« Le mélange des genres », une comédie burlesque sur le néo-féminisme
Après « Le nom des gens » (2010) et « Les goûts et les couleurs » (2022), le réalisateur Michel Leclerc s’empare de la tendance actuelle où le rôle propre aux hommes et aux femmes tend à s’effacer pour en grossir les traits et prendre la défense des femmes. Habitué aux comédies, il joue ici avec plusieurs combats actuels […]

Après « Le nom des gens » (2010) et « Les goûts et les couleurs » (2022), le réalisateur Michel Leclerc s’empare de la tendance actuelle où le rôle propre aux hommes et aux femmes tend à s’effacer pour en grossir les traits et prendre la défense des femmes. Habitué aux comédies, il joue ici avec plusieurs combats actuels et leurs dérives : la parole des femmes et la guerre entre les deux genres.
Une femme de la police, Simone (Léa Drucker), infiltre le collectif féministe « Les hardies ». Spécialiste des actions militantes, celui-ci tient aussi une antenne pour écouter les femmes victimes d’abus en tous genres. Simone enquête en réalité sur le lien possible entre ce collectif et le coup de fusil mortel d’une femme porté sur son mari violeur. Au commissariat, elle est entourée de collègues parfois plus féministes qu’elle. Parallèlement, Paul (Benjamin Lavernhe), un acteur raté, homme au foyer et marié à une grande actrice cherche à retrouver un sens à sa vie. Benjamin Lavernhe joue à la perfection l’homme gentil et quelque peu perdu, que le réalisateur présente comme un héros pour être en tout cas respectueux des femmes, voire soumis. Leurs trajectoires se croisent jusqu’au jour où, à force de devoir protéger son identité auprès du collectif, Simone l’embarque dans ses mensonges.
C’est un film fourre-tout, parfois drôle et souvent tiré par les cheveux, mais utile. À force de grossir les traits de certains clichés, il met en effet en lumière les défauts d’une époque étrangement militante et perdue. Les femmes se protègent entre elles, les hommes de même, et entre les deux se trouve parfois l’amour, qui lui aussi ne sait plus où il en est.
L’homme déconstruit comme solution?
Jusqu’où ira la guerre entre les sexes? La société a semble-t-il déjoué la question en répondant par le mélange des genres, c’est à dire en déviant du problème initial : la perte de sens de toute identité et la blessure qu’elle cause. Avec les vagues successives de dénonciation initiées par le mouvement Metoo, les mesures accrues pour favoriser l’égalité homme/femme et la mise en avant de l’homme doux et respectueux, directement mis en opposition avec ce qui nous semble être l’homme véritable, c’est à dire frustre et misogyne, il y a de quoi s’y perdre. Sujets d’actualité autant que pièges d’actualité. Si la parole des femmes se libère, il semblerait aussi urgent de restaurer l’identité de l’homme véritable dans ce qu’il a de bon. Et ce, sans pour autant passer par la case homme déconstruit, ou « démoli » et « déconfit », comme l’avoue Benjamin Laverhne quand sa langue fourche dans des moments de vérité du film. « Les Hardies », elles, sont présentées dans leurs bons côtés militants, mais aussi beaucoup tournées en dérision quand leur combat est à côté de la plaque : construire un mausolée, lâcher des brebis au cours d’un événement organisé par la police, se demander si faire appel à des brebis n’est pas contraire au respect des animaux, et ainsi de suite.
Si les comédies de Michel Leclerc sont habituellement savoureuses, celle-ci se perd à force d’accumuler les rebondissements et les coups de théâtres, puis les intrigues souvent non résolues. Mais le film n’est pas tant là pour aider à réfléchir que pour s’amuser des faits de société. Peut-être pour dédramatiser la situation aussi. La déraison est parfois la meilleure soupape pour échapper au trouble. Même si le propos demeure clairement féministe et dénonce le laxisme des policiers à prendre en charge les plaintes des femmes abusées et à agir en conséquence, il n’est pas là pour apporter des solutions. Dans le débat public et idéologique du moment, l’homme et la femme sont désormais rarement représentés comme complémentaires ou bienfaisants l’un pour l’autre. Et les médias ne sont pas là pour aider à faire entendre une voix moins anxiogène. Michel Leclerc nous offre au moins la possibilité d’en rire avec son talent pour la comédie à la française, qui se fiche de tirer une leçon de morale claire et lourde. Mais on le soupçonne quand même de prôner l’homme déconstruit, ou peut-être d’en être devenu un.
Le mélange des genres, de Michel Leclerc, avec Léa Drucker, Benjamin Lavernhe et Judith Chemla, 1h43, en salles le 16 avril 2025