« Six leçons » de Ludwig von Mises (1/2)

Economie, Capitalisme, Socialisme, Interventionnisme, Inflation, Liberté d’entreprendre, Libertés individuelles Une lecture rafraîchissante, très concrète et abordable. Ce recueil reprend une série de six conférences du célèbre économiste et penseur autrichien face à un public estudiantin en Argentine en 1959, sur des thèmes intemporels. L’intérêt de cette parution est de ne rien perdre, en les restituant, […]

Mar 7, 2025 - 23:18
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« Six leçons » de Ludwig von Mises (1/2)

Economie, Capitalisme, Socialisme, Interventionnisme, Inflation, Liberté d’entreprendre, Libertés individuelles

Une lecture rafraîchissante, très concrète et abordable.

Ce recueil reprend une série de six conférences du célèbre économiste et penseur autrichien face à un public estudiantin en Argentine en 1959, sur des thèmes intemporels. L’intérêt de cette parution est de ne rien perdre, en les restituant, du caractère pédagogique et toujours parfaitement instructif aujourd’hui, de ces leçons.

Le capitalisme

Dans sa première leçon, Ludwig von Mises nous replonge dans la société féodale qui a précédé le capitalisme. Il nous rappelle que le statut social des gens y était fixé dès la naissance, et ce jusqu’a la fin de leur vie.

Au fur et à mesure de la croissance de la population rurale, le nombre de parias (gens inemployables dans les exploitations agricoles en raison de leur surplus) devint une réelle préoccupation, en particulier dans l’Angleterre du XVIIIème siècle, dépourvue de système social suffisant.

Et c’est justement l’avènement du capitalisme qui a permis, grâce à l’innovation de certains de ces parias, nous dit l’économiste autrichien, de créer la production de masse, pour satisfaire les besoins des masses, au lieu d’une production industrielle auparavant limitée essentiellement aux objets coûteux, réservés aux classes supérieures. C’est une vraie révolution.

En somme – et c’est là que le paradoxe est intéressant – ce sont les principes capitalistes de production qui ont permis aux populations modestes qui travaillent d’accéder aux produits fabriqués dans ces usines. Pourtant, ce sont ces mêmes principes qui sont aujourd’hui l’objet d’attaques de ceux que l’on qualifie – ou qui se qualifient eux-mêmes – d’anticapitalistes, ceux qui ont pour habitude de mettre en cause la moralité de ce système.

De même, l’obsession de ces derniers quant aux puissants monopoles présumés indétrônables les a empêchés de voir que la concurrence dispose de ressorts suffisamment puissants pour toujours trouver de nouvelles solutions afin de répondre aux besoins des clients, et souvent moins chères. Cela s’est avéré,  y compris pour le chemin de fer, pourtant décrié de ce point de vue au départ.

C’est ainsi que le capitalisme, par son dynamisme et grâce aux vertus de la concurrence, a permis une élévation sans précédent des niveaux de vie, tout en suscitant une explosion démographique, au point que la plupart des individus disposent aujourd’hui d’un niveau de vie nettement supérieur à celui des riches du XVIIIème siècle.

Pour autant, les conditions de vie des débuts du capitalisme, aussi terribles fussent-elles et aussi choquantes nous apparaissent-elles avec notre regard d’aujourd’hui, ne correspondent pas à la nette dégradation que l’on veut bien croire à force de répétition, nous dit von Mises.

Les affirmations qui vont en ce sens résultent plus de la falsification que d’autre chose. La réalité est que la sous-alimentation et la mortalité étaient des fléaux très répandus, qui ont justement attiré les populations vers les usines, permettant d’endiguer ces phénomènes.

Dès le début, les premières usines prirent en compte les besoins de leurs ouvriers et ces derniers avaient de meilleurs revenus que dans les campagnes, obtenus grâce à leurs propres achats réalisés en tant que consommateurs. Et la condition des populations n’a cessé par la suite de s’améliorer, infirmant ainsi la doctrine défendue par Karl Marx selon laquelle le salaire d’un ouvrier ne dépasserait jamais ses conditions de subsistance.

De même, un malentendu persiste encore de nos jours au sujet de l’épargne. Comme le rappelle à juste titre Mises, loin d’être stérile, elle permet de financer les investissements, qui vont bénéficier aux emplois avant même de dégager des profits, sachant qu’« un pays devient plus prospère à proportion de l’augmentation du capital investi par unité de population », affirmation vérifiée dans les faits et dans l’histoire du capitalisme.

Le socialisme

Dans cette deuxième leçon, Mises commence par rappeler ce qu’est l’économie de marché, ce système de coopération entre les individus où le vrai patron est le consommateur, et en quoi la liberté économique est liée aux autres libertés. En ce sens, chaque individu est en mesure d’effectuer ses choix, à commencer par celui de la manière dont il veut s’intégrer dans la société.

Ceux qui se disent libéraux et pensent le contraire « ne se rendent pas compte que, dans un système où il n’y a aucun marché, où le régime dirige tout, toutes ces autres libertés sont illusoires, même si elles sont faites lois ou inscrites dans des constitutions ».

