Établir un suivi de la dette technique avec les DORA Metrics
Les DORA Metrics sont devenus la référence pour mesurer la performance des équipes tech. Délais de déploiement, fréquence des releases, stabilité des mises en prod… Tout est chiffré, tout est suivi. Sur le papier, c’est idéal pour optimiser le développement logiciel. Mais ces métriques sont souvent mal comprises et mal exploitées : Et surtout, trop...
Les DORA Metrics sont devenus la référence pour mesurer la performance des équipes tech. Délais de déploiement, fréquence des releases, stabilité des mises en prod… Tout est chiffré, tout est suivi.
Sur le papier, c’est idéal pour optimiser le développement logiciel. Mais ces métriques sont souvent mal comprises et mal exploitées :
- Trop d’équipes les collectent sans en tirer parti. Afficher un joli dashboard, c’est bien. Mais si personne n’en fait rien, c’est inutile.
- Trop de managers les transforment en objectifs absurdes. Réduire le MTTR à tout prix ? Facile : il suffit de déployer moins souvent pour limiter les incidents. Résultat : le produit stagne.
- Trop de projets les appliquent sans contexte. Comparer les DORA Metrics d’un SaaS en déploiement continu et d’un système embarqué critique ? Aucun sens.
Et surtout, trop d’équipes pensent que ces chiffres ne concernent que les DevOps. En réalité, les DORA intéressent tout le monde : DSI, CTO, product managers… Elles permettent de piloter la capacité de livraison, d’anticiper les frictions et d’aligner la tech avec les enjeux business. Mais encore faut-il qu’elles soient utilisées intelligemment.
Le vrai enjeu, ce n’est pas juste de mesurer, c’est d’agir. Une métrique n’a de valeur que si elle permet d’améliorer le delivery et d’accélérer la mise en production de fonctionnalités utiles.
On a déjà exploré comment fixer des objectifs de succès pour un logiciel. Ici, on va voir comment ces métriques peuvent (ou non) être des indicateurs pertinents pour y parvenir. Et comment les mettre en place intelligemment en évitant les pièges classiques qui les rendent inefficaces.
Les 4 Métriques DORA (et ce qu’elles révèlent vraiment)
Les DORA Metrics ne servent pas juste à mesurer la performance d’une équipe tech, elles révèlent où se situent les blocages et comment améliorer le delivery. Mais encore faut-il les interpréter correctement.
Deployment Frequency (DF) : livrer souvent ne suffit pas
Déployer fréquemment, c’est essentiel pour un produit en mouvement. Mais une cadence élevée ne veut rien dire si chaque mise en prod est insignifiante ou risquée. L’enjeu, ce n’est pas juste d’augmenter le rythme, c’est de livrer régulièrement des incréments de valeur réels.
Si une équipe peine à livrer plus d’une fois par mois, ce n’est pas un problème de motivation, c’est souvent un workflow rigide : backlog trop engorgé, sprints mal calibrés, process de validation trop lourds.
À l’inverse, une équipe qui pousse en production plusieurs fois par jour, mais avec un taux d’échec élevé, prend des risques inutiles.
Ce qui fait la différence ? Un pipeline fluide, des releases incrémentales et des feature flags pour éviter les big bangs.
Mean Lead Time for Changes (MLTC) : où se perd le temps ?
Du premier commit à la mise en production, combien de temps s’écoule-t-il ? Un délai excessif indique souvent des goulets d’étranglement :
- PR qui traînent : une review qui dure trois jours, c’est une feature qui stagne.
- Tests manuels trop lourds : automatiser les tests unitaires et d’intégration permet d’accélérer sans sacrifier la qualité.
- Process internes rigides : si chaque mise en prod passe par une validation manuelle complexe, c’est toute la chaîne qui ralentit.
L’objectif n’est pas forcément de livrer en un temps record, mais de réduire le temps perdu sur des étapes sans valeur ajoutée.
Change Failure Rate (CFR) : des déploiements sous contrôle
Un taux d’échec élevé lors des mises en production n’est pas une fatalité, c’est un symptôme. Mauvaise couverture de tests, intégrations instables, manque de monitoring… Les causes peuvent être multiples, mais elles signalent une chose : l’équipe ne maîtrise pas complètement son delivery.
Un CFR faible ne signifie pas qu’une équipe est ultra-performante, juste qu’elle ne casse rien. Mais si elle prend zéro risque et livre peu, ce n’est pas un indicateur de succès. L’enjeu est de trouver le bon équilibre entre rapidité et stabilité.
Mean Time to Recovery (MTTR) : la vitesse de réaction est clé
Les incidents sont inévitables. Ce qui compte, c’est la rapidité avec laquelle l’équipe les détecte et corrige. Un MTTR long peut révéler plusieurs problèmes :
- Manque de visibilité : une équipe qui découvre un bug via les retours utilisateurs est déjà en retard.
- Process de correction trop lents : si chaque fix demande une validation interminable, la réactivité en prend un coup.
- Absence de rollback efficace : un bon déploiement permet un retour arrière instantané si un problème est détecté.
Le but n’est pas d’éviter les incidents à tout prix, mais de s’assurer que leur résolution est quasi immédiate, sans impacter les utilisateurs.
Fiabilité : l’oubliée qui change tout
Livrer vite, c’est bien. Livrer sans casser, c’est mieux. La fiabilité est la 5e métrique qui manque aux DORA. Elle ne mesure pas la cadence des déploiements, mais leur impact sur la stabilité du produit.
Un MTTR bas ne sert à rien si les incidents explosent. Un DF élevé n’est pas un bon signal si chaque mise en prod entraîne une panne. La vraie question, ce n’est pas « combien de temps on met à réparer », mais « pourquoi on doit réparer aussi souvent ».
Ce qui compte, c’est :
- Le taux de disponibilité : un service rapide mais down 10% du temps est un mauvais service.
- Une performance stable : si chaque release ralentit l’application, c’est un problème.
- Une expérience utilisateur fluide : si le système plante aux heures de pointe, tous les autres KPIs sont faussés.
Les DORA Metrics mesurent le delivery. La fiabilité s’assure que ce delivery ne tourne pas à la catastrophe.
Les métriques DORA ne suffisent pas : un cas concret
Une équipe SaaS déploie en continu, corrige ses incidents en moins de 8 heures… et pourtant, les utilisateurs ne voient pas d’amélioration. Pourquoi ?
En creusant, ils réalisent que leur Change Failure Rate reste trop élevé. Les correctifs sont rapides, mais les bugs récurrents. Leur Mean Lead Time for Changes est long : les features passent trop de temps en review et en test manuel. Résultat ? Un faux sentiment d’efficacité.
Plutôt que de chercher à maximiser chaque métrique, l’équipe change d’approche. Automatisation des tests, cycles de review raccourcis, regroupement des évolutions pour des releases plus cohérentes.