Les « Contes de Perrault », une féérie lyrique
Le Théâtre de l’Athénée accueille une remarquable production des "Contes de Perrault", avec les musiciens de l’ensemble Les Folies parisiennes. Les costumes sont superbes, la musique est légère, et l’esprit léger... L’article Les « Contes de Perrault », une féérie lyrique est apparu en premier sur Causeur.

Le Théâtre de l’Athénée accueille une remarquable production des Contes de Perrault, avec les musiciens de l’ensemble Les Folies parisiennes. Les costumes sont superbes, la musique est légère, et l’esprit léger.
Avec Europera, John Cage avait eu l’idée poétique et loufoque, une idée à la John Cage, de faire chanter de grands airs lyriques dans des costumes, des décors emblématiques et des environnements sonores d’ouvrages différents. De façon à faire entendre une walkyrie costumée en Tosca s’époumoner dans un décor d’Aïda, ou « La donna e mobile » dans un environnement sonore et visuel japonais.
C’est un peu ce qu’ont osé, il y a légèrement plus de cent ans, le compositeur Félix Fourdrain et ses deux librettistes, Arthur Bernède et Paul de Choudens dans ces Contes de Perrault que ressuscite aujourd’hui l’ensemble des Frivolités parisiennes. À ceci près que les héros conservent leurs tenues emblématiques, mais glissent de personnage en personnage au gré des délires du livret.
Dans ces Contes de Perrault Belle Époque, le premier venu d’entre eux, le Petit Poucet, sera métamorphosé successivement en prince Charmant et en Riquet à la houppe, cependant que Cendrillon se glissera dans Peau d’âne et se réveillera en Belle au bois dormant.
En 1913, à la Gaîté Lyrique
L’ouvrage avait a été créé un 27 décembre 1913, dans ce Théâtre de la Gaité lyrique qui accueillera plus tard une saison des Ballets Russes, sera saccagé par la municipalité chiraquienne dans les années 1980, transformé hideusement dans les années 2010, et qui sera occupé en 2025 durant plusieurs mois par quelques centaines de jeunes migrants. Et c’est une magnifique, voire une héroïque entreprise de la part des Frivolités parisiennes que d’avoir osé rendre vie à un auteur à succès totalement oublié aujourd’hui, et à quelque chose oscillant entre l’opéra-bouffe et l’opéra comique, qu’on nommerait désormais comédie musicale. L’entreprise est d’autant plus extraordinaire que cette production considérable qui a vu le jour à l’Opéra de Reims mobilise un orchestre de trente musiciens, une vingtaine d’exécutants sur scène, solistes, choristes et danseurs, et un nombre incalculable de collaborateurs. Ce qui, par les temps qui courent, apparaît comme infiniment courageux et très bénéfique pour les artistes.
Allante et spirituelle
Sous la direction enjouée et complice de Dylan Corday, les musiciens de l’Orchestre des Frivolités parisiennes s’engagent sans restriction et sans bouder leur évident plaisir à œuvrer ensemble. Tout en ne rompant pas tout à fait avec l’aimable mièvrerie de l’opérette à la française, la musique est allante et spirituelle. Et l’orchestre l’est aussi qui exécute avec allégresse une partition tout en fraîcheur, délivrant ici et là de jolies mélodies. Sur scène, les artistes s’engouffrent avec énergie dans une fantaisie conteuse qui vire dès les premières scènes à la hardie bouffonnerie.
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Las ! Même s’il leur arrive d’inventer des textes loufoques et versifiés avec une drôlerie bien dans l’esprit de l’époque, Bernède et Choudens n’ont ni l’abatage ni l’humour iconoclaste de Meilhac et Halévy, quoi qu’ils leur emboîtent parfois le pas avec bonheur. Fourdrain, il s’en faut de beaucoup, n’est pas non plus Offenbach. Du coup, l’on rêve de ce que ce dernier et ses acolytes eussent pu faire d’explosif avec ces Contes de Perrault. Quant aux textes parlés, actualisés, ils ont parfois une saveur de fête de fin d’année qu’on se serait volontiers épargnée.
De multiples trouvailles
Aussi admirable que soit cette entreprise, aussi franchement engagés que soient les artistes, il manque à cette fantaisie lyrique, à tout ce travail remarquable des Frivolités parisiennes, un je ne sais quoi de canaille ou d’acide, un quelque chose de suprêmement frivole ou insolent qui emporteraient vers d’autres dimensions un spectacle qui demeure un peu gentillet, dans un esprit de pensionnaires dont on n’a su se défaire. On peut accabler les Frivolités parisiennes de compliments, ainsi que cela se fait dans les journaux, en hommage sans doute à de précédentes et heureuses productions. ; on peut même qualifier le spectacle de désopilant… Mais pourtant, c’est bien précisément ce qui lui manque : être désopilant. Comme si en France, à force de goût pour la mesure et la bienséance, à force d’être soucieux de son image, on ne savait pas délirer et se dégager d’un esprit d’opérette aux relents provinciaux d’avant-guerre. Comme si les artistes lyriques ne parvenaient pas à se faire bons acteurs.
Et c’est dommage au vu des multiples trouvailles qui pimentent la réalisation de ces Contes de Perrault. Aussi bons chanteurs qu’ils soient, les artistes ne parviennent pas à se départir d’un esprit de pensionnat versaillais. Et à l’exception de quelques-uns d’entre eux, malgré un engagement sans faille, ils manquent de chien, Chat botté compris.
Il eut fallu une direction d’acteurs plus audacieuse, grinçante, un peu déjantée. Et plus que de belles voix, de l’ironie mordante, une dégaine d’un chic ravageur. De façon à éviter à ces Contes une trop aimable et trop sage apparence.
On se souvient qu’Offenbach préférait avoir pour interprètes de ses chefs-d’œuvre débordant d’humour des comédiens plutôt que des chanteurs.
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Des costumes d’une ingéniosité époustouflante
S’il est en revanche un terrain où cette réalisation des Contes de Perrault fait merveille, c’est bien celui des costumes d’une folle fantaisie et d’une ingéniosité époustouflante. Ils ont été créés par Vanessa Sannino assistée de Ninon Le Chevalier, aidées dans leur réussite par les masques et marionnettes de Carole Allemand.
Costumes des hypocrites parents du Petit Poucet devenus roi et reine d’opérette, de la marâtre de Cendrillon et des deux méchantes sœurs, de Barbe Bleue encore, ou du Chat botté, lui plus élégant que fantasque, ils sont aussi inventifs qu’extravagants, délirants même, mais sans faute de goût. Même si celui de Cendrillon au bal est fort décevant, et celui de la fée Morgane, figure du cycle arthurien étrangement collée dans l’univers de Perrault, moins féérique qu’on eut pu l’imaginer. Cette fantaisie « hénaurme » des costumes, c’est sans doute la voie qu’auraient dû suivre plus résolument la mise en scène et la direction d’acteurs, pourtant efficaces, on le voit, avec la marâtre ou la Barbe Bleue.
Les Contes de Perrault avec Les Folies parisiennes
Théâtre de l’Athénée, Paris, jusqu’au 17 avril ; 01 53 05 19 19 ou www.athenee-theatre.com
Théâtre impérial de Compiègne, le 24 avril.
Théâtre Raymond Devos de Tourcoing, le 27 avril.
Opéra de Dijon, du 21 au 26 novembre.
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