À quoi servent ces “troncs pour les pauvres” que l’on trouve dans Paris ?

Si vous vous promenez dans certains cimetières parisiens, en étant bien attentifs, vous pourriez apercevoir ces étranges objets en fonte, munis d’une fente et d’une inscription rappelant leur fonction : les “Troncs pour les pauvres”. S’ils vous semblent venus d’un autre temps, c’est car ils sont des vestiges vieux de deux cents ans. Ces tirelires […]

Mar 25, 2025 - 18:03
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À quoi servent ces “troncs pour les pauvres” que l’on trouve dans Paris ?

Si vous vous promenez dans certains cimetières parisiens, en étant bien attentifs, vous pourriez apercevoir ces étranges objets en fonte, munis d’une fente et d’une inscription rappelant leur fonction : les “Troncs pour les pauvres”. S’ils vous semblent venus d’un autre temps, c’est car ils sont des vestiges vieux de deux cents ans.

Ces tirelires publiques, installées par l’Administration générale de l’Assistance publique au XIXe siècle, avaient pour vocation de collecter des fonds destinés à financer les hôpitaux de Paris et les services d’aides sociales. Elles sont apparues vers la moitié du XIXe siècle, après la création de l’Assistance publique en 1849.

Des racines médiévales : de la charité religieuse à l’assistance publique

Loin d’être une invention du XIXe siècle, les troncs pour les pauvres trouvent leur origine bien plus tôt, dès le Moyen Âge, sous d’autres formes. A l’époque, ils étaient principalement installés dans les églises pour recueillir les dons des fidèles. Scellés au sol ou au mur pour éviter les vols, ils étaient souvent associés à un saint, représenté par une statue, et portaient une indication sur la destination des dons. À cette époque, la charité relevait principalement de l’Église, qui encourage l’aide aux plus démunis. Les hôpitaux parisiens avaient pour vocation de les accueillir :  l’hôpital était un lieu d’assistance tenu par l’Eglise plutôt qu’un lieu de soins. C’est le cas de l’Hôtel-Dieu, plus vieil hôpital de la capitale dont la création au XVIIe siècle témoigne de cette tradition de charité.

La question de la gestion de la pauvreté a beaucoup évolué au cours des siècles, et ces troncs en sont un témoignage.  En 1656, Louis XIV crée l’Hôpital Général de Paris, où sont enfermés tous les pauvres de la capitale, quelle que soit la cause de cette pauvreté. Puis la Révolution marque un tournant radical en chassant les religieux des hôpitaux et en laïcisant l’assistance. La pauvreté est considérée pour la première fois comme un enjeu politique , elle devient un des devoirs de l’Etat. C’est ainsi que l’on passe des troncs des églises à ceux de l’Assistance publique, dont quelques vestiges subsistent encore aujourd’hui à Paris.

Au XIXe siècle, la gestion de l’aide aux plus démunis se structure encore davantage. En 1801, Napoléon Bonaparte, alors Premier Consul, institue le Conseil Général des Hospices Civils de Paris, qui devient l’Assistance publique en 1849. En raison de l’étendue de la misère, elle prend en charge une partie importante de la population (enfants abandonnés, vieillards, malades sans ressources). La bienfaisance privée et les dons sont encouragés, et c’est dans ce contexte que les troncs pour les pauvres s’installent dans l’espace public pour inciter les Parisiens à contribuer à l’effort d’assistance.

Où trouver ces troncs  aujourd’hui ?

Bien que largement disparus du paysage parisien, certains subsistent encore dans les cimetières. Vous pouvez en trouver un au cimetière du Père Lachaise, près de l’entrée Nord ou encore aux cimetières de Passy et Montparnasse.  Le tronc pour les pauvres du cimetière d’Auteuil est même le témoin singulier de l’histoire d’extension de Paris, rappelant l’annexion du village en 1860.

"Tronc pour les pauvres" -Cimetière Montparnasse, Paris
“Tronc pour les pauvres”, cimetière Montparnasse, Paris