Fabien Galthié: l’homme du tournoi

Ça y est ! Le XV de France a remporté samedi le tournoi des Six nations, en s'imposant 35-16 face à l'Écosse. Encore une victoire qui témoigne de l'importance de Fabien Galthié, l'homme qui depuis son arrivée, n'a cessé de redresser cette équipe et de la hisser au sommet du rugby... L’article Fabien Galthié: l’homme du tournoi est apparu en premier sur Causeur.

Mar 17, 2025 - 16:00
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Fabien Galthié: l’homme du tournoi

Ça y est ! Le XV de France a remporté samedi le tournoi des Six nations, en s’imposant 35-16 face à l’Écosse. Encore une victoire qui témoigne de l’importance de Fabien Galthié, l’homme qui depuis son arrivée, n’a cessé de redresser cette équipe et de la hisser au sommet du rugby.


Cinq ans avant d’être nommé sélectionneur-entraîneur des Bleus, Fabien Galthié, l’homme aux étranges incongrues lunettes à grosse monture noire qui donnent l’impression qu’il est étranger à ce qui l’entoure, n’avait pas caché son ambition : si cette responsabilité lui était échue un jour, il ferait de ceux-ci la meilleure équipe du monde. On l’avait pris alors pour un arrogant hâbleur…

Fin de la malédiction

Une décennie plus tard, après les deux matches d’anthologie gagnés contre l’Irlande (42-27), la grande favorite, à Dublin où elle faisait figure d’invincible, et la vaillante Écosse (35-16) qui n’a pas tenu la distance, samedi, au Stade de France, qui lui ont valu de décrocher le trophée du Tournoi des six nations, il semble bien qu’il est en passe de réaliser cette prophétie. En tout cas, pour le quotidien L’Équipe, qui n’a jamais été très complaisant à son endroit, il serait bien parti pour. Cette victoire, écrit le quotidien sportif, « atteste d’une progression qui peut nourrir beaucoup d’espoirs à deux ans et demi de la coupe du Monde en Australie. »

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Pour le moment, ce qui est sûr, c’est qu’il a été incontestablement l’homme de cette 25ème édition du Tournoi qui restera gravée dans les annales de l’Ovalie hexagonale, non seulement parce qu’il a enfin conjuré une malédiction qui le poursuivait depuis sa prise de fonction, celle de gagner de grands matches mais de ne conquérir aucun titre, mais aussi parce que les Bleus ont fait tomber quelques records et en ont établi d’autres.

En fait, la malédiction n’était pas tout à fait exacte, euphémisme pour ne pas dire fausse. En vérité, c’est plutôt, lui, Galthié, qui a mis un terme à une disette de titres. L’âge d’or du XV de France dans les Six nations a été la décennie de 2000 à 2010, où il a engrangé quatre titres (2002, 04, 06, et 2010), pratiquement un tous les deux ans. Puis, en 2011, les bleus perdent à Auckland, capitale de la Nouvelle-Zélande, la finale de la coupe du monde d’un petit point (8 à 7, un essai et une pénalité – discutable – pour les All blacks, contre un essai transformé pour les Tricolores). Sonnés par cette amère déconvenue, les Bleus ne sont plus que des figurants dans les Six nations.

Joueur émérite et entraîneur à succès

Quand Galthié prend les commandes des Tricolores, il a un passé d’entraîneur à succès en club et de joueur émérite à l’international. Comme entraîneur, il a conquis en 2007 avec le Stade français le bouclier de Brennus qui récompense le champion de France, et est finaliste en 2011 avec Montpellier. Comme joueur (demi de mêlée, poste oh ! combien stratégique), il a été déclaré meilleur du monde par l’International Rugby Board (l’instance suprême), fait partie du club très fermé de ceux qui ont disputé quatre coupes du monde dont une finale, a à son actif trois Grands Chelems et deux championnats de France. En somme, un des palmarès parmi les plus prestigieux. Ce qui l’autorise quand on lui a confié les rênes d’une équipe de France en quenouille à mettre les pendules à l’heure et à parler cru. « On n’est plus ici pour jouer, on est pour gagner vu qu’on est des pros », aurait-il en substance dit au staff et aux joueurs. Sur un ton ne souffrant aucune réplique, il aurait ajouté que le temps des « ronds de serviettes au banquet des quinze » était désormais révolu.

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En 2022, douze après leur dernier titre en Six nations, le XV tricolore réalise le Grand Chelem. En 2020, puis en 2023 et 24, il termine second derrière l’Angleterre puis deux fois derrière l’Irlande, classée deuxième équipe mondiale. À l’édition 2021, les Français terminent 5ème. C’est une année charnière, où les anciens cèdent leur place aux jeunes-pousses qui constituent l’ossature de l’équipe actuelle, les Dupont, Ramos, Gros, et consorts. En gros, en cinq ans, trois places de second et un Grand Chelem, ce n’est pas à dédaigner.

