La Grande Librairie ou Le Grand Déballage?

Anouk Grinberg, Manon Garcia, Camille Kouchner et Augustin Trapenard déversent leur propagande néoféministe sur France 5... L’article La Grande Librairie ou Le Grand Déballage? est apparu en premier sur Causeur.

Avr 18, 2025 - 14:14
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La Grande Librairie ou Le Grand Déballage?

« Sur un mode particulièrement équivoque, attisé par les journaux chaque jour dévoyés en presse à sensation, enfle et enfle encore, avec une intensité à ce jour inégalée et dans un climat de panique sexuelle et morale toujours plus exacerbée, la clameur : “Moi aussi, je suis une Victime sexuelle ! Voyez, voyeurs !” »
Sabine Prokhoris. Le Mirage #MeToo.


Sur France 5, l’animateur soporatif de La Grande Librairie, Augustin Trapenard, ne rate jamais l’occasion d’aborder les sujets sociétaux « brûlants d’actualité » qui animent panurgiquement la presse et presque toutes les radios et télévisions – prendre tous les trains progressistes en marche, flagorner cette époque racoleuse, avide de dénonciations et de confessions morbides, avec plus d’entrain encore que ses petits camarades de Libération, de Quotidien ou de France Inter, tels sont la devise et le pari d’Augustin Trapenard. Le 2 avril dernier, il recevait sur son plateau quatre femmes venues parler de leurs livres récemment parus. Trois d’entre elles se sont particulièrement distinguées en respectant le cahier des charges du féminisme actuel, tendance #MeToo au carré et grand déballage[1].

MeToo TV

Grosse promo, en ce moment, pour Respect, le livre autobiographique d’Anouk Grinberg. Cette actrice, qui affirme souffrir depuis des décennies, a attendu la mort récente de Bertrand Blier, son ancien compagnon et le père de son fils, pour sortir un opuscule dans lequel elle le décrit comme un monstre, un « homme tordu et violent » qui « n’aimait ni les femmes ni les pédés ». Peut-être était-ce le cas, peut-être pas – Blier n’est de toute façon plus là pour se défendre. Mais les voyeurs se régalent. La rage haineuse d’Anouk Grinberg met mal à l’aise, surtout lorsqu’elle jette tous les hommes dans le même sale panier. « Putain, rangez vos queues les mecs ! » éructe-elle ainsi sur France Info avant de se rendre, pour une nouvelle séance de télé-psy, auprès du bon Docteur Barthès sur le plateau de Quotidien, puis dans les locaux de Mediapart où officie la Mère Supérieure Marine Turchi, exorciste spécialisée dans les diableries masculines qui pervertissent encore le milieu cinématographique.

Après le succès de La Familia grande parfaitement orchestré par des médias voyeurs et délateurs, Camille Kouchner sort un roman, Les Immortels. Un livre qui met en exergue une pauvre citation extraite de la fiche Wikipedia de Monique Wittig, la conceptrice d’ouvrages illisibles préfigurant tous les délires wokes sur « l’hétéronormativité patriarcale », le « lesbianisme radical » et le transgenrisme, ne pouvait pas échapper à Augustin Trapenard, ce petit moine de l’orthodoxie progressiste. « Le spectre du genre est large », déclare Camille Kouchner tout en dénonçant les travers d’une idéologie libertaire post-soixante-huitarde ayant justement conduit à cette affirmation aberrante, fruit de l’idéologie woke. La romancière affirme que la trame de son livre pourrait correspondre à « chacun des titres des livres de Manon Garcia », également présente sur le plateau – raison de plus pour ne pas le lire…

On ne parlera jamais assez de Gisèle 

Manon Garcia mérite une attention particulière. Cette normalienne agrégée de philosophie a enseigné aux États-Unis où elle a ingurgité une sous-philosophie de bazar mâtinée de thèses sociologiques fumeuses, néo-féministes et wokes. Elle vient d’écrire Vivre avec les hommes : Réflexions sur le procès Pelicot. Sur le plateau de La Grande Librairie, les limites rhétoriques de cette philosophe apparaissent dès l’entame de son exposé. Manon Garcia rabâche maladroitement le dogme. Aucun truisme idéologique sur « la domination masculine » ne la rebute. Aucun poncif doctrinaire sur « le patriarcat » ne l’effraie. Les lieux communs du néo-féminisme s’empilent jusqu’à s’écrouler sur eux-mêmes, écrasés par le poids de leur nullité.

