Trump II: l’Amérique, miroir fêlé de l’Occident?
56% des Américains ont actuellement honte du locataire de la Maison-Blanche, selon l’IFOP[1]. Un électeur de Trump sur quatre (24%) en est même venu à regretter d’avoir voté pour le magnat de l’immobilier lors du scrutin présidentiel de novembre 2024... L’article Trump II: l’Amérique, miroir fêlé de l’Occident? est apparu en premier sur Causeur.

56% des Américains ont actuellement honte du locataire de la Maison-Blanche, selon l’IFOP[1]. Un électeur de Trump sur quatre (24%) en est même venu à regretter d’avoir voté pour le magnat de l’immobilier lors du scrutin présidentiel de novembre 2024.
Paradoxale Amérique : d’un côté, elle reconduit Donald Trump à la Maison-Blanche; de l’autre, elle en a honte. Trois mois après son retour tonitruant au pouvoir, le président américain est jugé sévèrement par une majorité de ses concitoyens. Selon une enquête IFOP pour NYC.eu, 56 % des Américains déclarent avoir « honte » de leur président. Une majorité significative, qui grimpe à 60 % chez les moins de 25 ans et atteint même 69% parmi les Noirs américains. L’ironie veut que même dans son propre camp, la gêne affleure : 23 % des Républicains reconnaissent aujourd’hui ne plus assumer leur vote.
Certains vont plus loin: un électeur trumpiste sur quatre regrette son choix de novembre dernier. Un chiffre édifiant, révélateur d’un climat de désillusion précoce. Car si Trump conserve l’appui inébranlable d’une base qui le suit les yeux fermés, le vernis s’effrite. Sa popularité chute : 44 % d’approbation, soit le score le plus bas pour un président américain à ce stade de son mandat depuis des décennies.
La guerre culturelle comme programme de gouvernement
Pourtant, Trump ne gouverne pas en rupture avec son électorat. Sur des sujets clivants comme l’identité de genre, l’immigration ou l’écologie, ses positions conservatrices bénéficient d’un soutien majoritaire. 62 % des Américains approuvent l’exclusion des transgenres des compétitions féminines. 57 % veulent inscrire dans la loi qu’il n’existe que deux sexes. Et 54 % soutiennent l’exploitation pétrolière, même si seulement 30 % approuvent le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris.
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Cependant à Bandera, petite ville texane autoproclamée « capitale mondiale des cow-boys », l’ambiance est toute autre[2]. Ici, Trump est roi. Dans son « Trump Store », Wyatt Forster vend des casquettes MAGA, des tee-shirts moquant les « wokistes » et des figurines du président fabriquées en Chine — paradoxe que ses clients assument sans ciller. Le soutien y est inconditionnel, identitaire (presque tribal, à lire le sujet que consacre Le Parisien à la localité ce jour !), imperméable aux volte-face diplomatiques ou aux revirements économiques. On ne vote pas pour un programme, on adhère à une revanche. Celle d’une Amérique blanche, rurale, chrétienne, qui voit dans Trump non pas un président, mais un vengeur. Le ressentiment alimente la fidélité : peu importe si les promesses tardent, tant qu’il tient tête aux élites, aux migrants et aux juges. Le contraste avec la majorité honteuse évoquée par l’étude Ifop est saisissant : deux pays, deux réalités, une même bannière étoilée.
Mais c’est sur le terrain international que le président Trump prend de court ses compatriotes. À rebours d’une opinion favorable à l’Ukraine (66 % des Américains veulent continuer de soutenir Kiev, y compris 57 % des Républicains), il persiste à vouloir couper les vivres au régime de M. Zelensky. Même fracture sur les hausses de tarifs douaniers décrétées le 2 avril : 49 % des Américains s’y opposent, tandis que 45 % approuvent. Un clivage net, profondément idéologique.
18% des Français pour les protections douanières américaines
La France, elle, observe tout cela avec une stupeur teintée d’incompréhension. L’étude IFOP révèle à quel point les mesures trumpiennes — qu’elles touchent au climat, aux minorités ou à la géopolitique — sont massivement rejetées par les Français. À l’inverse d’une Amérique fracturée, la France reste relativement unie dans son rejet de cette vision du monde. À peine 18 % des Français approuvent la guerre commerciale déclenchée par Trump, et seuls 28 % soutiennent l’exclusion des transgenres du sport féminin. En vérité, cette seconde présidence Trump agit comme un révélateur brutal : celui d’une polarisation extrême de la société américaine, où chaque ligne de fracture — sociale, raciale, religieuse — devient ligne de front. La politique n’est plus affaire d’opinion, mais d’identité. Et si Donald Trump cristallise les haines comme les fidélités, c’est peut-être parce qu’il incarne à lui seul cette Amérique en guerre contre elle-même.
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[1] « Étude Ifop pour NYC.eu réalisée par questionnaire auto-administré en ligne auprès d’un échantillon national représentatif de 1 225 Américains âgés de 18 ans et plus (8-10 avril 2025), et d’un échantillon national représentatif de 1 000 Français âgés de 18 ans et plus (9-10 avril 2025)
[2] https://www.leparisien.fr/international/etats-unis/dans-la-capitale-mondiale-des-cow-boys-les-fans-de-trump-combles-par-ses-100-premiers-jours-au-pas-de-charge-29-04-2025-V5KW252K3RFTNKVGML7XUFYSKU.php
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