Interview – Le marketing d’influence franchit un cap : 519 M€ investis en 2024 en France selon l’ARPP et France Pub
Le marketing d’influence passe un cap. L’ARPP, en collaboration avec France Pub, livre pour la première fois une photographie détaillée des investissements nets des annonceurs – nationaux comme locaux – dans ce levier désormais incontournable. Verdict : 519 millions d’euros en 2024, soit une progression de +12,8 % en un an, affichant une croissance plus […] L’article Interview – Le marketing d’influence franchit un cap : 519 M€ investis en 2024 en France selon l’ARPP et France Pub est apparu en premier sur JUPDLC.

Le marketing d’influence passe un cap. L’ARPP, en collaboration avec France Pub, livre pour la première fois une photographie détaillée des investissements nets des annonceurs – nationaux comme locaux – dans ce levier désormais incontournable. Verdict : 519 millions d’euros en 2024, soit une progression de +12,8 % en un an, affichant une croissance plus rapide que l’ensemble des investissements en communication.
À l’occasion de son 90e anniversaire, l’ARPP confirme que le marketing d’influence n’est plus une expérimentation périphérique, mais un levier structuré intégré au cœur des dynamiques publicitaires. Derrière ces chiffres, plusieurs tendances : plus de professionnalisation, des budgets en hausse, une montée en puissance des agences, une financiarisation assumée des collaborations, une reconnaissance sur Certificat de l’influence Responsable de l’ARPP et une quête de simplicité qui s’impose à tous les étages. En bref : un secteur en pleine structuration. Nous reviendrons ici sur les principaux enseignements de cette étude, avec les éclairages exclusifs de Mohamed Mansouri et Stéphane Martin, respectivement directeur délégué et directeur général de l’ARPP.
Une méthodologie d’étude enrichie
Xavier Guillon, DG de France Pub et présent lors de la présentation des résultats, a dévoilé la méthodologie appliquée à l’étude. Celle-ci s’appuie sur la démarche du BUMP : une approche par la demande. Il indique que « jusqu’ici, le marketing d’influence était fondu dans la catégorie du brand content. Il aura fallu trois ans de mesures pour affiner la modélisation statistique et en extraire des chiffres fiables et distincts. »
L’approche repose sur une méthodologie micro et macroéconomique. « Grâce à une base croisée de 620 000 annonceurs locaux et 10 000 nationaux, France Pub a pu modéliser l’évolution des comportements d’investissement, selon la taille et le secteur des entreprises. »
Le marketing d’influence : une croissance soutenue
En 2024, les investissements nets en marketing d’influence atteignent 519 millions d’euros, soit 5 % des dépenses digitales totales et 1,5% des dépenses publicitaires. Ce chiffre marque une forte progression comparée aux 460 millions investis en 2023 et aux 323 millions en 2022 (3,6 % du digital).
Le marketing d’influence affiche ainsi une croissance bien supérieure à celle des investissements en communication globaux : + 42,4 % entre 2022 et 2023 et + 12,8 % entre 2023 et 2024, contre respectivement + 3,7 % et + 5 % pour l’ensemble du marché.
Par ailleurs, de plus en plus d’annonceurs adoptent cette pratique : 20 % des annonceurs nationaux (environ 2 000 en 2024) ont collaboré avec des créateurs de contenu, contre 15 % en 2022. Cette part grimpe à 28 % chez les annonceurs disposant d’un budget digital annuel supérieur à 150 000 euros.
Un secteur qui se professionnalise
Le recours à des agences ou intermédiaires pour identifier les créateurs est en forte hausse : 68 % des annonceurs nationaux (soit 1 360 annonceurs) font appel à ces services en 2024, contre seulement 37 % en 2022.
Le secteur se structure donc rapidement, bien que les influenceurs puissent toujours initier eux-mêmes les collaborations : 18 % des annonceurs déclarent avoir été contactés directement par un créateur.
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Des budgets en hausse et une diversification des modes de rémunération
Si les budgets restent globalement mesurés, leur progression est significative. En 2024, 48 % des annonceurs nationaux consacrent moins de 10 000 euros au marketing d’influence (960 annonceurs), tandis que 42 % investissent entre 10 000 et 50 000 euros, contre seulement 10 % en 2022 (840 annonceurs). Les budgets dépassant les 50 000 euros restent rares (3 % des annonceurs).
Autre évolution marquante : la rémunération financière des créateurs est devenue la norme pour les annonceurs nationaux. En 2024, 68 % des annonceurs nationaux (soit 1350 annonceurs) privilégient ce mode de rémunération, contre 33 % en 2022.
À l’échelle locale, les produits ou services offerts restent davantage utilisés, avec un équilibre entre rémunération financière et avantages en nature (47 % chacun). Il convient de rappeler que, selon la loi du 9 juin 2023, toute contrepartie – même sous forme de cadeau – constitue de l’influence commerciale.
