Dans l’intérêt même des musulmans, il faut souhaiter une victoire définitive d’Israël 

La question du conflit au Proche-Orient est une blessure identitaire qui occulte bien d’autres sujets politiques importants pour le monde arabe, rappelle notre contributeur. L’article Dans l’intérêt même des musulmans, il faut souhaiter une victoire définitive d’Israël  est apparu en premier sur Causeur.

Fév 13, 2025 - 19:24
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Dans l’intérêt même des musulmans, il faut souhaiter une victoire définitive d’Israël 

La question du conflit au Proche-Orient est une blessure identitaire qui occulte bien d’autres sujets politiques importants pour le monde arabe, rappelle notre contributeur.


Le projet de Trump visant à transférer les Gazaouis vers l’Égypte et la Jordanie a suscité des réactions contrastées, allant de l’indignation totale pour certains à une adhésion sans réserve pour d’autres.

Dans le même temps, la mise en scène des otages par le Hamas a ravivé de sinistres souvenirs. Pourtant…

« I have a dream », disait Martin Luther King. J’ai un rêve. Celui d’une victoire définitive d’Israël. J’émets l’hypothèse qu’une telle victoire pourrait, malgré les apparences, avoir un effet bénéfique pour le monde musulman. Une telle issue, bien que lourde de conséquences, pourrait-elle, paradoxalement, favoriser une transformation profonde, non seulement au Moyen-Orient, mais aussi dans l’ensemble du monde musulman ? 

Imaginaires collectifs arabes

La question de la Palestine occupe une place centrale dans l’imaginaire collectif de la plupart des musulmans. Elle incarne à la fois la nostalgie d’une grandeur passée et la frustration d’un échec perçu comme une injustice historique. Cette terre, investie d’une forte charge symbolique, représente pour beaucoup la promesse non réalisée d’une hégémonie islamique méritée, contrecarrée par une domination juive jugée illégitime. Ce sentiment trouve ses racines dans une lecture historique et théologique du monde, où l’islam, en tant que religion suprême, est censé occuper une position dominante.

L’existence même d’Israël est vécue comme une offense, une anomalie qui défie l’ordre naturel des choses tel qu’il est envisagé dans certains courants de pensée islamique. L’idée que des Juifs, historiquement perçus comme des dhimmis soumis, puissent dominer une terre historiquement musulmane est source d’humiliation et de ressentiment. Ce sentiment de dépossession se trouve exacerbé par le souvenir du colonialisme occidental, qui a imposé sa suprématie sur des terres musulmanes, et par la perception d’une continuité entre cette domination passée et la situation actuelle.

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Dans cette perspective, le conflit israélo-palestinien dépasse largement la simple question territoriale. Il symbolise un affrontement entre un monde musulman qui aspire à retrouver sa grandeur et un Occident perçu comme un obstacle à cette ambition. L’infériorité économique, scientifique et technologique du monde arabe, comparée à la réussite insolente d’Israël et des puissances occidentales, alimente un sentiment d’humiliation collective. Cette blessure identitaire se transforme souvent en jalousie, en hostilité et en un discours de victimisation.

La souffrance liée à ce décalage entre une grandeur espérée et une réalité frustrante nourrit une rhétorique où la violence, sous couvert de djihad, devient un moyen légitimé de rétablir un ordre jugé naturel. Certains discours prônent une opposition radicale à Israël et aux puissances occidentales, considérées comme responsables de cette situation d’injustice. Ce rejet de l’autre, qu’il soit Israélien, occidental ou toute figure d’autorité perçue comme oppressante, s’inscrit dans une logique de projection où l’ennemi extérieur devient le bouc émissaire des propres échecs internes.

Ici aussi…

L’immigration musulmane dans les pays occidentaux s’inscrit également dans cette dynamique. Beaucoup de musulmans, contraints de quitter leur pays d’origine en raison de difficultés économiques ou politiques, se retrouvent dans des sociétés où ils perçoivent une hostilité qui est parfois le reflet de leur propre défiance. Cette situation peut conduire à une spirale de victimisation où l’exclusion ressentie se renforce par des comportements qui alimentent cette mise à l’écart. Le sentiment d’être discriminé devient alors une réalité en partie auto-réalisatrice, où la confrontation permanente génère des réactions de rejet qui confirment l’idée d’une oppression systématique.

Sortir de cette impasse suppose une révolution intérieure. Il s’agit de s’affranchir d’une vision du monde fondée sur la dichotomie entre oppresseurs et opprimés, entre élus et rejetés, entre dominants et dominés. L’amour de soi, la capacité à accepter l’imperfection et à rechercher l’amélioration sans se laisser enfermer dans une culpabilité paralysante, constituent une voie de libération. Plutôt que de se réfugier dans une vision idéalisée du passé ou dans une haine envers un ennemi désigné, il s’agit d’accepter la réalité, d’œuvrer à son amélioration et d’apprendre à vivre en harmonie avec soi-même et avec les autres.

Le piège du rêve éveillé, où le monde est perçu à travers des prismes de grandeur fantasmée et de complots imaginaires, empêche une véritable prise de conscience. Il enferme l’individu dans une posture où il oscille entre la figure du héros rédempteur et celle de la victime persécutée. Cette vision binaire, qui oppose un idéal idéalisé à une réalité perçue comme monstrueuse, entrave toute évolution constructive. La clé réside donc dans une réconciliation avec soi-même, un dépassement des illusions collectives et une réappropriation d’un destin fondé sur la responsabilité individuelle et la volonté de progrès. Cette prise de conscience est d’autant plus nécessaire que l’échec souhaitable des ambitions islamiques face à la pérennité d’Israël constituerait une défaite définitive des espoirs musulmans d’une fin de ce qu’ils considèrent comme une colonisation par les sionistes. Cette réalité pourrait, paradoxalement, être porteuse d’une double transformation : d’un côté, elle pourrait favoriser une paix durable dans la région en rendant caduc le rêve d’une reconquête par la force ; de l’autre, elle pourrait signifier pour une partie significative des musulmans un renoncement à la perspective d’une revanche sur l’Occident, ouvrant ainsi la voie à une redéfinition de leur identité et de leur rapport au monde contemporain.

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