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Une phrase, qui n’est pas sans rappeler certaines fulgurances de Virginie Despentes – que Manon Garcia dit adorer – reflète très exactement le niveau intellectuel de ce blablatage : « C’est pas nous qui devons aimer les hommes, c’est les hommes qui doivent nous aimer. » Pour expliquer cette défaite de la pensée, rappelons que, lors d’un entretien donné à Victoire Tuaillon – la créatrice du podcast gentiment intitulé Les couilles sur la table – cette dame qui se prétend philosophe expliquait : « Je pense que j’aurais pas continué la philo si je n’avais pas découvert la philosophie féministe, parce que moi ce qui m’intéresse dans la philo c’est comment ça parle de la vie et que sans le féminisme la philo ça parle pas de la vie. » Intéressant, non ? Rappelons également que Manon Garcia a passé sa thèse de doctorat sous la direction de Sandra Laugier, philosophe chroniqueuse à Libération, responsable du pôle “forum des idées” de Benoît Hamon en 2017, mélenchoniste en 2022, adepte de la théorie du genre et, d’après son éditeur, « pionnière en philosophie de l’étude des séries télévisées ». Manon Garcia s’inscrit dans le sillage de cette philosophie paresseuse et netflixienne : « La culture de l’érotisation égalitaire » (sic) peut s’apprendre, affirmait-elle à Victoire Tuaillon, en regardant des séries comme Grey’s Anatomy ou Sex Education. Par ailleurs, soutiendra-t-elle dans L’Obs, « c’est une erreur de considérer que la philosophie morale doive s’arrêter au seuil de la chambre à coucher ». Sous surveillance, la sphère privée – la chambre à coucher, surtout – ne doit pas échapper à la loupe idéologique, à la transparence intégrale. Le totalitaire aime regarder par le trou de la serrure et décider, comme dans 1984, de ce qui relève du crimesex ou du biensex. Quant à la drague, élégante ou hasardeuse, triomphale ou timide, elle doit être remplacée par le seul cadre rigide et « égalitaire » du consentement éclairé en trois exemplaires. « On a pu se demander si consentir, c’est ne pas dire non, ou bien si c’est dire oui, sauf qu’en fait, ce que je veux montrer, c’est que c’est beaucoup plus compliqué : accepter un rapport sexuel, cela demande une analyse philosophique précise, appuyée sur des cas particuliers que l’on analyse en détail », dixit Manon Garcia, sergent des mœurs.

Le consentement bientôt dans la loi

Mme Garcia doit être aux anges : récemment adopté à l’Assemblée nationale, un texte de loi établit, entre autres choses, que « le consentement doit être libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable ». Le Conseil d’État estime que « le principal apport de cette proposition de loi est de consolider les avancées de la jurisprudence ». Nous entrons dans une nouvelle ère, celle des règlements finissant d’encadrer le peu qui échappait encore au contrôle totalitaire des sociétés post-démocratiques et technocratiques, en particulier la sphère privée et la sexualité – et bientôt la mort, avec la loi prévue pour légaliser l’euthanasie. Car il ne faut pas s’y méprendre : cette loi, qui aspire à ce que nous passions « de la culture du viol à une culture du consentement » (sic), n’a pas seulement pour but de modifier la définition pénale des agressions « sexuelles et sexistes ». Elle vient compléter un arsenal techno-juridique dont l’objectif est de régenter entièrement nos vies, d’administrer l’existence de chaque individu en consolidant les appareils de contrôle social – ou de domestication sociétale – que sont devenus l’État, l’école, l’université, les médias et tous les outils de dressage, de divertissement et d’encadrement susceptibles de préparer au mieux l’avènement d’un monde merveilleux empli de citoyens vertueux, positifs, respectueux des minorités, des femmes et de la diversité, inclusifs, transfriendly, écologistes et,au bout du compte, définitivement abrutis, malléables et dociles.            

Et ça continue. 85 auditions, 350 témoignages, un rapport de 279 pages, tel est le bilan de « la commission d’enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité ». Sandrine Rousseau, qui était bien sûr à la tête de cette commission inquisitoriale, regrette que certaines personnes aient refusé de venir mettre un genou à terre devant elle. Elle espère que le prochain Festival de Cannes sera « le lieu de renversement des mentalités ». Qu’apparaissent un insignifiant vide juridique ou une fine crevasse dans le règlement intérieur du cinéma qui prévoit d’ores et déjà des « référents VHSS » et des « coordinateurs d’intimité » sur les tournages, et Mme Rousseau, soyez-en sûrs, se rendra disponible pour remettre sur le métier son ouvrage de déconstruction. Le cinéma français, perclus d’idéologie, moribond, va finir de crever sous le coup de la loi. En vérité, nous sommes tous condamnés ou en passe de l’être. Il y a trente ans, Philippe Muray, dans un texte génialement intitulé L’envie du pénal, fustigeait déjà « toutes les propagandes vertueuses concourant à recréer un type de citoyen bien dévot, bien abruti de l’ordre établi, bien hébété d’admiration pour la société telle qu’elle s’impose, bien décidé à ne plus jamais poursuivre d’autres jouissances que celles qu’on lui indique ». La techno-structure juridico-médiatique qui s’impose à nous n’a pas pour objectif de rendre justice. Son but est de faire en sorte que chacun se sente coupable – de quoi ? les motifs d’incrimination se multipliant, il n’y aura bientôt que l’embarras du choix – et craigne de se retrouver un jour devant d’impitoyables juges médiatiques ou politiques ayant rédigé par avance l’acte de condamnation que les tribunaux n’auront plus qu’à entériner.