Des enjeux d’efficacité et de simplification
Interrogés sur l’avenir du marketing d’influence, 23 % des annonceurs nationaux qui ont réalisé du marketing d’influence (450) le jugent indispensable, et 38 % (750) le considèrent comme intéressant, mais encore complexe à mettre en œuvre.
Du côté des annonceurs locaux, 26 % le jugent efficace et 28 % regrettent également une mise en œuvre trop difficile. Ces chiffres soulignent un besoin fort de simplification dans les processus d’activation.
Le Certificat de l’Influence commerciale responsable de l’ARPP gagne en reconnaissance
Créé par l’ARPP pour encourager des pratiques responsables, le Certificat de l’Influence commerciale responsable est de plus en plus reconnu. En 2024, 25 % des annonceurs nationaux pratiquant le marketing d’influence (soit 500) le connaissent, et 72 % estiment qu’il est important, voire très important (1 450 annonceurs).
À l’échelle locale, 17 % des annonceurs sont familiers du Certificat (5 300), et 75 % en reconnaissent la valeur (23 300 annonceurs).
Rendez-vous sur le site de l’ARPP pour découvrir l’étude complète !
Regards croisés avec les experts de l’ARPP
Entretien avec Mohamed Mansouri, directeur délégué de l’ARPP
JUPDLC : Pourquoi cette étude maintenant ?
Mohamed Mansouri : Nous présentons aujourd’hui les résultats d’une étude menée avec France Pub sur les investissements nets en marketing d’influence par les annonceurs. C’est une étude inédite : jusqu’à présent, aucune donnée ne permettait de mesurer précisément ce levier.
Nous avons commencé à suivre ces investissements en 2022, mais il nous fallait une profondeur temporelle suffisante pour mieux analyser l’évolution. L’objectif est clair : fournir des chiffres tangibles qui permettent d’objectiver le poids réel du marketing d’influence dans le paysage médiatique français. Il a d’ailleurs été spécifiquement isolé dans les questionnaires envoyés aux marques, ce qui rend cette donnée précieuse pour l’ensemble du marché.
JUPDLC : Comment, selon vous, peut-on expliquer une telle dynamique de ce marché ?
Mohamed Mansouri : Cette croissance s’explique sans doute par la nature même du marketing d’influence : son efficacité repose sur l’authenticité. Ce ne sont pas des messages publicitaires descendus d’une marque, mais des recommandations portées par des pairs, des créateurs de contenu qui ont su établir une relation de confiance avec leur communauté.
Les audiences accordent une grande valeur à leurs avis, et c’est ce lien de proximité qui fait la force de ce levier. Les études marketing commencent d’ailleurs à démontrer des effets uplifts très clairs. On parle aujourd’hui d’une véritable creator economy, où les marques qui réussissent sont celles qui s’alignent intelligemment avec ces nouveaux canaux, en cohérence avec leurs enjeux business.
JUPDLC : On remarque aussi une certaine appréhension de la complexité du marketing d’influence chez les annonceurs. Comment lever les freins encore présents chez certaines marques ?
Mohamed Mansouri : Le premier levier, c’est le lâcher-prise. L’influence repose sur une logique de co-création. Ce n’est pas de la publicité classique, avec un brief figé et un final cut. Les créateurs tiennent à leur liberté de ton, et il est crucial de la respecter.
Le deuxième levier, c’est la simplification des contrats et des process. La loi du 9 juin 2023 impose désormais un contrat écrit. Le décret d’application est encore attendu, mais il est essentiel que les contrats soient plus clairs et plus simples, quel que soit le maillon de la chaîne : annonceur, agence, agent, créateur. Cela permettra de fluidifier les collaborations.
JUPDLC : On observe une baisse des cadeaux au profit de la rémunération financière pour les annonceurs nationaux. Un signe de professionnalisation ?
Mohamed Mansouri : Oui, sans doute. La loi du 9 juin 2023 a mis fin à une zone grise : lorsqu’un cadeau est remis en échange d’un contenu, il s’agit bien d’influence commerciale.
Dans ce contexte, la rémunération financière est plus simple, plus directe et plus transparente. Elle répond aussi à des enjeux de rationalisation et même, pour certains annonceurs, à des préoccupations environnementales : la distribution de produits physiques, notamment en masse, peut poser des questions de durabilité.
« Il y a également des passerelles de plus en plus fortes avec des formats de production issus de l’audiovisuel. Ce changement de paradigme est passionnant. »
JUPDLC : Est-ce que cette tendance pourrait s’appliquer aussi aux annonceurs locaux ?
Mohamed Mansouri : C’est possible, mais à nuancer. Au niveau local, les budgets restent très modestes – souvent en dessous de 1 000 euros. On est donc plus souvent sur de la micro-influence, où les collaborations reposent encore sur des échanges en nature. Aujourd’hui, cadeaux et rémunérations financières cohabitent à parts égales au niveau local. Il faudra voir si les pratiques évoluent avec le temps.
