Quelle éducation populaire aujourd’hui, face aux enjeux de santé et de transition ?
On associe souvent l’éducation populaire à des structures comme les colonies de vacances ou les MJC… Ses incarnations sont beaucoup plus diverses et couvrent notamment le champ de la santé.

Dans les représentations collectives, l’éducation populaire reste souvent associée à l’époque du Front populaire, à des mouvements associatifs comme la Ligue de l’enseignement ou à des publics spécifiques comme les classes populaires et publics précaires. Elle a pourtant une ambition de portée beaucoup plus large et constitue une réponse à la transition écologique et aux défis sanitaires.
En 2019, un rapport du Conseil économique social et environnemental (CESE) appelait à faire de l’éducation populaire « une exigence du XXIe siècle ». En ce début d’année 2025, cet objectif est remis en avant par le think tank mutualiste l’Institut Montparnasse dans l’ouvrage L’Éducation populaire : un enjeu mutualiste qui invite à repenser le lien entre éducation populaire et économie sociale et solidaire (ESS). Cette approche est particulièrement pertinente dans le domaine de la santé où les mutuelles sont un des acteurs majeurs.
Souvent, dans les représentations collectives, l’éducation populaire reste associée un programme politique (celui du Front populaire), à des mouvements associatifs comme la Ligue de l’enseignement ou les Francas ou à des publics spécifiques (classes populaires et publics précaires). Cependant, son ambition a une portée beaucoup plus large, irriguant l’ensemble de la société.
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L’éducation populaire entretient des liens particulièrement étroits avec l’ESS dont elle est à la fois une actrice et un levier de développement, par ses effets et ses objectifs : émancipation des individus, éducation à la participation, sensibilisation à la démocratie… Les processus que l’éducation populaire met en œuvre, ses connaissances acquises et les valeurs qui la caractérisent sont autant de bases à partir desquelles va pouvoir se déployer l’ESS.
Un partage des connaissances vecteur d’émancipation
Bien au-delà de quelques mouvements associatifs emblématiques, l’éducation populaire est donc un vecteur de transformation sociale. Des très nombreuses définitions qui en ont été proposées, il ressort que son objet principal est de faire des individus, quelle que soit leur classe sociale, des citoyens actifs et mieux éclairés.
Dans l’une des premières définitions, la Société canadienne d’éducation postscolaire la définissait en 1949 comme un ensemble de pratiques éducatives « qui ne se limitent pas à l’instruction des masses et à la vulgarisation des connaissances, mais englobent tous les efforts qui tendent à rendre au peuple une âme, une conscience et le sens des responsabilités et à lui donner des moyens de s’exprimer et de s’extérioriser ».
À l’instar de dispositifs visant une distribution plus équitable des richesses, l’éducation populaire vise une distribution plus équitable des connaissances et des savoirs. Une des différences notables est que les savoirs constituent une ressource non rivale, qui peut donc être partagée entre un plus grand nombre sans que cela diminue la quantité disponible pour les autres. En ce sens, l’éducation populaire est inscrite dans un objectif de partage illimité des ressources. Cela fait d’elle un puissant vecteur d’émancipation des individus.
Équité et solidarité
En lien avec la santé, l’éducation populaire contribue de différentes façons à l’information et l’éducation du grand public sur les questions de soins, de prévention des maladies et de promotion du bien-être. Elle aide les personnes à prendre des décisions éclairées concernant leur santé. Son action vise aussi à renforcer la capacité des communautés à se mobiliser pour des changements politiques en matière de santé publique, à promouvoir l’équité en santé.
L’éducation populaire est ainsi un des vecteurs permettant que les questions de santé ne restent pas entre les seules mains des professionnels de santé mais que chacun puisse dans une certaine mesure se les approprier et y apporter un regard critique. Sous un spectre plus large, cela englobe aussi des questions d’alimentation, de travail ou d’environnement.
Le modèle historique de la mutualité qui fait de l’assuré son propre assureur en tant qu’associé ou adhérent de la mutuelle s’inscrit dans cette logique en prônant une gestion participative des questions de santé qui exprime finalement la conviction que la santé est un bien commun. Par leur mobilisation historique en faveur de la prévention ou leur engagement dans des initiatives comme les centres de santé communautaires ou la sécurité sociale de l’alimentation, les mutuelles montrent qu’elles continuent à faire de l’éducation populaire un vecteur d’innovation sociale au service d’une transition citoyenne.
L’un des enjeux à venir pour le monde mutualiste sera toutefois de préserver cette capacité et son identité car le développement des contrats collectifs et leur généralisation progressive à l’ensemble des salariés vont inévitablement affaiblir le lien entre une mutuelle et ses adhérents qui vont davantage en devenir des usagers. L’éducation populaire et citoyenne doit permettre d’éclairer et retrouver un équilibre sur ces questions et donner corps aux principes du solidarisme qui constituent le socle du contrat social : la solidarité et la responsabilité.
Cet article a été co-écrit avec Chloé Beaudet, déléguée générale de l’Institut Montparnasse.
Eric Bidet est membre du conseil scientifique de l'Institut Montparnasse.