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Notons que ces féministes, actrices, philosophes et députées si promptes à dénoncer les agissements douteux et répréhensibles des hommes en général et de leurs collègues en particulier, n’évoquent jamais ceux des migrants coupables de crimes odieux. Pas un mot sur Philippine, violée et tuée par un migrant sous OQTF. Pas un mot sur Claire, violée par un migrant sous OQTF. Rien sur les centaines d’agressions sexuelles perpétrées par des étrangers dans les transports en commun ou dans les rues de nos villes. Rien non plus sur les viols commis par les migrants et les passeurs sur la presque totalité des femmes tentant de rejoindre l’Europe depuis l’Afrique. Rien sur les mutilations physiques, entre autres les excisions, que subissent de plus en plus de femmes en France. Rien sur la charia qui s’installe dans certains quartiers de nos villes. Rien sur le hijab, ce vêtement stratégique que les Frères musulmans tentent d’imposer à l’école, dans le sport et dans les entreprises. Pire encore que le silence : Sandrine Rousseau, qui trouvait déjà que le voile islamique est un objet « d’embellissement », parle d’ « islamophobie débridée » quand il est prévu d’interdire « tout signe ou tenue manifestant une appartenance religieuse lors des compétitions sportives ». Quant à Manon Garcia, lors d’un colloque intersectionnel se tenant à la Sorbonne et pompeusement intitulé « Approches phénoménologiques du genre et de la race : penser les oppressions et les résistances », après avoir déblatéré des platitudes beauvoiriennes sur la domination masculine dans les relations amoureuses, voici comment elle conclut son intervention pour convaincre l’auditoire estudiantin que « la femme est universellement dominée » : « Je ne suis pas sûr que la femme dans son harem ait tellement moins de liberté que la catholique versaillaise mère au foyer, en fait[2]. »

Dernière nouvelles désolantes et désopilantes de notre philosophe féministe. Dans un entretien donné à la revue Nouvelles Questions Féministes, après qu’elle a affirmé avoir « beaucoup de respect pour le travail de Victoire Tuaillon et Mona Chollet », Manon Garcia estime que… « Eugénie Bastié, elle ne tient pas la route intellectuellement » – voilà qui est déjà très drôle. Plus drôle encore, elle dit être estomaquée par le fait que « Jean-François Braunstein se soit senti autorisé à écrire le torchon qu’il a écrit » – le torchon dont il est question s’intitule La Philosophie devenue folle et est l’un des meilleurs ouvrages récents sur les dérives idéologiques autour des questions du genre, du droit des animaux et de l’euthanasie. Angoissée par « les langues antiprogressistes [qui] se délient », Manon Garcia reste toutefois « assez optimiste concernant la philosophie féministe ». « Je pense, dit-elle improprement, que ça va devenir de moins en moins facile de s’y opposer, aussi parce que les étudiant.e.s sont de plus en plus demandeurs.euses, et même les vieux grincheux qui sont contre vont devoir s’adapter. On va se retrouver avec des jeunes profs qui font des trucs de philo féministe avec des amphis pleins à craquer d’un côté, et d’autres qui font des trucs vieilles écoles et où c’est pas ça. » Philosophie de bas étage, pensée chétive, langue déglinguée – Manon Garcia dans toute sa splendeur.

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[1] La quatrième et dernière intervenante était Marie Ndiaye. N’ayant lu aucun de ses livres, je ne jugerai pas son œuvre. Je peux cependant dire que, ce soir-là, elle a été la seule à parler peu ou prou de littérature. La seule à éviter de tomber dans les pièges assez peu subtils tendus par l’animateur pour rester dans l’ambiance délétère alimentée par ses précédentes invitées. La seule à avoir tenté d’évoquer son travail d’écriture, son désir d’appréhender la vie par les mots et d’essayer ainsi de comprendre ce « cœur brûlant » et mystérieux qu’est l’âme humaine.            

[2] Extrait du livre d’Anne-Sophie Nogaret et de Sami Biasoni, Français malgré eux. Racialistes, décolonialistes, indigénistes : ceux qui veulent déconstruire la France, 2019, Éditions de L’Artilleur.

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