Pour l’illustrer, il s’appuie sur l’exemple des imprimeries et de la liberté de la presse, qui ne pourrait être effective si le régime en place possédait toutes les imprimeries. Un exemple qui peut nous faire penser étonnamment à ce qui se passe aujourd’hui dans le domaine de l’audiovisuel en France, où une autorité publique en vient à décider quelle entreprise du domaine des médias a le droit ou non d’exister à travers les fréquences qui sont accordées selon son bon vouloir. Cela met immanquablement en cause la liberté d’expression.

C’est là qu’intervient le socialisme, dans les décisions qui peuvent être prises par décret par un régime, avec tout l’arbitraire qu’il peut y avoir derrière. Cela mène très loin, car le régime peut aller jusqu’à régenter la vie des individus en déterminant ce qui lui semble être bon ou pas pour ses citoyens. Il s’immisce ainsi chaque jour de plus en plus dans tous les aspects de leur vie, y compris dans le contrôle des idées, ce qui finit par les plonger insidieusement dans la plus grande des servitudes, sans forcément mauvaises intentions au départ, mais le résultat est là.

Plutôt que de chercher autoritairement à faire le bien de ses concitoyens malgré eux, laissons-leur la liberté de commettre des erreurs, nous dit Mises. Et tenons-nous en à écrire des livres, des articles, exprimer son opinion par le discours ou même prêcher dans la rue, de tenter de les convaincre plutôt que de les réprimer.

C’est la différence entre l’esclavage et la liberté, nous dit-il : avoir la possibilité de choisir son mode de vie plutôt que de devoir obéir à ce qu’une autorité nous ordonne de faire, ici un pouvoir et une police étatique. Préférons au contraire la force des harmonies.

Le socialisme, c’est aussi la planification centralisée, une autorité économique décidant de toutes les questions relatives à la production et considérant les individus comme les soldats d’une armée, là où l’économie de marché privilégie la liberté d’entreprendre et permet la mobilité sociale (qui existait peu dans l’ère précapitaliste) ou géographique.

Or, aucun individu n’est omniscient, et d ne peut donc prétendre savoir mieux ou faire preuve de plus d’ingéniosité que ne peuvent le faire certains créateurs, génies, ou entrepreneurs libres. Car « si on doit convaincre un groupe de gens qui ne dépendent pas directement de la solution à un problème, on n’y réussit jamais ». D’autant qu’au sein du processus de création le prix joue, par ailleurs, à divers niveaux, un rôle d’information essentiel que ne maîtrisent pas des technologues qui ne sont pas engagés dans le processus de production.

Cela vaut également pour les problèmes non économiques ». Ainsi, pas plus que dans le domaine économique un décideur public ne sera en mesure de reconnaître mieux que le public le talent d’un peintre, d’un artiste, d’un écrivain ou d’un réalisateur.

« Par conséquent, tout cet enthousiasme en faveur du socialisme de la part de la génération montante de peintres, poètes, musiciens, journalistes, acteurs, repose sur une illusion. J’évoque cela parce que ces groupes sont parmi les partisans les plus fanatiques de l’idée socialiste ».

L’interventionnisme

Pour Ludwig von Mises, le socialisme mène à l’Etat totalitaire. Rien n’est, en effet, hors de sa sphère et de sa juridiction. Or un gouvernement, selon lui, devrait se limiter à protéger les individus contre les attaques violentes et frauduleuses des gangsters et les défendre contre les ennemis étrangers. En économie de marché, de même, la tâche de l’Etat devrait se limiter au bon fonctionnement de l’économie contre la fraude ou la violence au sein et hors du pays.

Mises se défend cependant de détester l’Etat. Absolument pas, insiste-t-il, mais il considère que son rôle doit de se limiter à ce qu’il sait faire, non « à diriger les chemins de fer ni de dépenser de l’argent à des choses inutiles ».

Ainsi, même les systèmes d’économie mixte ne sont pas une bonne solution. Ils suscitent généralement des déficits dans les entreprises concernées, couverts en pure perte par les impôts des contribuables.

L’interventionnisme, quant à lui, va encore plus loin. Il consiste, pour l’Etat, à interférer systématiquement dans les mécanismes de marché. Mais, ce faisant, il les perturbe : aussi bien les prix que les salaires, les taux d’intérêt et les profits. Il restreint ainsi la suprématie des consommateurs et la manière dont les entreprises mènent leurs affaires au service de ces consommateurs.

Ses interventions sont multiples, par exemple à travers le contrôle des prix, dont on sait qu’il crée des pénuries, puis des politiques arbitraires de rationnement. Même chose et mêmes effets pour l’encadrement des loyers. Pire encore, l’interventionnisme peut conduire à ce qu’un gouvernement régisse tout dans les moindres détails, comme dans le système nazi, définissant « que produire, en quelle quantité, où se procurer les matières premières et à quel prix, à qui vendre les produits et à quel prix les vendre. Les travailleurs recevaient l’ordre de travailler dans une usine déterminée, et ils recevaient les salaires que le gouvernement avait décrétés ».

 

Ludwig von Mises, Six leçons, Institut Mises France, juin 2022, 100 pages.