Certes, à la coupe du Monde de 2023 où elle était donnée grande favorite, l’équipe de France s’est fait sortir en quart. Mais par qui ? Par l’Afrique du Sud qui a gagné le titre. Et sur quel score ? 29 pour les Springboks contre 28 pour les Bleus. Encore un petit point en leur défaveur, comme lors de ce Six nations contre les Anglais (26-25) qui les prive du Grand Chelem, leur objectif affiché.

Pourtant, en match d’ouverture de cette même édition de la coupe du Monde, les Français avaient réalisé l’exploit face à la Nouvelle-Zélande en l’emportant par un 27 à 13 ce qui laissait présager un avenir radieux si elle n’avait pas rencontré prématurément les Sud-Africains qui vaincront ces mêmes Néo-Zélandais en finale. Un an plus tard, au Stade de France, à l’issue d’une rencontre haletante, lors de la tournée dite d’automne face aux All Blacks, les Bleus rééditeront leur exploit mais cette fois juste, à leur tour, avec un petit point d’avance (30-29). Dès lors, le XV français, sous la férule de Galthié, pouvait être considéré comme un des meilleurs du monde, ce que cette victoire, certes sans Grand Chelem, induit.

Un tournoi de records

En effet, en plus d’avoir gagné les Six nations, la France a fait une razzia de records. Avec ses huit essais en une seule édition, Louis Bielle-Biarrey, l’ailier « supersonique », comme il est déjà surnommé, coiffé de son immuable casque rouge, âgé seulement de 21 ans, a égalé le plus anciens de tous qui était détenu depuis 1914 par l’Anglais Cyril Lowe, rejoint en 1925 par l’Ecossais Ian Smith.

Les Français qui ont marqué en tout 30 essais ont dépossédé les Anglais du record qu’ils détenaient depuis 2001, avec 29 à leur actif, du nombre de réalisations en une seule édition. En inscrivant son 450ème points, Thomas Ramos est devenu le meilleur marqueur français de tous les temps, ce qui lui ouvre la perspective de pouvoir, avant la fin de sa carrière, envisager le record mondial de 566 points détenu par l’Irlandais Johnny Sexton. Enfin, Damian Nadau avec ses 39 essais en 55 sélections a supplanté le charismatique Serge Blanco, « le Pelé du Rugby », qui lui en avait réalisé 38 mais en 93 sélections.

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La France est aussi devenue une machine à marquer. À la différence entre points marqués et encaissés, elle a battu son propre record qui datait de 1998, à savoir qu’elle a porté son solde positif à 125 points contre 95. Avec 71 points passés contre l’Italie, elle a aussi établi le record, qui a peu de probabilité d’être battu dans un avenir proche, du score le plus élevé depuis la création des Six nations en 2000. Lors de cette 25ème édition, hormis lors de sa très courte défaite face à l’Angleterre (25-26), elle a remporté toutes ses rencontres en franchissant systématiquement la barre des 30 points : 35 contre l’Écosse, 42 contre l’Irlande, 43 contre le Pays de Galles et 71 époustouflants contre les trans-alpins.

S’ajoute qu’avec près de 10 millions de téléspectateurs devant leur écran samedi, France 2 a battu tous les records d’audience faisant que le XV de France supplante auprès du public hexagonal le Onze tricolore. Si sa pratique reste majoritairement circonscrite à un grand Sud-ouest, le rugby, un sport « de voyous joué par des gentlemen », aux règles certes absconses, est en passe de gagner le match de la popularité par réaction, sûrement, aux dérives à la fois des supporteurs et des pratiquants du foot.

Il ne pouvait que diriger une équipe

Ce bilan « globalement positif » est sans conteste imputable à Fabien Galthié, « un stratège hors pair à la personnalité complexe », ainsi qu’un chroniqueur de l’ovalie l’a qualifié. On lui reproche de manquer d’humanité envers les joueurs, d’être rugueux dans ses propos à l’endroit du joueur qui a failli. Ce qu’a démenti indirectement, dans une longue interview accordée au « journal officiel » du Rugby, Midi Olympique, Maxime Lucu, le Basque à qui a incombé la lourde mission de remplacer Antoine Dupont après sa grave blessure qui risque de compromettre, du moins psychologiquement, sa carrière.

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En 2024, Lucu a connu un gros passage à vide qui menaçait la poursuite de sa carrière internationale. Avec Galthié, « nous avons beaucoup discuté, dit-il. Des échanges sincères où il m’a dit être désolé pour moi et déçu (…). Ça m’a fait du bien… » Galthié l’a fait revenir en équipe de France alors que d’autres sélectionneurs l’auraient rayé de leur liste. Et, comme l’a reconnu Galthié, il a été décisif dans la victoire cruciale contre l’Irlande.

Un de ses anciens équipiers au Stade français à dit de Galthié : « Il vit, mange, dort rugby. Il est d’une exigence peu commune envers lui-même et envers les autres. Il ne pouvait que diriger une équipe. » Une équipe à gagner.

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