JUPDLC : Et demain ? Quelles perspectives pour ce marché ?
Mohamed Mansouri : Tout dépendra du contexte économique global, mais une chose est sûre : le secteur continue de se structurer. On observe une industrialisation de la création de contenus, avec le recours croissant à l’IA et à des influenceurs virtuels.
Il y a également des passerelles de plus en plus fortes avec des formats de production issus de l’audiovisuel, comme on a pu le voir avec des créateurs comme Inoxtag. Ce changement de paradigme est passionnant.
JUPDLC : L’ARPP prévoit-elle de faire évoluer son Certificat pour accompagner cette spécialisation des créateurs ?
Mohamed Mansouri : C’est effectivement une piste que nous explorons. Le Certificat actuel est généraliste, avec deux options spécifiques : produits financiers et jeux d’argent. Mais on observe une montée en puissance de profils spécialisés. L’influenceur « homme ou femme-sandwich » tend à disparaître au profit de talents experts sur des sujets précis. Les marques cherchent à collaborer avec des voix légitimes.
C’est pourquoi nous réfléchissons à un format de Certificat « à la carte », qui permettrait d’adapter les contenus pédagogiques au positionnement et à la spécialisation du créateur ou de la créatrice.
Entretien avec Stéphane Martin, directeur général de l’ARPP
JUPDLC : En quoi cette étude s’inscrit-elle dans la démarche de l’ARPP ?
Stéphane Martin : Depuis 2017, l’ARPP travaille avec la profession pour encadrer le marketing d’influence, un levier né avec les réseaux sociaux. La collaboration commerciale s’est construite ensuite, à mesure que les communautés d’influenceurs gagnaient en puissance et devenaient intéressantes pour les marques.
En huit ans, nous avons posé un socle : une règle déontologique, un certificat, un observatoire, un accompagnement continu. Aujourd’hui, une nouvelle étape est franchie avec une véritable professionnalisation, l’émergence d’intermédiaires solides et une maturité croissante chez les annonceurs.
Il était temps d’objectiver cette dynamique avec des données précises. Grâce à France Pub, nous avons pu interroger les annonceurs nationaux et locaux pour isoler — pour la première fois — le poids réel du marketing d’influence. Nous avons donc sollicité France Pub afin d’extraire les données liées à l’influence au sein de leur étude globale. Cela fait partie de nos missions : œuvrer pour une communication responsable, quel que soit le canal.
JUPDLC : Quel regard portez-vous sur ces chiffres ?
Stéphane Martin : Le chiffre principal à retenir, c’est celui des 519 millions d’euros investis en 2024, soit 5 % du marché digital et 1,5 % du marché global de la communication. Cela peut paraître modeste, mais c’est une vraie part. Ce montant est réparti sur un très grand nombre d’acteurs. La majorité des annonceurs investissent des budgets compris entre 10 000 et 50 000 euros par an. Cela montre que, malgré l’essor du secteur, la majorité des influenceurs ne vivent pas uniquement de la publicité.
JUPDLC : Vous évoquez aussi la réalité du taux de contenus sponsorisés chez les créateurs…
Stéphane Martin : Oui, selon les données de l’Observatoire et de Reech, seuls 6 % des contenus publiés par les influenceurs sont en moyenne sponsorisés. Cela confirme que les contenus commerciaux restent minoritaires dans leur production globale, ce qui participe aussi à leur crédibilité.
JUPDLC : Comment expliquez-vous la hausse de l’intermédiation ?
Stéphane Martin : Le marché se dirige vers une intermédiation croissante, ce qui peut représenter une opportunité pour les agences. Pourquoi ? Parce que les annonceurs attendent davantage : plus de contenu, plus de créativité, plus de storytelling. On est passé d’un simple placement de produit à des formats plus narratifs, plus ambitieux. La production devient plus créative, plus complexe, plus stratégique. Les influenceurs se structurent. Beaucoup deviennent des TPE, voire des PME, avec une équipe, des idées, des process.
En parallèle, il devient aussi plus complexe pour les marques de repérer les bons profils, en particulier lorsqu’elles cherchent des influenceurs spécialisés, moins visibles mais très affinés. L’intermédiation permet de répondre à ce besoin.
JUPDLC : Un mot de conclusion ? Un élément qui vous a surpris dans les résultats ?
Stéphane Martin : Pas vraiment de surprise, puisque nous suivons cette évolution depuis plus de dix ans. Mais une bonne nouvelle : la notoriété du Certificat de l’influence commerciale responsable.
Aujourd’hui, près d’un quart des annonceurs qui font de l’influence connaissent le Certificat. Cela veut dire qu’ils sont en mesure de demander à leurs partenaires de se former. On compte plus de 2 100 certifiés à ce jour. C’est rassurant, car c’est un outil créé par la profession, pour la profession, et qui trouve désormais pleinement sa place. Il reste du chemin à faire, notamment au niveau local, mais la dynamique est là.
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