nouvelle, technique et nécessite une montée en compétences pour se familiariser avec les notions réglementaires et la plateforme. Recenser les données attendues, lorsque l’on a aucune compétence en énergie, n’est pas naturel.

En outre, certains détails de la réglementation manquent encore, ce qui n’incite pas forcément tous les acteurs à s’engager dans la démarche : outre l’objectif de réduction en « valeur relative », un autre objectif de consommation énergétique en « valeur absolue » doit être fixé prochainement pour tous les secteurs d’activités – chacun s’orientera vers l’un ou l’autre.

Pour accélérer le processus, un accompagnement est indispensable. Certains assujettis ont déjà recours à des cabinets extérieurs pour réaliser leur déclaration. L’Ademe, avec le soutien de la Direction générale de l’énergie et du climat, porte ainsi un dispositif d’accompagnement, le programme de certificat d’économie d’énergie [« Pacte entreprises »] : sur quatre ans, il entend aider l’ensemble des entreprises du tertiaire en déployant un réseau de conseillers dans les territoires auprès des entreprises.

Une convention de partenariat a également été mise en place avec la Banque publique d’investissements (BPI) pour proposer aux entreprises des diagnostics (décarbonation, adaptation, rénovation du bâtiment), dans le but de faciliter leur passage à l’action.

Par ailleurs, la démarche ACT (pour Accelerate Climate Transition, en anglais) mise en œuvre par l’Ademe permet aux entreprises de diagnostiquer leur stratégie et leurs actions de décarbonation actuelles, et de se fixer des objectifs alignés sur une trajectoire sectorielle.The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.